De Gaïa à l’IA, de Jean-Paul Oury

Francis Richard
Resp. Ressources humaines

Vous voici donc au début de l'ultime tome de la trilogie des Greta vs Einstein. Si vous découvrez la série, vous n'avez pas - dans l'absolu - besoin d'avoir lu les deux premiers ouvrages pour comprendre le propos de celui-ci.

 

Le propos de ce volume est de libérer la science de l'écologisme. Pour ce faire il n'est plus besoin de Greta qui s'est décrédibilisée en reconnaissant à demi-mot en octobre 2022 que le nucléaire était une option dont on pouvait difficilement se passer pour résoudre les défis climatiques et en soutenant le Hamas après le 7 octobre 2023.

 

DE GAÏA À l'IA

Le titre de cet ultime volume s'explique notamment par la volonté de décrire deux dystopies antagonistes:

  • la collapsocratie, qui revient à choisir la voie de la décroissance et à se retrouver esclave de déterminismes naturels, dont l'humanité a toujours cherché à s'affranchir;
  • l'algorithmocratie, qui revient à suivre aveuglément le chemin de la technologie pour la technologie et à soumettre à l'esclavage une partie de l'humanité par ceux qui maîtrisent ladite technologie.

 

LES CINQ NUANCES DE VERT DE L'ÉCOLOGISME

Il ne faut pas confondre écologisme et écologie, i.e. idéologie et science. L'auteur relève que le vert, couleur de l'écologisme, a plusieurs nuances, entre autres:

  • le vert-de-gris des nazis (voir le livre Le brun et le vert de Philippe Simonnot);
  • le vert soutane de ceux qui font de Gaïa une déesse;
  • le vert pastèque, vert à l'extérieur, rouge à l'intérieur, de ceux qui veulent mettre à bas les piliers de l'Occident, à savoir la science, le droit, la propriété privée, le progrès technique, les libertés individuelles, etc.;
  • le vert kaki de ceux qui ont recours à l'ultra-violence, notamment contre le nucléaire civil ou ce qu'ils appellent les méga-bassines;
  • le vert dollar de ceux dont les opérations marketing ont recours au verdissement.

Ne se reconnaîtront évidemment pas dans ces cinq nuances de vert ceux qui ont un rapport direct avec la nature et ne cherchent pas à l'instrumentaliser à des fins politiques.

 

ÉCOLOGISME ET SCIENCE PROMÉTHÉENNE

L'écologisme est une idéologie en ce sens qu'elle veut s'imposer à tous et exclure ou éliminer ceux qui la refusent. Elle est, selon l'auteur, née de la volonté de stopper le mouvement de la science prométhéenne avant qu'elle ne conduise la société à sa perte; en ce sens, elle est réactionnaire.

Jean-Paul Oury pense toutefois qu'il est vain de s'opposer à la science prométhéenne. Après avoir montré tous les succès historiques de celle-ci, il développe celui d'un domaine de son expertise, les biotechnologies végétales:

  • les OGM ne sont pas mauvais pour la santé;
  • les PGM sont cultivés depuis vingt-cinq ans dans nombre de pays où ils ont de meilleurs rendements que les cultures traditionnelles;
  • les PGM préservent davantage la biodiversité, en limitant les intrants et en évitant le labour;
  • les OGM profitent aux petits paysans;
  • la science a évolué et on n'est plus obligé de contourner la barrière des espèces pour améliorer les variétés de semences, notamment après la découverte de Crispr-Cas 9.

 

LES LIMITES DE LA TECHNOLOGIE

Est-ce à dire qu'il ne faille pas fixer des limites à la technologie? A priori, l'innovation ne peut s'épanouir que dans une liberté absolue. Mais il existe de toute façon des limites à une innovation, en particulier les lois de la nature et l'utilité pour la société (de plus, dans un marché libre, son prix doit être acceptable).

D'autre part, pour ce qui est des limites sanitaires et environnementales:

  • le cas par cas est préférable au principe de précaution qui conduit à des généralisations abusives;
  • la comparaison entre plusieurs technologies existantes permet d'identifier la mieux adaptée;
  • la prise en compte de l'évolution permanente des inventions permet de corriger les défauts décelés précédemment.

L'auteur parle aussi des limites politiques, des limites éthiques, des limites de la décroissance, des limites spirituelles... Il est donc faux de dire que la science prométhéenne n'en connaît pas:

[Elle] est au contraire parfaitement encadrée et limitée par toute une série de normes qu'elle découvre au fur et à mesure et ce sont ces mêmes normes qui  font qu'elle peut s'inscrire dans un continuum avec l'évolution naturelle.

 

LE CLIMAT, PARLONS-EN

L'auteur en vient au climat. Il s'est converti: il croit au réchauffement climatique d'origine anthropique. C'est une croyance, ce n'est pas scientifique1, d'autant qu'il est impossible de dire quelle est l'influence précise de l'homme dans le réchauffement climatique, qui, lui, est indéniable, mais moindre que toutes les prévisions alarmistes le laissaient craindre.

Jean-Paul Oury est honnête. Il doute. Il se demande si l'homme est seul responsable du réchauffement. Le lecteur se reportera aux différents ouvrages sur la question dont j'ai rendu compte sous la catégorie climat, qui montrent qu'il n'y a pas consensus et confirment les doutes qu'il émet.

Là où ses yeux se dessillent, c'est quand il se rend compte que les législateurs s'appuient sur l'avènement d'un cataclysme et sa cause anthropique pour faire payer au contribuable la facture, en ne préconisant qu'une solution d'atténuation, la décroissance, qui a un coût phénoménal et des conséquences... catastrophiques.

 

LES APPRENTIS DICTATEURS

À raison Jean-Paul Oury s'en prend à tous les crates:

  • les climatocrates qui rêvent de contrôler l'humanité pour contrôler le climat,
  • les biodiversitocrates qui veulent une niche derrière chaque espèce vivante,
  • les collapsocrates qui décomptent chaque grain de sable de la crise existentielle de l'humanité.

Et s'interroge sur le respect des libertés individuelles face à une inflation législative portée à son comble et constate que:

  • la science ne peut pas et ne doit pas réguler celles-ci,
  • les mesures sacrificielles et les privations de liberté ne sont pas efficaces pour gérer les problèmes climatiques et environnementaux,
  • la vie du citoyen n'a plus aucun sens s'il n'est plus que le rouage d'un système.

Il évoque la démonstration faite par Christian Gérondeau sur l'inutilité de la décarbonation (qui figure dans son livre Climat-Tout ça pour rien) et montre que la propriété privée et le principe de subsidiarité doivent limiter respectivement les excès du droit de l'environnement et le pouvoir discrétionnaire de l'écologisme.

 

MANIFESTE POUR UNE POLITIQUE ALTERNATIVE

Pour finir il publie un manifeste en dix points pour une politique alternative à l'écologisme et au transhumanisme:

  1. Esprit critique: Il convient de prendre du recul et de faire preuve de scepticisme par rapport à ces deux mouvements apparemment antithétiques.
  2. L'art d'une bonne politique scientifique: La plupart des messages sont essentiellement centrés sur la technologie elle-même et peu sur les avantages qu'elle présente pour les individus.
  3. Libre responsabilité: La quête de la liberté pourra s'exprimer par la suppression d'un déterminisme naturel, faisant suite à l'acquisition  d'une nouvelle technologie, tout en veillant à ce que l'innovation ne soit pas l'occasion d'un nouveau déterminisme plus important.
  4. Science vs Made in Nature: Entre deux solutions, le politique scientifique doit intervenir en jugeant [...] celle qui permet d'exercer davantage notre libre responsabilité. C'est-à-dire celle qui optimise notre liberté en tant qu'individu tout en faisant de nous des êtres responsables qui s'adaptent de la manière la plus durable possible à l'environnement.
  5. Anti-climatocrate: Le politique scientifique a compris que la solution passait davantage  par l'adaptation et non par un contrôle des moindres faits et gestes de l'homme dans la vaine illusion de devenir par ricochet "maître et possesseur du climat"...
  6. Du planisme: Le politique scientifique doit effectuer une balance entre les planifications ciblées qui visent le développement de filières technologiques (la science des ingénieurs) et celles qui veulent déduire des lois de modèles scientifiques (la science des législateurs).
  7. Liberté d'expression et communication scientifique: Alors que la politique scientifique devrait encourager les controverses, car elles sont le moteur de la science, au contraire, les polémiques devraient être signalées en tant que telles. Mais en aucun cas, la censure ne devrait être pratiquée et bien évidemment, il faut encourager la liberté d'expression...
  8. Growthology: La libre responsabilité ne peut souhaiter que la croissance même si elle doit veiller à la mesure de celle-ci. Elle revendique son collapsoscepticisme - littéralement un scepticisme à l'égard des thèses de l'effondrement - et désire une "growthology" - une science de la croissance - pour créer deux néologismes.
  9. Anti-algorithmocrate:  Le décideur devra une fois de plus exercer son art pour placer le curseur à l'endroit qui optimise notre libre responsabilité, et il lui faudra du talent, car la maîtrise de la technologie devra être suffisante  pour éviter la soumission à la concurrence internationale et à un rythme ou avec des mesures d'accompagnements qui permettent au plus grand nombre de s'adapter sans être mis sur la touche.
  10. Abandonner l'écologisme: La politique scientifique doit trouver un moyen de redonner du sens aux valeurs essentielles que sont les valeurs esthétiques, spirituelles et métaphysiques [que l'écologisme semble avoir abandonnées dans sa vision matérialiste et scientiste], en passant par le changement sémantique de l'environnement et par le respect des croyances de chaque individu. 

 

MÉTHODOLOGIE POUR SE PRENDRE EN MAINS

Pour ne se soumettre ni à l'écologisme, le pilule verte, ni au transhumanisme, la pilule grise, Jean-Paul Oury propose une méthodologie:

  • Il faut d'abord commencer par se demander ce que nous voulons vraiment faire pour être libre.
  • Il faut fuir les discours catastrophistes dont certains sont friands et se méfier du miroir aux alouettes des prophètes qui feraient l'éloge de la technologie sans envisager les conséquences pour la société, bref il faut se réinformer: l'auteur donne une liste de médias et de livres de politique scientifique pour acquérir les connaissances nécessaires.
  • Il faut s'engager.

 

L'auteur a lui-même appliqué cette méthodologie et son engagement s'est notamment concrétisé par la publication de trois volumes et par le lancement du site European Scientist.

 

Francis Richard

 

1 - La baisse de température entre 1940 et 1975 est, par exemple, allée de pair avec une hausse continue du taux de CO2 dans l'atmosphère...

 

De Gaïa à l'IA, Jean-Paul Oury, 284 pages, VA Éditions

 

Volumes précédents

 

Greta a tué Einstein (2021)

Greta a ressuscité Einstein (2022)

 

Publication commune LesObservateurs.ch et Le blog de Francis Richard.

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