Serge Michailof, professeur à Sciences-Po, ancien directeur de la Banque mondiale et ancien directeur des opérations de l'AFD (Agence Française de Développement) déclare notamment, à l’occasion de la parution (voir photo ci-dessus) de son dernier livre (extraits adaptés ; voir lien vers LSB en bas de page et sources en fin de paragraphes) : En 2050, l’Afrique au sud du Sahara aura une fois et demie la population de la Chine, mais les jeunes en âge de travailler y seront trois fois plus nombreux. Où seront les emplois ? La partie de l’Afrique qui est en crise a l’inconvénient de se comporter comme un cancer, diffusant des métastases autour d’elle qui s’appellent insécurité, terrorisme, réfugiés, circulation des armes, enlèvements d’otages, piraterie, épidémies, migrations massives. Nous commençons tout juste en Europe à percevoir les conséquences de l’implosion de la Syrie et de la Libye, des petits pays en termes de population.
Serge Michailof : Quelles seraient les conséquences de l’implosion d’une zone immense, peuplée de 100 millions d’habitants aujourd’hui, 200 millions dans vingt ans, dont une bonne partie est francophone ? Quelles seraient les conséquences d’une déstabilisation de l’Afrique de l’Ouest à partir des métastases que diffuse la Libye via un Sahel en crise ? On croit qu’en « neutralisant » les terroristes on va restaurer la sécurité. Mais le problème, c’est que les plus fragiles de ces pays, en particulier au Sahel, sont des barils de poudre.
Serge Michailof : On peut craindre que surgisse d’abord un « Sahélistan », puis, par un jeu de dominos, un « Africanistan » : un Afghanistan africain, mais à la puissance 5 ou 10, dont l’une des conséquences inéluctables sera qu’une bonne partie de l’Afrique en crise se retrouvera dans nos banlieues. Il faut aussi se demander quel sera l’impact sur nos banlieues, sur notre société, sur nos équilibres politiques, des migrations massives que la déstabilisation du Sahel ne manquerait pas de provoquer. [source].
Serge Michailof : J'ai eu un véritable examen de conscience sur le choix du titre et l'angoisse de me faire récupérer par l'extrême droite. J'ai fait relire mon dernier chapitre sur les migrations à des amis africains ou d'extrême gauche avant de donner le bon à tirer. Mais il est temps de taper du poing sur la table. Mais le fond du problème, à savoir : une démographie hors de contrôle ; une agriculture largement en panne ; l'absence de perspectives en termes d'emplois ; la perte d'espoir des jeunes ; la faiblesse de l'appareil d'Etat, contrôlé par des groupes qui se disputent des rentes au détriment de toute recherche d'efficacité ; l'influence d'une vague islamique radicale inspirée du wahhabisme ; la circulation des armes ; des zones de repli quasi inexpugnables pour les djihadistes.
Serge Michailof : Tout ceci fait qu'on ne peut pas ignorer le parallèle afghan. La Syrie et l'Irak sont de petits pays en termes de population dont les habitants ne parlent pas français. Dans 20 ans, si le cœur du Sahel francophone n'a pas trouvé la voie d'un développement inclusif qui crée des emplois à la hauteur des besoins, nous risquons d'être confrontés à l'implosion sécuritaire d'une région regroupant, au bas mot, 200 millions d'habitants. Beaucoup se retrouveront dans les villes de la côte africaine et au Maghreb. Et ceux qui n'y trouveront pas d'emplois prendront naturellement le chemin de la France, conclut Serge Michailof [source] (fin des extraits adaptés ; voir lien vers LSB en bas de page et sources en fin de paragraphes).
Michel Garroté, 3 novembre 2015
