Enfant et famille: la «révolution des moeurs», aperçu historique (II)

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Le quotidien Libération, par vocation, se fera le moteur premier et le plus acharné de la “révolution sexuelle” et le porte-voix des mouvements les plus hétéroclites.

Libération sexuelle

En effet, en mai 1977, on lit ceci dans Libération:

«Naissance du «front de libération des pédophiles». Un nouveau groupe vient de naître: le FLIP (Front de libération des Pédophiles) dont vous pourrez lire ci-dessous la plate-forme constitutive. Qui sont-ils? Pour l’essentiel, des lecteurs de Libération qui à la suite d’une «lettre ouverte aux pédophiles» dans notre édition du 9/2/77 nous firent parvenir un courrier abondant – nous en rapportions quelques-uns dans une double page le 24 mars 77 intitulée: Relations Adultes-Enfants. Le deux avril dernier se tenait à Jussieu une première réunion regroupant une trentaine de personnes. Simple prise de contact. Sans doute, peut-on regretter que l’essentiel des préoccupations ait été d’ordre judiciaire. Il ne fut en effet question que de répression, de défense et de poursuite des pédophiles. Sans méconnaître ces dures réalités, un tel groupe a tout à gagner s’il élargit son champ de réflexions.

Le FLIP (Front de libération des Pédophiles) est né. Quelques objectifs essentiels ont déjà pu être lancés:

— Combattre l’injustice pénale et mener une réflexion critique sur la famille et l’école, fondée sur une analyse politique de la sexualité entre mineurs et adultes.

— S’associer à la lutte des enfants qui veulent changer leur mode de vie et de tout groupe politique qui vise à l’établissement d’une société radicalement nouvelle où la pédérastie existera librement.

— Développer une culture pédérastique qui s’exprime par un mode de vie nouveau, et l’émergence d’un art nouveau.

— Prendre la parole dans des organes d’information qui lui en donnent les moyens et par les voies qui s’imposent.

— Manifester sa solidarité avec les pédophiles emprisonnés ou victimes de la psychiatrie officielle.

La «tyrannie bourgeoise» fait de l’amoureux des enfants un monstre de légende qui croque les chaumières. Nous casserons ensemble monstres et chaumières.

Pour joindre le FLIP, écrivez à Jean-Louis Burckhardt, BP N°361, 75 Paris cédex 02 (ne pas mentionner FLIP sur l’enveloppe, joindre un timbre pour la réponse)» (republié: Libération 01.03.1979; suite 1, 2, 3, 4, 5).

Libé définit la pédophilie comme une «culture» (Libération 10.04.1979; suite 1, 2, 3) qui cherche à briser la «tyrannie bourgeoise qui fait de l’amoureux des enfants un monstre de légende» (Libération 07-08.05.1977). La rédaction affirme vouloir tout simplement «traiter des relations entre les gens comme des faits de société (…) et ne pas les ghettoïser, en circuits fermés et cinémas spécialisés» (Libération 01.03.1979suite 12345).

Le 10 avril 1979 (suite 123), le quotidien publiera le plaidoyer de Gabriel Matzneff et Tony Duvert en faveur des «amours minoritaires» (article intitulé: «Année de l’enfance»…) mais c’est deux mois plus tôt que l’horreur absolue a été atteinte, avec l’interview pleine page, sur deux jours, de Jacques Dugué, violeur d’enfants, et de ses propres enfants, que le journal ne manque pas de louer pour «sa franchise quant à la sodomie». «Pourquoi un homme n’aurait-il pas le droit d’aimer un enfant?», interroge Dugué qui prend un malin plaisir à se répandre en descriptions obscènes: «Un enfant qui aime un adulte, sait très bien qu’il ne peut pas encore donner, aussi, il comprend et il accepte très bien de recevoir. C’est un acte d’amour. C’est une de ses façons d’aimer et de le prouver. Ce fut le comportement avec moi des quelques garçons que j’ai sodomisés.

Et puis disons les choses comme elles se passent. Il aime ressentir dans son corps, le membre viril de celui qu’il aime, d’être uni à lui, par la chair. Cela donne de grandes satisfactions.
Il a aussi la satisfaction d’être agréable à celui qui le sodomise qui jouit en lui. Cela lui procure aussi une grande joie, car aimer c’est aussi bien donner que recevoir. Cela peut-être dur à admettre pour des profanes, mais c’est la réalité
» (Libération 25-26.01.1979; suite); dans un quotidien d’audience nationale…

Devant l’horreur de ces déclarations, la société, dans un ultime sursaut «réactionnaire», brave la dictature de la pensée unique et ose une protestation. L’indéboulonnable Serge July (photo), rédacteur en chef, persiste et signe: En mars 1979, le journal titre triomphalement sur «les outrages de Libération», où July crie à la censure et publie à nouveau, en guise de provocation, l’ensemble des articles ou illustrations qui, en 19 mois, lui ont valu pas moins de 9 inculpations pour outrages aux bonnes mœurs et incitations à la débauche. Accusation «bourgeoises» et contraires à l’idée qu’il se fait d’une presse «innovante», une presse qui, en l’occurrence, «respecte le mouvement, les mouvements contradictoires et multiples de la vie». Le monde nouveau que Libération rêvait pour demain devait avoir la pédophilie pour principe…

Parmi ces illustrations, on retrouve cette œuvre du groupe Bazooka reprise de la revue Regards modernes, et montrant une fellation réalisée par une petite fille, sous le titre «apprenons l’amour à nos enfants» (publié le 5-6/11/1978 dans la page d’annonces «Taules») ou encore des dessins impliquant des bébés ou une photo mettant en scène de jeunes garçons dans des postures sodomites (republié: Libération 01.03.1979suite 12345).

En 1981 encore, Libération publie ceci: «Je faisais un cunnilingus à une amie. Sa fille, âgée de cinq ans, paraissait dormir dans son petit lit mitoyen. Quand j’ai eu fini, la petite s’est placée sur le dos en écartant les cuisses et, très sérieusement, me dit «à mon tour, maintenant». Elle était adorable. Nos rapports se sont poursuivis pendant trois ans». C’est un homme qui parle. Il s’appelle Benoît. Son interview, intitulée «câlins enfantins», est précédée d’une phrase du journaliste: «Quand Benoît parle des enfants, ses yeux sombres de pâtre grec s’embrasent de tendresse». C’est terrible, illisible, glaçant, et publié dans Libération le 20 juin 1981.

En 1982, Hocquenghem affirme que «La pédophilie n’a jamais été en tant que telle un délit dans le code pénal» (Libération 20.10.1982), elle serait donc licite, en soi…

Tout ça c’est du passé, nous dira-t-on, il y a prescription. Le 1er mars 2001, Libération publie une apologie de l’éducation pédophile en guise de pétition de soutien au non moins «pédophile» Daniel Cohn-Bendit:

«Nous sommes les enfants de la révolution sexuelle. Nous avons aujourd’hui des enfants, ou nous espérons en avoir, ou nous en côtoyons et nous disons merci à la génération de nos parents. Nous entendons les médias clouer Cohn-Bendit au pilori en l’accusant de pédophile. Nous entendons ce qu’il dit, nous entendons ce qu’il décrit et dans ses mots nombre d’entre nous ont l’impression d’entendre et de revoir leurs propres parents. Sommes-nous des enfants de pédophiles?

Nombre d’entre nous ont eu des parents qui se sont promenés nus devant eux, sans doute nous ont-ils laissés toucher leurs seins, leur sexe. Ils ont été heureux quand nous sommes tombés amoureux à la maternelle, quand nous avons embrassé d’autres enfants sur la bouche. Ils nous ont laissés jouer à «touche-pipi». Que dit Cohn-Bendit? A-t-il évoqué le désir qu’il aurait pu éprouver pour des enfants? A-t-il eu l’intention de les pénétrer? Leur a-t-il demandé des fellations? Non. Ce qu’il raconte, c’est ce que nous ont laissés vivre nos parents – ou que nous aurions aimé que nos parents nous laissent vivre – et c’est ce que nous voulons vivre avec nos enfants. Des enfants qui ont une vie sexuelle – qui l’ignore encore aujourd’hui? – qui éprouvent des désirs, qui ont des questions, des séductions. Bref, non pas des enfants objets pour les adultes, mais bien des enfants sujets dans toute leurs dimensions, y compris celles qui excitent tant les esprits. Les années 70 ont fait des enfants – de nous – des sujets. La révolution sexuelle – y compris dans le domaine de l’enfance – nous a d’abord appris que notre corps nous appartenait. Que nous avions le droit d’en faire ce que nous voulions, avec qui nous voulions. Que, parce que devenus sujets, nous avions le droit de dire «non» à ceux qui désiraient faire autre chose de notre corps et de nos désirs que ce que nous, nous voulions.

Accuser la révolution sexuelle – qui a fait de l'enfant un acteur, un sujet de son corps – d'être à l'origine de la pédophilie est autant un contresens que d'accuser la révolution (y compris sexuelle) des femmes d'être à l'origine des viols dont elles sont encore aujourd'hui victimes. La révolution sexuelle a d'abord appris aux enfants, aux adolescentes, aux femmes à dire «non».

Nous remercions la génération de la révolution sexuelle d'avoir déverrouillé la vieille famille où l'enfant et la femme étaient – et restent encore trop souvent – des objets, y compris des violences sexuelles de leur entourage. Parce que la famille qu'ils ont fait éclore n'est plus celle des années 50, nous sommes heureux d'en créer aujourd'hui, ou nous pensons en créer demain. Ecrits ou propos scandaleux, ceux de Cohn-Bendit? Non, ceux d'une nécessaire explosion de parole qui permettait de dire «je», de dire «non». C'est le contraire de la pédophilie, de la loi du silence. Si aujourd'hui, de plus en plus, la parole se libère sur les horreurs subies, ces curés qui abusent, ces parents qui violent, ces familles qui étouffent, ne le doit-on pas à cette déflagration initiale? Nous nous inquiétons de cette société de paranoïa qui crie si vite à la secte, au pédophile, mais qui ne se donne jamais les moyens – en paroles, en personnels, en structures, en changements de fond – qui permettraient vraiment de lutter contre ces violences et leurs origines. Qui se trouve des boucs émissaires pour éviter de se donner les moyens d'agir»... Cinq ans après l’affaire Dutroux, Libération n’avait rien oublié, rien appris!

Confusion tragique, symptôme premier d'une pensée viciée: La révolution sexuelle a libéré des adultes, lesquels se sont mis à violer des enfants, la révolution des femmes a libéré des femmes, lesquelles n’ont jamais violé personne.
Ce texte qui était une pétition de soutien à Daniel Cohn-Bendit, était, entre autres, signé par un certain Serge Quadruppani, auteur, en 1983, d’un article intitulé «Ami(e)s pédophiles, bonjour!» où l’on peut lire: «Si la pédophilie est la plupart du temps misérable, il en est de même de tous les rapports «sexuels» et amoureux. Il n’est pas nécessaire d’être un révolutionnaire pour voir que le supplément de misère de la pédophilie est le fruit de sa répression sociale. Un pédagogue libéral américain n’explique-t-il pas que le principal traumatisme que subit l’enfant «victime» d’un satyre provient de ses parents qui en font tout un plat, alors que lui, s’il n’y a pas eu violence, aurait plutôt tendance à s’en foutre?»; rien oublié, rien appris.

Quant à Cohn-Bendit, il lui aura suffi de s'insurger, vingt-cinq ans après les faits, dans les colonnes de Libération, pour être définitivement absous: «C'est dégueulasse. Prétendre que j'étais pédophile est une insanité. La pédophilie est un crime. L'abus sexuel est quelque chose contre lequel il faut se battre. Il n'y a eu de ma part aucun acte de pédophilie».

 

Adrien de Riedmatten

à suivre...

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