(…) Le soir du 18 avril 2017, selon les dires de cette dernière, Samir Elyes aurait perdu ses nerfs lors d’une dispute, avant d’en venir aux mains : « Il m’a projetée contre la porte d’un bâtiment. Ma tête a cogné le mur. Il m’a pris par les bras et m’a traitée de “salope”, “d’ingrate”… Il a tenté de me mettre au sol mais je me suis débattue. J’ai réussi à me dégager mais Samir m’a de nouveau poursuivie », raconte-t-elle à Médiapart.
« (…) C’était comme si on me reprochait d’avoir parlé. On a commencé à m’éviter. Leur silence me mettait mal à l’aise ». Ses soupçons sont rapidement confirmés : dès le mois de juillet 2017, Assa Traoré et les siens décident de confier à Samir Elyes l’animation d’une journée hommage à Adama Traoré.
(…) Plus tard, sur une boucle WhatsApp dont Médiapart a pu consulter le contenu, Assa Traoré aurait tranché définitivement l’affaire : « Une journée où il va animer deux heures ne va tuer personne ».
La situation est d’autant plus problématique que la militante agressée en 2017 n’est pas la seule à faire état de violences. Line (le prénom a été modifié par Médiapart) raconte avoir entretenu une « relation affective » avec Samir Elyes en 2014. « Je me suis vite rendu compte que c’était un homme ultraviolent et manipulateur. Pendant près de six mois, j’ai vécu un enfer », raconte-t-elle aujourd’hui, rapportant des scènes d’une grande violence. Un épisode parmi d’autres : alors qu’elle circule en voiture avec Samir Elyes, le ton monte. Ivre de rage, ce dernier aurait alors tenté de l’éjecter du véhicule. « Il s’est penché et a ouvert ma portière alors qu’il roulait. Il a commencé à me pousser pour m’éjecter de la voiture en hurlant. J’ai résisté comme j’ai pu et je ne suis pas tombée, sinon je m’éclatais sur le périph’ », a-t-elle raconté au site d’actualités.
(…) Youcef Brakni, le cadre du Comité Adama, ne se montre pas trop perturbé par la présence répétée de Samir Elyes aux côtés d’Assa Traoré : « C’est une affaire entre deux amis et on ramène le comité dedans », a-t-il expliqué à Médiapart. L’ancien professeur d’histoire est même encore plus clair : « Après, cela nous fera rien, l’extrême droite va partager, cela n’ira pas plus loin. On va continuer notre combat, on ne va pas se laisser faire, Mediapart rentrera juste dans la liste de ceux qu’on va combattre ».
Deux femmes racontent avoir été victimes d’agressions de la part de Samir Elyes, l’un des pionniers du comité Vérité et justice pour Adama. Elles reprochent au collectif mené par Assa Traoré d’avoir minimisé les faits, au point qu’elles ont dû renoncer à militer. Assa Traoré, elle, assure avoir fait le nécessaire pour éloigner Samir Elyes. Pendant des années, il est pourtant resté à ses côtés.
Figure de la lutte contre les violences policières depuis qu’elle a perdu son frère Adama, décédé lors d’une interpellation par les gendarmes en juillet 2016, Assa Traoré plaide pour un féminisme antiraciste et l’incarne parfaitement. Elle se rend dans différentes manifestations féministes, prône une « alliance des luttes » et n’oublie jamais la Journée internationale des droits des femmes. « Une journée où je souhaite dénoncer les violences faites aux femmes dans le monde entier », disait-elle le 8 mars 2019.
En parallèle, pourtant, des militantes accusent Samir Elyes, l’un des membres du comité Vérité et justice pour Adama, d’avoir frappé plusieurs femmes, sans jamais avoir été vraiment inquiété. Elles remettent en cause les engagements féministes de ce comité qui lutte contre les violences policières. Et affirment, à travers leurs récits, la nécessité pour les organisations luttant contre des violences étatiques ou sociétales, de combattre aussi les violences sexistes et conjugales exprimant des rapports de domination au sein même des milieux militants
Des témoignages et de nombreux documents recueillis par Mediapart montrent en effet comment les militantes Line* et Massica, qui ont dénoncé les agissements de Samir Elyes, n’ont été ni soutenues ni entendues, et comment elles ont été menacées en vue de les faire taire. Elles décident aujourd’hui de « briser le silence » pour « qu’on cesse de fermer les yeux lorsque les violences sexistes sont commises par l’un des nôtres ».
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Quand le militant Taha Bouhafs incitait des femmes menacées par Youssouf Traoré, le frère d’Assa et d’Adama, à ne pas porter plainte
Selon Farah, des dizaines de personnes auraient subi ces intimidations. « Dès qu’il y a un problème, ils envoient quelqu’un. » Parmi les fervents soutiens du comité Traoré n’hésitant pas à monter au front de l’intimidation, on retrouve également le militant Taha Bouhafs (dont nous évoquions cet été les vacances en compagnie d’Assa Traoré, à Marseille, vêtus du t-shirt « Justice pour Adama »). A l’une des femmes qui se plaignait des menaces de Youssouf Traoré sur Facebook et déclarait vouloir porter plainte, Taha Bouhafs lui répond : « Ça veut porter plainte contre un frangin déjà incarcéré. Bien les militants 2.0. » Et d’ajouter : « Je [ne] parle pas aux collabos, va te cacher et ne te dis plus jamais militante, vieille folle. »
« S’il m’arrive un truc après ce post ça sera lui car il m’a menacé de ne plus parler… Bref je laisse une preuve sur mon mur donc tu n’as pas intérêt à me toucher… De toute façon si tu me touches les amis de mon grand frère Allah y ahmou sont prévenus, ils feront un tsunami de votre quartier. C’est des anciens et ils ne rigolent pas avec les mecs qui menacent les femmes » conclut Fatiha L. dans son message Facebook du lundi 31 août.
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Article du 8 septembre 2020
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Extrait de: Source et auteur
Que des mensonges ou des demi-vérités …c ‘est selon.
Moins on en parle et mieux on se porte.