Deux associations médicales nord-américaines de premier plan viennent de recommander de ne plus prendre en compte le paramètre “race et ethnicité” dans toutes formes de recherche médicale. Ce paramètre pourrait, selon elles, augmenter le risque de discrimination vis-à-vis des minorités et conduire à minimiser ou à occulter le rôle de l’environnement en santé publique. Dans une tribune à L’Express, le Dr. Michel Tibayrenc, docteur en médecine, docteur d’État ès sciences et directeur de recherche émérite à l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD)*, s’inquiète de cette décision. S’il loue l’arrière-pensée antiraciste des deux associations, il pointe ses limites et les dégâts que leur décision pourrait provoquer pour les minorités, à rebours de l’objectif initial. Comme d’autres de ses collègues, il rappelle au contraire la nécessité de prendre en compte la diversité génétique des populations géographiques en recherche biomédicale.
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Le message sous-jacent est que les différences biologiques entre les catégories définies par le bureau américain du recensement, qui correspondent grosso modo à des populations d’origines géographiques différentes, sont négligeables et donc qu’on peut en faire l’impasse dans toute approche médicale. L’ambiguïté et le mélange de genres sont rehaussés par le fait que l’AMA et l’AAP apportent un surcroît de justification à leurs recommandations avec l’argument suivant : prendre en compte le paramètre “race et ethnicité” en tant que facteur de risque intrinsèque augmenterait le risque de discrimination vis-à-vis des minorités en conduisant à minimiser ou à occulter le rôle de l’environnement en santé publique. On est donc en face d’un double message : scientifique et technique d’une part, moral et politique d’autre part. Les deux messages sont en fait éminemment discutables.
D’abord, les catégories définies par le bureau américain du recensement, qui recoupent, même imparfaitement, des populations d’origines continentales différentes, présentent des disparités notables quant à leur susceptibilité aux maladies et à leurs traitements. Pour prendre un exemple parmi beaucoup d’autres, les enfants afro-américains ont une fréquence de drépanocytose (anémie falciforme) très supérieure à celle des enfants d’ascendance européenne. Pour la mucoviscidose, c’est l’inverse. Va-t-on interdire aux pédiatres américains d’avoir cela à l’esprit face à leurs jeunes patients ?
A mes yeux de médecin et de scientifique, les recommandations de l’AMA et de l’AAP répondent à un agenda moral et politique, au détriment du médical. Je me permettrai donc, respectueusement et confraternellement, de ne pas adhérer à leurs recommandations, tout en saluant leurs préoccupations morales et éthiques. Ce que j’espère et pense, c’est que mes consœurs et confrères américain(e)s sauront recevoir ces préconisations avec bon sens, et continueront de prendre en compte l’appartenance ethnique de leurs patients, non pas systématiquement, mais seulement quand cela s’avère pertinent.
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