Le capitalisme a fait le succès des Pays-Bas, pourtant les Néerlandais ne le supportent pas

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Cette année, un livre intitulé Pioneers of Capitalism a été publié par la célèbre maison d’édition universitaire Princeton University Press. Il retrace l’histoire des Pays-Bas. Ses auteurs, Maarten Prak et Jan Luiten von Zanden, écrivent que « les Pays-Bas ont été l’un des précurseurs de l’émergence du capitalisme ».

Les Pays-Bas ont été l’un des premiers et des plus puissants pays capitalistes. Son progressisme économique est l’une des raisons pour lesquelles ce petit pays (avec une population d’à peine deux millions d’habitants à l’époque) s’est hissé au rang de première puissance et de première nation commerciale du monde. Au XVIIe siècle, ce petit pays était « la première économie du monde ». Au cours de cette période, les navires hollandais ont dominé les mers du monde et les marchands hollandais ont tissé un réseau commercial intercontinental dans lequel les céréales, le vin, les épices, le sucre, le tabac, la porcelaine et les humains étaient achetés et vendus. Ils ont développé de nouvelles façons de faire des affaires, dont la plus connue est le financement d’entreprises commerciales par l’émission d’actions.

Le moteur de l’expansion mondiale des Pays-Bas n’était pas l’État, mais les deux premières sociétés par actions de l’histoire, la Compagnie néerlandaise des Indes orientales (VOC), fondée en 1602, et la Compagnie néerlandaise des Indes occidentales (WIC).

À ce jour, les Pays-Bas sont l’un des pays les plus libres du monde sur le plan économique.

Dans l’indice de liberté économique 2023, qui classe la liberté économique dans 176 pays, les Pays-Bas occupent la huitième place, loin devant les États-Unis (25e) et le Royaume-Uni (28e), qui sont souvent considérés comme les berceaux du capitalisme. La Heritage Foundation, qui établit l’indice de liberté économique (largement considéré comme un « classement du capitalisme »), salue avant tout la solidité de l’État de droit aux Pays-Bas, et la bonne santé des finances publiques. Elle attribue toutefois des notes négatives aux « dépenses publiques » et à la charge fiscale excessive des Pays-Bas.

Bien que l’indice de liberté économique classe les Pays-Bas comme l’un des pays les plus libres du monde, le capitalisme et l’économie de marché y ont une moins bonne image que dans presque tous les autres pays du monde. Une enquête dans 34 pays en 2021 et 2022 sur la perception populaire de l’économie de marché et du capitalisme que j’ai commandée à Ipsos Mori pour mon livre In Defense of Capitalism a montré qu’il n’y a que sept pays dans lesquels le capitalisme est plus fermement rejeté qu’aux Pays-Bas.

Et ce n’est pas seulement dû au mot « capitalisme », qui est un anathème aux Pays-Bas. L’enquête comportait également plusieurs questions qui évitaient délibérément d’utiliser ce mot et décrivaient plutôt un système de marché libre – sans utiliser le mot incendiaire lui-même. Les résultats n’ont pas été meilleurs. Au contraire, l’image de l’économie de marché n’est pire qu’aux Pays-Bas que dans deux pays sur 34, la Russie et la Bosnie-Herzégovine !

Selon l’enquête, les personnes à hauts revenus et celles qui se situent à droite de l’échiquier politique sont plutôt indifférentes à l’économie de marché et au capitalisme : dans de nombreux autres pays, les personnes à hauts revenus et celles qui se situent à droite de l’échiquier politique figurent généralement parmi les plus fervents défenseurs du capitalisme.

Toutes les données relatives aux Pays-Bas vont dans le même sens : les Néerlandais rejettent l’économie de marché et le capitalisme. Les affirmations qui ont reçu le plus de soutien aux Pays-Bas sont « Le capitalisme favorise l’égoïsme et la cupidité » (44 %) et « Le capitalisme conduit à une inégalité croissante » (41 %). En revanche, l’affirmation « Le capitalisme est un système économique particulièrement efficace » a reçu le moins de soutien (9 %).

Dans le même temps, les Pays-Bas connaissent depuis longtemps une réussite économique extraordinaire. Avec 73 000 euros, le PIB par habitant en 2022 était supérieur à celui de l’Allemagne, de la Grande-Bretagne, de la France, de l’Espagne, de l’Italie et de la plupart des autres pays européens. Et en 2022, les Pays-Bas étaient la quatrième nation exportatrice du monde, devant le Japon et la Corée du Sud ! C’est remarquable, surtout si l’on considère que les Pays-Bas ne comptent que 17,5 millions d’habitants – l’Allemagne, troisième pays exportateur, compte cinq fois plus d’habitants, la Chine, numéro un, 84 fois plus, et les États-Unis, numéro deux, 20 fois plus que les Pays-Bas.

Cet exemple montre à quel point l’impact des traditions historiques et économiques peut être durable. Même si les Pays-Bas ne sont plus depuis longtemps la première puissance économique mondiale, aucun pays de taille comparable n’exporte autant de marchandises dans le monde que les Pays-Bas – et le plus grand port d’Europe est également situé à Rotterdam. Les Néerlandais devraient aimer davantage le capitalisme, car c’est lui qui leur a permis de réussir.

 

Rainer Zitelmann est historien, sociologue et auteur du livre In Defense of Capitalism.

 

Extrait de: Source et auteur

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