« En politique, la communauté des haines fait presque toujours le fond des amitiés. » Cette citation d’Alexis de Tocqueville résume parfaitement le moteur réel de la mobilisation et la psychologie des groupuscules d’activistes contre la réserve d’eau de Sainte-Soline. Les groupuscules d’extrême gauche, d’obédiences fort disparates, ont un besoin vital d’une cause commune et d’un ennemi à combattre pour pouvoir s’unir.
Les agriculteurs liés au projet de réservoir d’irrigation jouent, bien malgré eux et pour des raisons particulièrement injustes comme nous le verrons plus loin, le rôle de l’ennemi, du mal à combattre au nom des causes très émotionnelles de l’écologie et de l’accès équitable à une ressource aussi vitale que l’eau. En réalité, ces agriculteurs sont assignés au rôle de catalyseur permettant d’enclencher une réaction en chaîne devant aboutir à la structuration d’un mouvement destiné à renverser la table. La psychologie “révolutionnaire” typique des groupes d’extrême gauche ne s’embarrasse bien évidemment pas des détails du projet de réservoir et n’est pas compatible avec un débat apaisé visant à y apporter d’éventuels aménagements.
Refus du débat et justification de la violence
Après avoir longtemps utilisé la lutte contre les centrales nucléaires comme totem de ralliement, ces mouvements se sont désormais trouvé un nouvel ennemi à combattre, une nouvelle cause commune, forcément manichéenne : les réservoirs d’irrigation deviennent des « mégabassines » et les agriculteurs, des « accapareurs », des voleurs, bref : des méchants. Comme toujours à gauche, on tend à interpréter le combat politique comme un combat entre le bien et le mal, voire le pur et l’impur (car la religion n’est jamais loin), ce qui exclut tout débat et justifie l’usage de la violence. Comme l’observait le philosophe conservateur britannique Roger Scruton, « les gens de gauche trouvent très difficile de s’entendre avec les gens de droite parce qu’ils pensent qu’ils sont maléfiques. Alors que je n’ai aucune difficulté à m’entendre avec les gens de gauche car je pense tout simplement qu’ils se trompent ».
Sur le fond, pourtant, les réservoirs d’eau sont très largement reconnus par les spécialistes comme l’une des méthodes efficaces pour adapter l’agriculture aux conséquences du changement climatique, comme le sont la création de variétés de semences améliorées grâce aux nouvelles techniques génomiques (NTG) ou le développement de l’agriculture de conservation des sols, moins gourmande en eau que l’agriculture conventionnelle.
Le cas particulier du réservoir de Sainte-Soline, rempli en hiver avec les eaux débordant de la nappe phréatique une fois celle-ci pleine, afin de pouvoir l’utiliser l’été pour irriguer les cultures sans avoir à utiliser la ressource limitée des eaux souterraines, se prête particulièrement mal aux caricatures employées par les activistes pour justifier leurs actions violentes. Mais, on l’a dit, l’esprit révolutionnaire ne s’embarrasse pas de ce genre de détails et les promoteurs du réservoir qui avaient, dans un premier temps, fait beaucoup d’efforts de pédagogie pour expliquer l’intérêt du projet aux activistes, pensant naïvement qu’ils ne l’avaient tout simplement pas compris, ont pu rapidement s’en rendre compte.
Disqualifier les adversaires et les déshumaniser
Les méthodes de l’extrême gauche sont partout les mêmes dans les démocraties libérales : désigner une frange de la population comme étant l’ennemi à combattre et étiqueter ces opposants avec des qualificatifs infamants (fachos, déplorables, accapareurs…) afin de les disqualifier symboliquement et de les déshumaniser. Cette tactique génère mécaniquement une montée de la haine et de la violence, pouvant aller jusqu’à la volonté d’éliminer physiquement ses adversaires, comme en atteste la dangerosité des objets employés contre les forces de l’ordre le 25 mars 2023 (boules de pétanque, cocktails Molotov notamment).
L’objectif des élus (notamment EELV et LFI) qui soutiennent et encouragent ce type d’action est bien évidemment de tirer un bénéfice politique de ces situations conflictuelles artificiellement créées, mais sans avoir à en subir directement la responsabilité grâce à leur positionnement périphérique. Nous faudra-t-il attendre un déchaînement de violence dont les agriculteurs ou les forces de l’ordre seraient les victimes pour agir et nommer convenablement ces mouvements qui « emploient systématiquement la violence pour atteindre leur but politique », soit la définition même du terrorisme ? Il est plus que temps de libérer l’écologie et l’agriculture de cette “prise d’otages” et d’engager la responsabilité des élus qui soufflent sur les braises.
Professeur de sciences physiques, Loïc Rousselle est membre du bureau politique du parti Écologie au centre.
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