À propos du livre de Stephen Marche, The Next Civil War : Dispatches from the American Future (La prochaine guerre civile – Dépêches du futur de l’Amérique), Avid Readers Press, 2022, 238 pages.
David Gordon
Dans ce livre important, Stephen Marche nous apporte des nouvelles inquiétantes. L'Amérique se dirige peut-être vers une guerre civile. Nous ne sommes plus un pays uni, et le clivage politique entre les démocrates progressistes et les républicains de droite s'est élargi dans une mesure similaire à celle qui existait entre Nordistes et Sudistes avant la première guerre civile américaine. Les prévisions de Marche ne sont cependant pas tout à fait sombres : si la sécession peut être organisée pacifiquement, elle présente des avantages considérables par rapport à la discorde actuelle.
Dans quatre "dépêches", Marche décrit quatre situations de crise susceptibles de déboucher sur une guerre civile : un conflit entre des forces locales qui ne reconnaissent plus l'autorité fédérale et des troupes envoyées par Washington pour les désarmer ; l'assassinat d'un président ; la destruction de la ville de New York par une inondation ; et le déclenchement d'une violence massive due au terrorisme et à des mesures anti-insurrectionnelles qui suscitent la résistance. Marche, qui est à la fois romancier et journaliste, dépeint de manière vivante ces crises à travers des récits qui les illustrent.
Il décrit ainsi la scission de notre politique : "Les États-Unis touchent à leur fin..... Les États-Unis sont en train de sombrer dans le genre de conflit sectaire que l'on trouve habituellement dans les pays pauvres ayant des antécédents de violence, et non dans la démocratie la plus durable et la plus grande économie du monde..... Aux yeux de la classe des experts comme de l'Américain ordinaire, les chances d'une guerre civile aux USA dans un avenir proche sont à peu près les mêmes que de tirer un dix ou plus dans un jeu de cartes" (pp. 1-2).
En écrivant sur ces conflits dans notre politique, Marche s'est fixé une tâche difficile, dans laquelle il n'a pas tout à fait réussi, à mon avis. D'une part, il écrit en tant qu'analyste extérieur, et pour cela, il a consulté un nombre important d'experts dans divers domaines ; mais d'autre part, il est fermement engagé dans l'un des camps, celui des démocrates progressistes. (Je dis cela en dépit de sa suggestion qu'en tant que Canadien, il n'a pas à choisir un camp. Il le peut et il l'a fait.) Peut-il néanmoins brosser un tableau équilibré et juste de nos difficultés ? Son allégeance colore parfois son analyse, et j'avoue que parfois je ne trouve pas ses propos utiles ; mais il est intelligent et perspicace. Si nous faisons abstraction de son parti pris, il a beaucoup à nous apprendre.
Une nation a besoin d'unité pour rester solidaire, et l'esprit de parti et de faction, s'il est trop poussé, la détruira. George Washington l'avait souligné dans son discours d'adieu : "Je vous ai déjà fait part du danger des partis dans l'État, surtout s'ils sont fondés sur des discriminations géographiques" (p. 101). Selon Marche, "Washington a dû reconnaître la vulnérabilité qu'il avait lui-même contribué à créer, vulnérabilité inhérente à la gloire de l'expérience américaine. La différence est au cœur de l'expérience américaine. La différence est son génie.... Mais les États-Unis ne fonctionnent que s'il existe une tension entre les forces permettant la différence et les forces permettant l'unité" (p. 102).
Si l'unité nécessaire n'existe pas, les États-Unis ne pourront plus rester solidaires, ce que l'auteur regrette, à en juger par sa "Conclusion : une note sur l’espoir américain", mais pour beaucoup, il semblera que le prix à payer pour l'unité nationale n'en vaut pas la peine. D'une part, le point central de l'unité de notre pays face à des intérêts contradictoires a été le président. Dans un passage surprenant, Marche déclare :
"La raison du taux élevé d'assassinats de présidents américains est qu'ils sont des symboles vivants de l'unité nationale qu'aucun autre pays ne possède aujourd'hui - des icônes en tant que gouvernants..... Le président américain a une aura qu'aucun fonctionnaire ou monarque ne possède ou ne peut posséder" (p. 73). Souhaitons-nous vraiment être gouvernés par une telle figure "iconique" ?
C'est la voie du despotisme.
Si la sécession peut être réalisée pacifiquement, les perspectives d'une atmosphère moins conflictuelle dans notre politique sont brillantes. En comparant l'Amérique républicaine et l'Amérique démocrate, Marche écrit_
Chaque camp accuse l'autre de détester l'Amérique, ce qui n'est qu'une façon de dire que chacun déteste ce que l'autre entend par Amérique..... Des deux côtés, le sentiment d'être sous occupation domine.... Chaque faction politique fonctionne avec une mentalité d'assiégés.... Tout le monde veut construire un mur d'une sorte ou d'une autre. La division géographique entre les utopies américaines concurrentes signifie qu'à chaque élection, celui qui perd a l'impression d'avoir été dominé par une puissance étrangère. (pp. 184-85)
Une guerre civile pourrait s'ensuivre si le gouvernement fédéral envahissait les États ou les localités faisant sécession, et au vu des forces massives dont le gouvernement américain dispose, il est très peu probable que les sécessionnistes puissent maintenir leur indépendance. Ce serait une grave erreur pour le gouvernement fédéral de suivre cette voie, car tenter de maintenir l'autorité américaine sur une population récalcitrante nécessiterait des tactiques de contre-insurrection qui, appliquées ailleurs dans le monde, se sont avérées un échec lamentable. Marche s'appuie ici sur l'historien et général à la retraite Daniel Bolger.
"Vous entendrez parfois des gens dire : "Je ne m'inquiète pas d'une insurrection, car l'armée a tous les chars et l'armée de l'air a les bombardiers", dit Bolger. "Écoutez, si vous en êtes réduits à aller tuer des gens, vous ne résolvez pas l'insurrection. Au contraire, vous l'étendez. Vous en garantissez d'autres." Vous ne pouvez pas punir les gens parce qu'ils vous haïssent. L'armée est un instrument de punition. Sa fonction même la rend inutile. Pour Bolger, qui a vu cette inutilité sous tous les angles, la stratégie de contre-insurrection est une contradiction dans les termes. C'est un jeu dans lequel la seule stratégie gagnante est de ne pas jouer. (p. 165)
Si nous nous reportons aux lendemains de la guerre de Sécession, nous avons la preuve évidente qu'une armée d'occupation ne peut pas écraser la résistance. "L'échec de la Reconstruction après la première guerre civile révèle la quasi-impossibilité de maintenir les Américains sous un régime politique qu'ils ne tolèrent pas. Le Nord a gagné la guerre mais n'a pas pu supporter l'occupation..... Le compromis de 1877 a finalement été un recul du pouvoir fédéral. Le Sud a essentiellement obtenu le droit de cité", dit Bolger. La Reconstruction fut en quelque sorte la première occupation américaine ratée." (pp. 171-72)
Au passage, bien qu'il soit loin d'être un partisan du Sud, Marche affiche un scepticisme rafraîchissant à l'égard d'une légende que les adorateurs de Lincoln ont déployé de grands efforts pour propager : "Le Nord, pour sa part, a développé le mythe qu'il avait fait la guerre pour mettre fin à l'esclavage ... Même après le déclenchement de la guerre, Lincoln était assez clair sur ses motivations. Mon objectif primordial dans cette lutte est de sauver l'Union et non de sauver ou de détruire l'esclavage", écrit-il dans une lettre. Si je pouvais sauver l'Union sans libérer le moindre esclave, je le ferais". (p. 209).
La lecture de The Next Civil War nous aidera peut-être à prévenir la prochaine guerre civile.
David Gordon
David Gordon est Senior Fellow à l'Institut Mises et éditeur de la Mises Review.
Source : What the Next American Civil War May Look Like – Mises Institute
Traduction Albert Coroz
Et vous, qu'en pensez vous ?