Interview de Perrine Truong, cheffe de clinique aux urgences au CHUV, le 26 mars 2020
La vidéo ci-dessous a été recommandée par notre lecteur G. Vuilliomenet.
Au moment de cette interview, il y avait 60 morts du coronavirus en Suisse.
Perrine Truong est une ancienne athlète (4’27 sur 1500 m et 2’12 sur 800 m), née le 29.07.1987, Elle est désormais cheffe de clinique aux urgences du CHUV. Elle raconte la situation actuelle et notamment : - Les chiffres qui ne veulent rien dire - L’hôpital MOINS rempli que d’habitude - La peur d’être débordé et de devoir faire des choix tragiques - Le drame italien - « Le Coronavirus ce n’est pas le premier et ce ne sera pas le dernier » - La nouvelle star française Didier Raoult - « Les grosses années de grippe, en France c’est 10'000 morts, on en est encore loin » - « Ce n’est pas une infection pire qu’une grippe, le problème c’est la vague » - La difficulté d’appréhender la mort dans la société actuelle - Les mauvaises informations des journalistes et des politiciens
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Résumé Cenator : Perrine Truong dit avec un large sourire qu’elle n’a pas peur d’en mourir. Elle précise plus tard que les jeunes en bonne santé et des sportifs même dans la cinquantaine ne risquent quasiment rien.
La peur, avec le coronavirus, c’est dans l’inconnu. On a à faire à une pathologie qu’on ne connait pas bien. La peur des soignants, c’est d’être submergés au niveau de la prise en charge, de ne plus pouvoir faire face.
Puis la peur des soignants de devoir faire le choix entre deux patients, qui doit vivre, qui doit mourir.
L’activité à l’hôpital est sous contrôle actuellement. On n’est pas vraiment en guerre. Ce n’est ni le premier ni le dernier virus, même si la pandémie va se résoudre. Il y a de la comorbidité chez la majorité des patients : diabète, obésité et surtout, beaucoup d’hypertension.
– Est-ce qu’en milieu médical on parle de sélection naturelle ?
Perrine Truong (rires) : On en parle entre nous. (6:03-6:08) « Mais non, officiellement on ne parle pas vraiment de sélection naturelle. »
C’est une épidémie banale qui ne tue pas plus que les autres grippes saisonnières.
Ce n’est pas pire que la grippe, le problème est la vague qui peut arriver. Tous en même temps, des patients très malades, c’est là le problème.
Intervieweur : La grippe de Hong-Kong a fait, rien qu’en France en décembre 1969, 25’000 morts. Les médias parlaient de grippe particulièrement virulente, rien d’autre.
Perrine Truong : Le problème est que tout le monde va arriver en même temps à l’hôpital.
(9:46-10:04 ) Et puis, si on avait dit, eh bien, à partir de 80 ans, on laisse les gens à la maison, ET PUIS ILS MEURENT A LA MAISON, ce serait quasiment moins difficile que de se dire : ah ben on les a tous à l’hôpital et puis on doit décider, nous.
ndlr: Il faut savoir que si on laisse mourir les malades à la maison dès 80 ans cela signifie que le patient sera privé de tous les soins que l'hôpital fournit AVANT l'intubation avec de l’oxygène pulsée et la phase suivante, si son état ne s'améliore pas, par l'intubation.
C’est un problème de société, la peur de la maladie et de la mort. Il y a une espèce de panique irrationnelle. Toute panique est irrationnelle par rapport à la peur.
Les peurs, c’est parce que les informations sont relativement mal données à la population, autant de la part des journalistes que de la part des politiciens. Les recommandations ont été longtemps floues. Même moi, je me demande alors que je suis là-dedans, est-ce que j’ai le droit de le faire ou pas ?
Pour la population, beaucoup de gens ont très peur mais pas pour les bonnes raisons.
Ça peut devenir comme en Italie ?
Oui, mais actuellement ce n’est pas le cas.
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Vidéo | Covid-19 | Deuxième point de la situation avec Perrine Truong CRISE
Nouveau point avec la demi-fondeuse devenue cheffe de clinique aux urgences Perrine Truong. - Le stress et la tension qui augmente - La situation sous contrôle - La sédentarité et l'âge comme facteurs principaux de risque - L'inutilité des masques dans la rue - Son quotidien.
Cette seconde vidéo a été tournée 10 jours plus tard, le 1er avril. Désormais la Suisse compte 434 morts.
Perrine Truong : Porter des masques dans la rue ? Les masques chirurgicaux sont périmés au bout de maximum 4 heures, il faut les changer. Par conséquent, dans la rue, ça n’a pas beaucoup de sens. Tout au plus, cela protège les autres lorsqu’une personne est infectée. Il faut se laver des mains. Mais le virus ne se promène pas comme ça dans l’air (16:15) (faux)*, donc mettre un masque pour se promener dans la rue, ça n’a pas beaucoup de sens.
En Suisse, on ne manque pas de matériel pour affronter cette crise, ni de masques, ni d’autres choses.
Selon les prévisions optimistes, il y aura 1000 morts, selon les prévisions pessimistes, 100'000.
On ne sait pas quand viendra la grande vague, ni sa longueur, ni son intensité.
Pourquoi y a-t-il beaucoup de malades à un endroit et pas à d’autres ?
Perrine Truong : Les mesures ont été prises tard pour le Tessin. Pourquoi Vaud ? A cause des grandes agglomérations.
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* https://www.letemps.ch/sciences/coronavirus-pourrait-finalement-se-transmettre-lair
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https://www.youtube.com/watch?v=4unVNVEfI9E
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