Un lecteur nous écrit:
Bredouille de son épopée parisienne, l'humoriste patenté Frédéric Recrosio, en promo pour son prochain spectacle, fait de la pige intérimaire, le temps des vacances, au Matin.
Une fois n'est pas coutume, Frédéric Recrosio fait tourner son spectacle autour de sa petite personne: après la médiocrité de son rapport aux femmes, le surjeu de sa déprime trentenaire, l'on arrive, ô surprise, à la mise en scène de sa crise de la quarantaine; c'est dire si l'on attend les trois prochains spectacles avec fébrilité...
Nimbé de l'aura d'une pastille sur Canal+, l'ancien mignon de Stéphane Bern a atteint la sagesse, il se dit vieux, c'est fort possible. Il tient absolument à en parler et il faut à tout prix que ça tombe sur nous. Il faut dire que l'on s'emmerde tellement en Suisse que l'on est prêt à applaudir n'importe quoi pour autant que le billet ait coûté cher et que la bourgeoise ait l'impression d'en avoir pour sa sortie.
"Un jour arrive où t’as un copain d’enfance qui entre au grand conseil. Ce jour-là, tu sais que t’es vieux."
Intro.
S'ensuit un développement d'une originalité confondante sur le transfert idéologique générationnel.
"En plus, il est fort probable qu’il [son copain d’enfance, ndlr] ne soit pas au PS, non, parce qu’on dirait qu’avec les années, beaucoup de camarades ont viré à droite."
C'est mal, bien sûr:
"Embourgeoisement ? Pragmatisme ? Ce qui est sûr c’est que le Che Guevara s’imprime un peu moins dans tes utopies que sur une tasse."
Le constat désolé d'une clique qui ne croit même plus à la consistance de ses idées et cherche des causes biologiques à la disparition de sa clientèle. Vous ne le saviez pas, après un stage auprès des plus hautes instances du PAF, Frédéric Recrosio, mûri, le teint hâlé par les projos, nous revient dans sa livrée flambant neuve de commissaire politique. Il sera la balise du système aux frontières du divertissement bien-pensant; il dira quoi penser et jusqu'où le penser.
La seule subtilité tient de la méthode, elle n'est pas de lui: la mise en abîme de sa génération par substitution. Il se parle à lui-même, mais c'est vous qu'il critique. Toi, l'homme de mon âge, tu appartiens de droit patrimonial à la gauche, pourquoi as-tu cessé de lutter ?
"Bien sûr, tu peux te croire insoumis, mais t’en discutes lors d’un afterwork dans un bar lounge… Serais-tu anarchiste en société? En matière d’engagements, tu innoves moins et tu te sers dans ceux qui sont prêts à l’emploi : t’es pour l’alerte-enlèvement, tu t’indignes lorsqu’un policier frappe un manifestant à terre, bien sûr, et tu t’inquiètes de l’écart Nord-Sud… Des engagements très symboliques qui, justement, n’engagent… à rien.
Alors pourquoi ces pensées molles ? Peut-être parce que ce sont des idées facilement maniables, et fédératrices. Formidable ! Elles permettent d’éviter de s’engueuler !
Sinon, quand les sujets deviennent difficiles (la prison, l’islam et nous, la durée limitée de l’amour), t’as mis au point une méthode d’esquive imparable, quand tu dis: «… ça dépend… tout est une question de point de vue…»."
Vous avez payé pour un spectacle de divertissement, vous vous retrouvez dans un séminaire de rééducation politique. L'homme de la télé se reprochera à lui-même d'avoir cessé d'y croire, d'obéir, mais, là, dans le miroir, c'est vous.
Frédéric Recrosio n'est pas vieux, non, il est d'un autre âge, il est de ces derniers qui règnent encore sur les forges d'opinion, qui se sont pressés pour goûter eux aussi à leur part du gâteau. Il connaîtra leur sort. Bien triste fin pour une carrière qui promettait tant. Car, s'il s'agit de copains d'enfance, parlons-en. Frédéric n'est plus le même homme, il nous l'ont changé. Vous l'avez croisé sur les bancs d'école, battu les 400 coups, coursé les mêmes serveuses de la Bergère et testé ses premières blagues. A la Ferme-Asile, le premier soir, vous étiez là, Los Dos, les deux Fred, Recrosio n'était alors que la moitié d'un Mudry, il a enflé depuis. Rentré de Paris, un accent à la Maurice Chevalier en bandoulière, Frédéric Recrosio ne vous reconnaîtra même pas, vous collera du "vous" et trouvera même le temps de vous reprocher vos opinions politiques (vous faisiez signer une initiative, celle-là, pas de quoi fouetter un jeune socialiste...), votre engagement, le contraire même de ces "idées molles" qui justifient un spectacle entier. Vous recroisant dans la même journée, Frédéric Recrosio, se doutant peut-être vaguement de votre existence, vous adressera quelques provocations, sur le ton de la moquerie, comme si la faute venait de vous; c'est normal, vous ne l'avez pas adoré, c'est une star et vous n'êtes qu'un connard.
Vous l'avez compris, l'auteur est un ami déçu et cela relativise certainement son propos. Il ne juge pas mais ne veut pas être jugé, surtout par un homme qui a cessé d'être drôle le jour où il est devenu un guignol. Qu'il leur serve d'instrument, qu'il remplisse les vides entre deux disques à coups de petites fiches, soit, mais, de grâce, qu'il nous épargne sa morale d'antenne-relais et ses postures de penseur public. Postures qui resteront - et il faut peut-être un ami pour le lui dire - la seule chose qu'il laissera à la postérité. Si Frédéric Recrosio a une chance d'être connu, c'est pour ça, pour avoir été la caisse de résonance de Pascal Bernheim, un autre "humoriste" passé au système, aujourd'hui producteur à la RTS. Comme quoi les meilleurs braconniers font toujours d'excellents garde-chasses.
Recro, t'as vieilli, tu as raison, tu es vieux !
Un lecteur (non connu de la rédaction)
pauvre lecteur anonyme frustré et aigri..
tu n’a rien compris à Fred
il est drôle, même quand il est sérieux
il nous sublime le vieillissement..
ilvieillit bien, comme une belle eau-de-vie, une williamine..
bref, pauvre lecteur frustré, retourne dans ton tombeau et ne nous fais pas pleurer
et vive Recrosio
Re Recorsio, il se donne de la peine et il en a. Au mieux il va finir à l’agence à la RTS ou pire comme chroniqueur politique au matin.
Cher “lecteur”, vous payez pour un spectacle de divertissement? Quel optimisme! Ou alors c’est moi qui suis vraiment vieux. Les derniers qui ne m’ont pas fait rire m’ont lassé des autres. Et je ne m’en porte pas plus mal! Les hôtesses de Qatar Airways non plus. Quel bien ça fait de faire un sketch “defunesque” en plein vol. Et même deux. Il faut se faire une raison, Fernand Raynaud est mort!