Nestlé, le côté obscur de la Force ?

Géo
Nom de plume, blogueur

Il y a quelques instants, sur les ondes de la radio suisse romande, on a entendu le journaliste Arnaud Robert déclarer à un collègue hydrogéologue qui a un parcours assez identique au mien :

 

« Vous avez travaillé pour des ONG, la Coopération suisse, le CICR, et maintenant vous êtes passé au côté obscur de la Force, vous travaillez pour Nestlé ».

Il y a quelques mois, j’avais écrit ceci à propos d’un reportage de Arte :

« Vu mardi soir ce fameux reportage sur Nestlé, qui ne tötet plus les babys mais assèche les dernières gouttes d’eau de la planète selon l’ineffable présentatrice de 28’ sur Arte, qui visiblement, à l’instar de tous ses collègues, n’a jamais entendu parler du cycle de l’eau… »

Je m’attendais au pire et je n’ai vraiment pas été déçu. Une telle accumulation de bêtises demande une très grande maîtrise de la part de son réalisateur. Que fait Nestlé ? Mettre de l’eau en bouteilles pour fournir de l’eau POTABLE et sûre. Aucun expatrié, jamais, à part quelques extrémistes du genre à se laisser enfermer à Tombouctou, aucun expatrié ne boit de l’eau du réseau en Afrique (à moins de l’avoir filtrée, merci Katadyn), en Asie ou au Moyen-Orient, cela depuis toujours ou en tous cas depuis la décolonisation...

Et surtout pas les journalistes qui ont fait ce pseudo-reportage…

Les critiques s’appuient sur deux situations différentes. Il faut savoir d’abord que Nestlé met en concurrence ses propres divisions. Si Nestlé Ghana fait un meilleur café et arrive à le vendre à Abidjan au nez et à la barbe de Nestlé Côte d’Ivoire, la direction de Nestlé ne va pas voler au secours de la succursale qui se pense lésée. Cela pour dire que Nestlé USA, France ou Suisse jouissent d’une certaine indépendance.

Aux USA, on nous montre des représentants de deux petites villes qui ont réussi à empêcher l’exploitation de leur eau souterraine par « Poland river », société tenue par Nestlé. Mais on aurait pu limiter l’exploitation de cette ressource qui est renouvelable (ce que tout le monde semble oublier dans ce reportage…) et en toucher les royalties. Les Américains, ou plutôt leurs femmes, semblent avoir perdu le sens des affaires, en tout cas dans le Maine…

Et personne ne met le doigt sur le vrai gros problème : Poland river fait transporter son eau par une noria incessante de camions. De quoi rendre fous les habitants de cette région, évidemment. Mais personne n’a jamais entendu parler de pipe-line, semble-t-il. A Nouakchott, la zone de pompage est éloignée de 120 km de la ville et ce qui est possible en Mauritanie devrait l’être dans le Maine.

Accessoirement, on apprend sur la même chaîne hier soir que pour faire un litre de bio-carburant aux USA, il faut 232 kg de maïs. Et pour faire 232 kg de maïs, il faut beaucoup, beaucoup d’eau, que personne ne boira. Mais les Français font aussi du biocarburant et le but d’Arte, c’est de cogner très fort sur Nestlé, qui est suisse (c’est dit toutes les trente secondes).

On donne la parole à Peter Brabeck, qui dit beaucoup de choses justes mais Nestlé est jugé coupable a priori. On fait visiblement confiance à la bêtise du téléspectateur moyen pour ne rien comprendre à ce qu’explique Brabeck…

Par contre, on met en évidence les délires de Maud Barlowe, fonctionnaire des NU spécialiste de l’eau et visiblement ennemie acharnée de tout ce qui ressemble à la moindre forme de capitalisme.

Et qui entretient sciemment la confusion entre les deux problématiques : fournir de l’eau potable aux populations et mettre de l’eau en bouteilles. Comme l’a souligné Brabeck, le problème premier de la fourniture d’eau par réseau, ce sont les pannes en relation avec les fuites. Un réseau tout neuf a déjà au départ 10% de fuites. Un réseau ancien – comme les réseaux de certaines communes de Suisse…- peut perdre 50-60% de l’eau.

Si les pompes tombent en panne, ce qui arrive parfois chez nos amis du Sud (…), la pression dans les canalisations chute et l’eau autour des fuites entre en relation avec l’eau de la canalisation et la pollue. Et là, anti-capitalistes bobos de chez Arte ou non, vous avez intérêt à trouver de l’eau en bouteille sur le marché, Nestlé ou non. Ou posséder de bons filtres à la maison, mais c’est cher et délicat à l’entretien. Quant à réviser tous les systèmes de canalisations de toutes les villes de nos amis du Sud, cela ressemble à combler les trous financiers de la Grèce et du reste du sud de l’Europe. Alors, bonne chance…

Et maintenant, il faudra bien se demander s’il est juste de payer 462.40 francs par an pour devoir subir une telle désinformation et combien de temps des Arnaud Robert vont pouvoir continuer de polluer nos médias ? Ce n’est plus pathétique ou consternant, c’est simplement scandaleux et insupportable.

3 commentaires

  1. Posté par Géo le

    Parmi ceux qui ont des donné des sous pour réaliser cette cochonnerie de reportage, il y avait Migros. On se demande à quoi pensent les gens qui subventionnent leurs pires ennemis…

  2. Posté par Pierre-Henri Reymond le

    Merci pour cet article, frappé au coin du bon sens. On gobe parfois des trucs bien enrobés, l’indignation. Je commençais, je ne sais pourquoi, à être circonspect envers ARTE. Vos propos m’éclairent. Et soudain je me souviens qu’ARTE est une chaîne européenne. Et aussi d’y avoir rencontré un officier de la STASI fort sympathique, qui ne voulais que le bien du pays. Subtil! Et des généraux du KGB non moins attachants. Mais qui croire? Tant mentent! Pour en revenir à l’eau, je l’utilise avec respect. N’est-ce pas extraordinaire d’en disposer en ouvrant un robinet? Avec respect et, quand j’y pense, avec gratitude. La gratitude est bonne pour la santé! Ne devrait-elle pas être obligatoire? À moins qu’elle ne soit un droit…

  3. Posté par colibri le

    Excellent article .Arte trompe très souvent le citoyen et la chaine Planète peu de temps après suivant les reportages offrira des commentaires qui vont affirmer exactement le contraire

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