Crise: la machine à décerveler est en marche

Bruno Bertez
Bruno Bertez
Analyste financier anc. propriétaire Agefi France
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Le débat sur la croissance dans le cadre de l’austérité est un débat idiot, mensonger, criminel, car ce que l’on ne dit pas…

Vous savez que nous aimons comparer le fonctionnement des marchés en particulier et de l’Opinion en général à un fonctionnement névrotique.

Il est important que vous compreniez ce que nous voulons dire.

Quand vous conduisez une voiture, il y a des endroits dangereux, si vous êtes normal, de vous-même, vous ralentissez et vous êtes prudent. Vous agissez en fonction du réel. Vous vous adaptez efficacement.

Admettons que vous soyez, comme la plupart des gens, un chauffard névrosé, s'il n’y a pas de panneau avec menace de radar, s’il n’y a pas d’habitude police à cet endroit, vous allez foncer, au mépris du danger réel puisque, pour vous, le risque a été faussement assimilé à la sanction policière.

La société a interposé entre le réel et vous un signe, radar, police, qui se substitue au réel et qui détermine votre comportement. Au lieu de fonder votre comportement sur le danger réel, vous le fondez sur quelque chose d’autre, la présence supposée ou non de la police et des radars. Ceci explique que certains, sur les petites routes sans contrôle policier, roulent comme des fous, puisque les chances d'être flashés sont nulles.

La névrose est liée à l’apprentissage en général, à la répétition de signaux, de signes qui s’interposent entre le réel et vous.

A l’enfant qui joue avec le feu, on donne une claque, du moins dans le vieux temps, et par peur de la la claque, il perd le goût de jouer au feu. Le danger s’est déplacé, ce n’est plus jouer au feu qui est devenu dangereux, c’est la claque.

La manipulation de l’opinion et des marchés fonctionne selon le même principe de substitution, déplacement, répétition.

L’Europe est en crise de sur-endettement. Elle a tenté l'austérité et ce fut l’échec car l'austérité réduit la production de richesses, donc réduit les possibilités de remboursement des dettes.

Donc, on dit maintenant, il faut de la croissance!

Au lieu de reconnaître la vérité, à savoir que l’on ne sort pas d’une crise d'excès de dettes par la réduction de la production de richesses, on tente l’impossible, c’est à dire l'austérité dans la croissance, le frein et l'accélérateur en même temps!

Diantre, comment faire quand, pour le côté austérité, on réduit le pouvoir d’achat des gens? Comment faire quand, pour le côté austérité, on veut limiter les déficits de l’Etat et que l’accroissement des endettements est interdit? Pour financer de la croissance, il faut soit des revenus, soit des dettes, les miracles n’existent pas.

C’est un réel problème, c’est le vrai, le colossal problème auquel personne, personne n’a la solution bien sûr. Et Merkel, dans son rôle de mère fouettarde, statue du commandeur, est venue le répéter le 7 mai, elle n’est pas contre la croissance, mais elle est contre une croissance qui augmenterait les dettes. Et comme, dans tous les cas, les gouvernements ne songent qu’à réduire les revenus par la prédation fiscale, dites-nous d’où peut venir la croissance: du ciel bien sûr!

Donc nous sommes dans une impasse.

Quel est le procédé utilisé par le Pouvoir, par  les soi-disant gouvernements, non, le vrai pouvoir, celui du système qui, silencieusement, gouverne; le procédé, c’est de mettre en place une dérive névrotique.

Le problème, ce n’est pas le fait que la croissance soit impossible; le problème, c’est le conflit, l’opposition entre les pays. Le déplacement névrotique consiste à remplacer l’impossibilité réelle de la croissance par un faux conflit entre les gouvernements, ceux du nord d’un côté, qui sont contre, et ceux du sud, de l’autre, qui sont pour.

On remplace un constat de vrai, d'authentique impossible, par un conflit entre les hommes, ce qui donne l’illusion que les constructivistes, dirigistes, socialistes, peuvent le gérer.  Et cela  maintient leur pouvoir sur vous, sur nous.

C’est comme si, face à la loi de la gravité, on prétendait que l’on peut y échapper en persuadant une partie de l’opinion qu’elle n’existe pas. Hélas, hélas, on ne peut échapper à la loi de la gravité qu’en la connaissant, en la respectant, et en construisant des avions qui respectent ces lois. Icare en sait quelque chose.

Le débat sur la croissance dans le cadre de l'austérité est un débat idiot, mensonger, criminel,  car ce que l’on ne dit pas, c’est qu'il recouvre un vrai débat qui est celui de la valeur de la monnaie. Ce qui se cache derrière le débat sur la croissance c’est cela: est-ce que l’on choisit d’inflater encore plus la monnaie, de prendre le risque de l’avilir encore plus et de façon accélérée.

Vous comprenez maintenant clairement la fonction du déplacement névrotique. Il s'agit de remplacer une interrogation sur la possibilité réelle de la croissance par un débat sur le conflit entre les gouvernements, le tout pour masquer ce qui est vraiment en jeu: l’inflation accélérée de la monnaie. Bref, ce qui est caché, escamoté, grâce au déplacement névrotique, c’est l’enjeu du contrôle de la BCE. C'est la volonté de dévaluer l'euro, de baisser encore les taux d'intérêt réels et d'accélérer la hausse des prix.

2 commentaires

  1. Posté par José STECK le

    Il serait heureux que ce brillant analyste financier nous donnât quelques solutions; je vois, moi, que depuis que la finance domine, je dois payer la spéculation immobilière en tant que locataire,mon épargne est spoliée à cause des taux ridicules et que ma retraite est menacée par l’incompétence des banquiers. Au surplus, j’imagine que je dois être satisfait….La crapule néo-libérale responsable de cette catastrophe économique et financière pense-t-elle que notre mansuétude est infinie ?

  2. Posté par Jacky Brouze le

    Bonjour,
    C’est comme vouloir réparer une baignoire qui fuit en ouvrant plus grand le robinet qui l’alimente.
    Mais la seule bonne solution qui consiste à boucher le trou n’est ni politiquement correct, ni psychologiquement acceptable car, comme chacun sait, l’eau tombe du ciel … gratuitement …
    Bonne journée.

Et vous, qu'en pensez vous ?

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