Comme toujours, les promesses d’hier font rarement les réalités d’aujour’hui.
Dimanche dernier, les Vaudois ont choisi le contre-projet du Grand Conseil sur la garantie du respect du droit constitutionnel quant à l'objection de conscience du personnel médical.
En outre, l'art. 3 du code de déontologie de la FMH ne permet pas le doute, qui dit que le médecin est en droit de se refuser « à tout acte médical ou toute prise de position incompatibles avec sa conscience ». L'art. 2.2 des directives medico-éthiques de l'Académie suisse des Sciences médicales (ASSM) précise, quant à lui, que « l'assistance au suicide n'est pas une activité médicale ». Si ces code et directives ne sont pas de droit étatique, il n'en constituent pas moins une source majeure du droit matériel et sont, par conséquent, très largement assimilés par la jurisprudence et la législation en général.
Last but not least, le rapport de la Commission nationale d’éthique (CNE) de 2005 sur l’assistance au suicide, qui a clairement inspiré le contre-projet vaudois et qui précise sans ambages qu' « il est évident qu’au nom de l’objection de conscience aucune contrainte ne peut être exercée sur un soignant afin qu’il participe au suicide d’un patient » et que « les professionnels de la santé ne doivent encourir aucune désapprobation morale ni aucune sanction professionnelle du fait de leur détermination, en conscience, en faveur ou contre l’assistance au suicide ».
Changement de programme
« L’objection de conscience est un choix individuel qui ne peut s’appliquer à un établissement de soins reconnu d’intérêt public », réplique sèchement Pierre-Yves Maillard dans Le Temps. « L’objection de conscience en médecine, explique Alexandre Mauron, professeur de bioéthique à l'université de Genève, membre du Conseil suisse de la science et de la technologie et source dûment mentionnée du rapport de la CNE, sur les ondes de la RTS, c'est le droit pour un praticien de refuser un geste qui lui pose un problème de conscience grave, mais ça va aussi avec des obligations... La personne qui est interpellée, ce n'est pas un praticien parmi d'autres, c'est le directeur médical d'un établissement, et c'est sa fonction de faire cette évaluation, et il ne peut pas s'en décharger sur quelqu'un d'autre ».
Trafic juridique
Avant ces déclarations lapidaires, Alexandre Mauron avait pourtant médité une solution moins radicalement contraignante, dans un article, publié en février 2003 dans le British medical journal, intitulé: « Assisted suicide and euthanasia in Switzerland: allowing a role for non-physicians », soit « Suicide assisté et euthanasie en Suisse: permettre un rôle au non-médecins ». Mais la loi est passée et, de toute évidence, politiciens et leurs garants moraux que sont les éthiciens s'entendent pour étendre à certains médecins, les directeurs médicaux en l'occurrence, l'obligation légale qui est faite désormais aux « établissements sanitaires reconnus d’intérêt public ». Une façon comme une autre de placer des hommes à soi aux postes de direction et d'écarter les autres.
Schizophrénie éthique
Ce qui frappe ici, c'est le changement radical de propos d'Alexandre Mauron, qui écrivait, dans le numéro du 26 mars 1997 de la revue suisse Médecine & Hygiène, que l'objection de conscience du médecin est « à respecter en toutes circonstances ». « C'est le propre des institutions d'une société libre, poursuit-il, que de garantir à chacun « la liberté fondamentale la plus étendue compatible avec une liberté similaire pour autrui » (John Rawls) et non d'imposer à quiconque une vision particulière de la vie, et donc de la mort ». Sa conclusion est sans conteste possible: « Le fait pour le médecin d'entrer en matière ou non sur une requête d'assistance au suicide de la part d'un patient gravement malade et non déprimé relève fondamentalement d'un choix de conscience privé ».
La réalité d'aujourd'hui est finalement sans surprise: sous-traiter la gestion des valeurs à des professeurs d'éthique pensionnés par l'Etat revenait immanquablement à s'exposer aux conséquences de la servilité de leurs opinions, appelées à changer au gré des besoins, sinon des envies, de leurs maîtres.
Et vous, qu'en pensez vous ?