Hongrie : quand Orbán se fâche contre l’Union européenne

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« Nous ne sommes pas toujours d’accord, mais nous pouvons trouver des solutions à nos problèmes », lance Vladimir Poutine à Victor Orbán, à la tribune du Forum des nouvelles routes de la soie, fin octobre, à Pékin. Aux yeux du président russe, le Premier ministre hongrois est « l’un des rares politiques européens à défendre ses intérêts » . Enclavée en Europe centrale, la petite Hongrie ne peut, certes, se passer du gaz russe, qui arrive maintenant via le Turkstream. Mais, depuis le début de la guerre d’Ukraine, son gouvernement travaille à diversifier ses sources d’approvisionnement énergétique. Des contrats ont été signés avec la Pologne et la Croatie pour recevoir du gaz naturel liquéfié (GNL) livré par bateau dans les ports européens. Des négociations sont en cours avec la France pour la construction d’une centrale nucléaire. Cette méthode vaut à Orbán d’avoir été réélu triomphalement, l’année dernière, ce dont il tire une incontestable légitimité pour faire entendre sa voix singulière dans le club européen aux mains des sociaux-démocrates aux majorités brinquebalantes.

Décrié à Bruxelles pour avoir ostensiblement serré la main du président russe devant les caméras à Pékin, le champion du camp des conservateurs chrétiens peut se targuer d’avoir eu raison très tôt sur l’Ukraine contre la grande majorité de ses pairs – une poignée partage son avis en privé mais soutient l’inverse en public. Un avantage dont il entend maintenant profiter, comme l’explique à Valeurs actuelles l’intellectuel Balázs Orbán (un homonyme), 37 ans, son directeur politique depuis 2021 et missi dominici auprès des chancelleries occidentales : « Nous ne nous réjouissons pas que la stratégie imposée sur l’Ukraine ait échoué, mais nous plaidons pour en changer très vite. Les Américains se concentrent sur leurs problèmes. Les Européens seront bientôt seuls face à ce conflit, avec ses milliers de morts, un corridor énergétique entre la Russie et l’Europe détruit, une compétitivité en berne, une inflation au plus haut. »

​Le Premier ministre hongrois réclame officiellement « une discussion franche et ouverte »

Après avoir longtemps prêché dans le désert, sans mettre son veto aux 12 paquets de sanctions prises par Bruxelles contre la Russie, Victor Orbán estime le moment venu de plaider haut et fort sa position. Dans une lettre adressée au président du Conseil européen, Charles Michel, le Premier ministre hongrois réclame officiellement « une discussion franche et ouverte » à l’occasion du sommet des Vingt-Sept programmé à la mi-décembre, où les dirigeants statueront sur l’ouverture des négociations d’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne et une rallonge budgétaire de 50 milliards d’euros en quatre ans pour financer en grande partie son effort de guerre. Balázs Orbán argumente : « Certes, les Russes ont violé le droit international, mais le temps leur a profité. S’ils consacrent de plus en plus d’énergie à la guerre d’Ukraine, que restera-t-il de ce pays à la fin ? Il est urgent de mobiliser nos ressources à convaincre les parties de s’asseoir autour d’une table et de discuter. »

Budapest ne se berce d’aucune illusion : « Ce sera une longue et difficile négociation pour trouver les conditions d’une paix qui convienne aux deux parties et faire émerger une nouvelle architecture de sécurité acceptable pour les Européens et les Russes. » Il est important, souligne-t-on sur les bords du Danube, que des dirigeants du camp occidental prennent « le leadership des négociations », sous peine d’être doublés par d’autres.

Outre l’échec militaire patent de l’Ukraine, la Hongrie compte sur l’évolution des équilibres politiques pour changer la donne à Bruxelles. À Bratislava, mi-octobre, le parti du souverainiste de gauche Robert Fico a remporté les législatives. Aussitôt nommé Premier ministre, le Slovaque a bloqué le programme d’aide militaire à Kiev. C’était l’une de ses promesses phares. « Nos deux peuples ont des convictions très proches sur le futur de l’Europe, la lutte contre l’immigration, la Russie et la guerre d’Ukraine», commente Balázs Orbán. Le 23 novembre, aux Pays-Bas, le Parti pour la liberté, de Geert Wilders, de droite et notoirement hostile aux livraisons d’armes à l’Ukraine, est arrivé en tête des législatives.

“La stratégie de Meloni est la bonne”

​Assumant son bras de fer permanent avec la Commission européenne, qui combat ses réformes « illibérales » et bloque sous ce prétexte l’essentiel des 28 milliards d’euros promis à la Hongrie au titre du plan de relance européen, Victor Orbán n’avait jusqu’à présent jamais franchi le seuil de la guerre ouverte, se contentant de monnayer au prix fort cette ligne de conduite prudente. Sa position pourrait se durcir, car « il y a des élections européennes dans six mois ». Au rendez-vous de la mi-décembre, promet Balázs Orbán, la Hongrie n’approuvera pas les 50 milliards pour l’Ukraine : « Cela nous obligerait à augmenter notre quote-part au budget de l’Union alors qu’elle ne nous verse déjà pas l’argent qu’elle nous doit. » Orbán ne cédera pas non plus sur l’élargissement de l’Europe à l’Ukraine, « qui n’est tout simplement pas prête, disent les rapports internes ».

​Et si le Conseil adopte à la majorité la réforme du droit d’asile, dossier qui est inscrit à l’ordre du jour, ce qui « validerait le principe d’accueillir des migrants illégaux, il ne faudrait en tirer aucune conclusion, car les leaders européens sont revenus sur leur promesse de décider à l’unanimité sur ce texte ; de surcroît, nous ne l’appliquerions pas » , prévient le directeur politique de Victor Orbán, « et nous ne serions pas les seuls ». Il ajoute : « Il faut envoyer le signal inverse, comme l’a fait la Hongrie en 2015 : édicter la tolérance zéro, durcir la surveillance des frontières, aider les États de départ à créer des camps pour gérer les candidats au départ. La stratégie de Meloni est la bonne. » En fait, « c’est simple », résume ce juriste qui a baroudé du Bangladesh à la Libye pour étudier cette problématique lorsqu’il travaillait pour le think tank conservateur hongrois The Migration Research Institute, « les États doivent prendre le lead et imposer leurs vues à nos institutions européennes ».

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