Tribune d’un collectif de juristes sur l’expulsion de l’ouzbek : « Avant, le juge s’interdisait de se substituer à l’administration, aujourd’hui, il est devenu l’auxiliaire zélé de juridictions internationales »

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(…)

Voilà nos concitoyens prévenus. Comprendront-ils que le droit issu de la Convention européenne des droits de l’homme fasse passer leur sécurité collective après celle d’un étranger qui n’a pas d’attaches en France et adhère à une idéologie hostile aux valeurs de la société française ? Au bénéfice d’un islamiste du genre de ceux qui tuent nos enseignants, comme l’ont fait l’assassin tchétchène de Samuel Paty et l’assassin ingouche de Dominique Bernard ? Comprendront-ils des décisions de Cours suprêmes faisant aussi peu de cas de la souveraineté nationale, de l’intérêt général et du simple bon sens ? Veut-on définitivement fâcher nos compatriotes avec un État de droit dont ils pourraient se dire : « si l’État de droit c’est cela, il est urgent de s’en débarrasser » ?

Cette affaire donne aussi à voir jusqu’au vertige combien a muté en quelques décennies le rôle du juge, en particulier du juge administratif. Lorsque les signataires de la présente tribune sont « entrés dans la carrière », régnait un tout autre droit public. Le juge ne pouvait adresser d’injonctions à l’administration. Il pratiquait un contrôle « minimum », c’est-à-dire réduit à l’ « erreur manifeste d’appréciation » (celle qui « saute à la figure en ouvrant le dossier »), sur les actes de « haute police » ou nécessitant des appréciations techniques. Le juge s’interdisait de se substituer à l’administrateur. Son empire se limitait à l’annulation pour excès de pouvoir des actes administratifs et à la condamnation d’une personne publique à verser une indemnité en réparation d’une faute ou d’une rupture d’égalité devant les charges publiques. Il faisait un usage parcimonieux du sursis à exécution. Le juge français s’inclinait devant la loi française, laquelle faisait écran aux traités antérieurement conclus.

Mais voilà : au nom de la primauté du droit européen, le juge est devenu l’auxiliaire zélé de juridictions supranationales. S’appuyant sur le droit européen, l’ « autorité judiciaire » (comme la Constitution de 1958 qualifie la justice) est devenue un pouvoir judiciaire. Avec les référés, le juge administratif s’est vu ouvrir par le législateur (loi du 30 juin 2000) un nouvel horizon : la capacité de dicter sa conduite à l’administration au nom des libertés. Il s’est emparé progressivement, mais inexorablement, de ce formidable pouvoir. Il en est résulté une profonde remise en cause de la conception française de la séparation des pouvoirs. Nous arrivons ici à son apogée : le juge ordonne à l’Était de faire le contraire de ce que l’Était doit faire pour assurer son devoir régalien premier – protéger la population.

Marianne

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