Je l'avoue, j'ai toujours autant de peine à digérer le fait que les responsables qui ont conçu le PER ont autant démoli l'enseignement de l'histoire. J'écris encore ce billet à ce sujet et après, promis juré, je change de sujet. Cela dit, si quelqu'un pense pouvoir me faire changer d'avis et contredire mes arguments, je suis tout à fait disposé à l'écouter, voir même à me renier si par le plus grand des hasards il parvenait à me convaincre de mon erreur. Mais j'en doute.
Je le dis et le répète, les démarches historiennes qu'ils ont massivement poussées en avant n'ont aucun intérêt (1). Non seulement elles n'ont aucune utilité mais, contrairement à ce qu'on pourrait croire si on n'analyse pas un peu en détail la question, elles n'amènent aucune compétence réelle. Les véritables compétences ne sont en effet pas possibles sans avoir acquis des connaissances au préalable (2).
Mais il y a pire encore. Aujourd'hui, j'ose affirmer que non seulement les élèves perdent leur temps avec ces élucubrations constructivistes, mais qu'en plus, celles-ci sont néfastes et les rendent incultes. Voici pourquoi.
L'autre jour, me baladant sur le site de l'animation pédagogique valaisanne à la recherche de documents que je pourrai utiliser, je suis tombé sur le fil rouge proposé pour les 3ème années du cycle d'orientation. J'ai été très étonné de constater que, concernant la thématique de la 2ème guerre mondiale, les différentes parties qui la constituent, à savoir l'histoire suisse/valaisanne, l'Europe nazie, la Shoah et la résistance française n'étaient en fait pas impératives. L'animation précise noir sur blanc qu'il s'agit de faire des choix dans ces différents thèmes.
Cela revient à dire que certains élèves sortiront de l'école obligatoire sans avoir aucune notion sur l'Europe nazie, l'histoire suisse ou la Shoah par exemple. Remarquez que ces élèves auront peut-être la chance d'en savoir un rayon sur les hippies, qui sait!
Pourtant, à bien y regarder, la dotation horaire est de 12 périodes pour ce sujet. En principe, en 12 périodes, il devrait être possible de couvrir l'ensemble de ces aspects. Mais penser de la sorte, c'est oublier que de travailler selon les dogmes constructivistes est extrêmement chronophage. Pour tout dire, travailler avec des démarches historiennes, c'est passer nettement plus de temps pour acquérir beaucoup moins de connaissances factuelles. Exit donc l'espérance de former des spécialistes du mouvement hippie. De plus, rien ne permet d'affirmer que ces connaissances sont mieux ancrées dans la mémoire d'un élève qu'une méthode d'enseignement plus conventionnelle.
Mais de cela, les constructivistes n'en ont cure puisque l'important n'est plus l'acquisition de connaissances historiques, mais l'entrainement de ces démarches historiennes. A ce propos, un bref regard sur le plan d'étude romand finira de nous en convaincre. Car en comparaison de celui-ci, le fil rouge valaisan fait office de véritable encyclopédie de la connaissance!
Quantitativement, dans le PER, il y a plus d'exigences à travailler de pseudos démarches historiennes que des connaissances historiques. Pour être précis, si quelques thématiques historiques y sont énoncées, il est également précisé noir sur blanc que la liste en question est "non exhaustive et non prescriptive" (3).
En clair, aucun sujet n'est imposé, il suffit de traiter des domaines compatibles avec d'autres objectifs que l'on trouve dans une partie dénommée "Etude des permanences et changements dans l'organisation des sociétés" (4) (oui je sais ça commence à être compliqué tout cela, mais le PER semble avoir été écrit de manière à être le moins lisible possible pour le non-initié), dernier bastion de ce qui ressemble de plus ou moins loin à des connaissances historiques dans le plan d'études romand. Et dans cette section, si on trouve les exigences d'analyser des conflits politiques, idéologiques et territoriaux et de leurs règlements et d'analyser l'influence des idéologiques (5), en revanche rien n'oblige ni à traiter des guerres mondiales, ni du nazisme ou du communisme. Il est tout à fait envisageable d'avoir approché le pacifisme, la décolonisation ou je ne sais quoi d'autre à la place.
Dans un tel cas de figure, on se retrouvera avec des jeunes qui sauront identifier les références historiques dans des représentations documentaires ou de fiction (bien que sans connaissances préalables, cela reste à démontrer) ou identifier la pluralité des organisations du temps mais qui n'auront jamais entendu parler d'Hitler, de Staline ou autre Stalingrad (6).
Après cela, quelqu'un osera-t-il prétendre que le PER ne fabrique pas de l'inculture? Est-ce vraiment là ce que nous voulons pour nos enfants?
Stevan Miljevic, le 3 septembre 2014
http://stevanmiljevic.wordpress.com
(1) http://stevanmiljevic.wordpress.com/2014/08/23/pourquoi-les-demarches-historiennes-nont-pas-leur-place-a-lecole-obligatoire/
(2) http://stevanmiljevic.wordpress.com/2014/04/21/les-competences-sont-impossibles-sans-les-connaissances/
(3) Plan d'études romand/cycle 3, version 2.0, mai 2010 "Mathématiques et sciences de la nature-Sciences humaines et sociales" p.92
(4) ibid p.90-91
(5) Ibidem
(6) cette remarque vaut pour à peu près tous les sujets historiques d'importance