La destruction du “modèle suisse” en quatre étapes

Dans une démocratie directe le peuple est souverain. La séparation des pouvoirs entre l’exécutif (Gouvernement), le Législatif et le judicatif ainsi que le fédéralisme rendent impossible tout influence d’un groupement d’intérêt minoritaire. Voila pour la théorie.

En réalité, la politique suisse fait l’objet de diverses zones d’ombres. Mais la base du problème, c’est que le modèle Suisse se basant sur la démocratie directe, le fédéralisme, la neutralité et l’indépendance a été systématiquement démantelé.

 

1. La destruction de la neutralité

Avec la chute du mur de Berlin et la « fin de l’Histoire », un « Nouvel Ordre Mondial » semblait émerger. Fini l’affrontement entre les nations et la menace de la destruction mutuelle assurée par armes nucléaires. Le monde allait devenir un village global dans lequel l’économie capitaliste garantirait une hausse du niveau de vie pour tous.

Dans ce contexte, la Neutralité perpétuelle et armée n’aurait plus de sens. La victoire écrasante du modèle occidental sur son rival démontrait que pour réussir, il fallait adopter le libéralisme absolu. Inutile de se tenir à l’écart. Le « sonderfall » avait vécu. La Suisse devait rejoindre ce monde plein d’opportunités, de richesses et de croissance.

 

Etant donné que la population suisse tenait encore majoritairement à son modèle et que la gueule de bois qui suivait le « dimanche noir » (rejet de l’adhésion à l’EEE par le peuple et les cantons le 6 décembre 1992) empêchait le Conseil Fédéral d’avancer ouvertement, ce dernier en contradiction absolue avec la volonté populaire a décidé de suivre son agenda en cachette.

Une des décisions marquantes du Conseil Fédéral fut l’adhésion de la Suisse au programme de l’OTAN « Partenariat pour la Paix » (PPP). Cette décision ne fut PAS soumise au référendum facultatif, ce qui indique un déni démocratique de la part du gouvernement, a amené la Suisse dans la zone d’influence de l’OTAN.

Il va de soi qu’une participation à l’OTAN n’est pas compatible avec la neutralité perpétuelle de la Suisse et aurait dû être soumise au référendum facultatif. Qu’en est-il du PPP ? Cet organisation vise avant tout à créer des liens de partenariat et des échanges diplomatiques entre les Etats membres et l’OTAN. Or, une dépendance de ces Etats envers l’Alliance Atlantique peut clairement être démontrée.  Ainsi, les normes militaires (équipements, calibres, organisation de l’armée…) doivent être adaptées à celles de l’OTAN. Le but du Partenariat pour la Paix est clairement de collaborer avec l’OTAN, en vue d’une adhésion.

La voie de l’internationalisme était donc bel et bien entamée par les perdants du 6 décembre 1992. A la fin du siècle, alors que l’OTAN - sans mandat des Nation-Unies et sans respect de sa propre charte qui interdisait une attaque en dehors du territoire de l’Alliance - attaquât la Serbie, le Conseil fédéral et le parlement suisse décidèrent d’autoriser l’envoi de troupes confédérées armées à l’étranger. Il s’agit ici bien d’un changement radical de paradigme dans la politique étrangère Suisse et d’un abandon de fait de la neutralité Suisse lors d’un conflit armé.

L’acceptation par le peuple de ce virage de la politique de sécurité en juin 2001 représente la plus grande entorse à la neutralité Suisse depuis 1848. Il était clair dorénavant que la Suisse, partenaire de l’OTAN, prendrait parti lors de certains conflits. La Neutralité est devenue une coquille vide de sens.

L’adhésion à l’ONU ne représente que la suite logique des événements. Les internationalistes ont gagné une manche : La Neutralité ne sera plus un pilier crédible pour le modèle Suisse. Pire encore, la Neutralité - désormais « active » - de la Suisse est utilisée pour permettre aux chefs du département fédéral des Affaires étrangères de se profiler sur la scène internationale.

 

2. La destruction du fédéralisme

Autre pilier du Modèle Suisse, le fédéralisme devait également être détruit. Seul un gouvernement central fort devait subsister afin de faciliter l’intégration de la Suisse dans les institutions internationales.

La Suisse est un Etat particulier. Les cantons sont souverains. Ils n’ont délégué à Berne qu’une partie de leurs affaires. Ce sont eux qui ont la liberté de gérer leurs affaires internes. L’Education n’est pas la même aux Grisons que dans le canton de Neuchâtel et les impôts sont différents de canton à canton. Berne ne gère que les affaires qui relèvent de l’intérêt supérieur,comme l’armée et la politique étrangère.

La destruction du fédéralisme commence en douceur : Les fusions de communes et la création de groupements communaux (« agglomérations ») disposant d’un parlement non-élu directement et doté de pouvoirs opaques (entre la commune et le canton) ont affaibli la base même du fédéralisme, la commune.

Puis les conférences des directeurs cantonaux se sont mises en place et ont commencé à édicter des normes qui rapidement sont devenues des lois cantonales. Une fois de plus la démocratie est contournée.

Puis il y a la tendance générale du parlement national à prendre de plus en plus de décisions qui relèvent de l’autorité cantonale. Ainsi, le droit fédéral remplace petit à petit le droit cantonal. Et les parlements cantonaux sont réduits à mettre en application des décisions qu’ils n’ont jamais prises.

 

3. La destruction de la démocratie

Que ce soit la destruction de la Neutralité ou du fédéralisme, la population n’a jamais été consultée. Cette évolution s’est faite en dessous du radar des simples citoyens. Certes, ils ont eu l’occasion de voter sur certains sujets partiels. Les fusions de communes doivent être adoptées par les citoyens. Mais dans ce cas, il n’y a jamais eu de débat de principe. On a réduit la question à la rentabilité et non à l’identité des villageois.

Et lorsqu’il y a eu des votes majeurs comme par exemple la question de l’adhésion à l’ONU, ou de l’envoi de soldats à l’étranger, une gigantesque machine de propagande gouvernementale s’est mise en route. Il ne s’agit pas de tracts et d’affiches, mais d’articles de presse, d’analyses et expertises de la part de « spécialistes » de reportages, de pressions politiques, d’interventions de personnalités publiques et de responsables de grandes entreprises, de l’implication du gouvernement dans la campagne et d’une communicqtion biaisée relayée par les médias d’Etat.

Un des exemples les plus flagrants est celui du débat sur les accords bilatéraux. Toute l’élite économique, médiatique, intellectuelle et politique s’est battue pour obtenir un OUI. Ce fut chose faite. Dans les médias les opposants n’avaient pas voix au chapitre. La démocratie directe ne peut pas survivre dans de telles conditions.

 

4. La destruction de la souveraineté

La souveraineté nationale est l’unique cadre dans lequel une démocratie directe peut exister. En même temps, la souveraineté nationale est le principal obstacle à une intégration de la Suisse dans des instances supranationales.

Depuis 1992, les perdants du vote sur l’EEE tentent par tous les moyens de faire adhérer la Suisse à l’Union Européenne. Les accords bilatéraux - avant tout la libre circulation des personnes - ont fait de la Suisse un «membre passif» de l’UE.

En plus d’affaiblir la démocratie directe, les élites politico-médiatiques prônent la reprise du droit Européen par la Suisse et la soumission de notre pays sous la jurisprudence de l’Union Européenne, notamment via un accord-cadre dont le contenu détaillé reste caché aux yeux des citoyens. Or, un Etat qui applique les lois étrangères sur son territoire n’est plus souverain. Il devient une colonie.

Malgré tous ces efforts menés par les élites suisses, la population ne veut pas adhérer à l’Union européenne. L’indépendance et la Neutralité de la Suisse ont toujours la cote au sein de la population. Mais ceci ne va pas empêcher les élites à poursuivre leur politique.

 

La fin du modèle Suisse ?

La pression que subit le modèle Suisse par les élites politiques, économiques, médiatiques et intellectuelles représente un grand risque pour les citoyens du pays. Le souhait d’en finir avec le modèle Suisse est bien réel au sein des coulisses du pouvoir helvétique. Il est urgent de réagir et d’empêcher nos élites d’atteindre leurs objectifs.

Le citoyen n’est libre que dans la démocratie directe. La démocratie directe n’est viable que dans un Etat souverain. La défense de la souveraineté suisse assure la liberté individuelle de tout citoyen. En 2018, ce combat pour nos libertés continuera de plus belle. La votation sur l’initiative pour l’autodétermination qui vise à assurer la prédominance de la constitution fédérale sur le droit international sera le prochain combat d’importance pour assurer un avenir en liberté pour tous les habitants de notre pays. Nous ne pouvons nous permettre de perdre ce combat!

Albert Leimgruber

2.11.2017