Les libéraux-radicaux sont sauvés! La reconquête est en marche! Comme l'indique l'ATS, le brillant président du parti Philipp Müller, successeur du non moins brillant Fulvio Pelli, dévoile ses ambitieux objectifs: devenir le deuxième plus grand parti de Suisse lors des élections fédérales de 2015.
Comment compte-t-il y parvenir?
Le PLR veut "développer un profil écologique" (...), déclare son président Philipp Müller dans une interview parue dans la "SonntagsZeitung". De nouvelles centrales nucléaires ne sont "à long terme réalisables ni économiquement ni politiquement."
Le PLR s'était montré moins catégorique dans son papier de position sur la Stratégie énergétique 2050, présenté en novembre 2012. Il n'y rejetait la construction de nouvelles centrales que si celles-ci n'étaient bâties "qu'avec la technologie aujourd'hui à disposition".
Une réforme fiscale écologique fait par ailleurs figure d'instrument d'économie de marché envisageable. Son introduction devrait cependant être assortie de "certaines conditions", ajoute [le conseiller national].
"Il est pertinent d'augmenter l'imposition de l'énergie et de diminuer celle du travail. Mais il est obligatoire que l'enveloppe totale provenant des taxes et des impôts ne soient pas revue à la hausse et que les subventions soient en parallèle massivement réduites.", déclare le président du PLR.
A ce stade, chers lecteurs, c'est une obligation, il me faut introduire un facepalm qui sert, comme l'explique Wikipedia, à illustrer "honte, embarras, incrédulité, exaspération, dégoût ou malheur" - ou, comme face à la nouvelle posture du PLR, tout cela à la fois.
Entendons-nous bien: je n'ai rien contre le PLR, seul parti national majeur à considérer l'UDC comme un interlocuteur vaguement fréquentable. C'est aussi avec l'UDC la réserve naturelle des libéraux du pays, sur le papier en tous cas.
Je leur souhaite, sincèrement, le succès.
C'est donc avec une tristesse infinie que j'assiste à cette déclaration stratégique pitoyable, qui annonce à l'évidence la poursuite du déclin du parti. Aucune discussion de fond n'a lieu sur les valeurs de base, d'où devrait découler un programme ; par exemple, des libéraux auraient pu demander la mise à plat économique de tous les modes de production d'énergie, sans coûts cachés, et appeler ensuite à laisser faire le marché. Mais non, à la place le PLR choisit d'interdire et de taxer et finalement de suivre... La mode.
Philipp Müller n'a probablement pas l'esprit rebelle, c'est un fait. Mais il n'est pas seul dans la capitainerie et même l'équipe dont il est entouré ne fait pas mieux. Se déclarer préoccupé par l'écologie et anti-nucléaire en 2013, quelle idée originale pour se démarquer! Quelle audace! Et proposer des taxes! A part les verts, les socialistes, les démocrates-chrétiens, les verts-libéraux et les bourgeois-démocrates, personne n'a eu l'idée. Remarquez, l'UDC est bien absente de cette longue liste, mais même elle peut se targuer d'être l'authentique parti des paysans. La nature, il y a ceux qui en parlent et ceux qui la vivent.
Malheureusement pour ses électeurs en proie au doute, la stratégie du PLR suisse ne se limite pas à cela ; dans ses autres décisions fortes, le parti a aussi décidé de soutenir la proposition du conseiller fédéral Didier Burkhalter de laisser le soin à la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) d'interpréter le droit de l'UE en cas de différend, et continue de soutenir à bout de bras une liberté de circulation des personnes absolue et aveugle dont plus personne ne veut.
A l'aune de ces déclarations visionnaires, je doute fort de l'émergence du PLR comme deuxième plus grand parti de Suisse en 2015, ni même à n'importe quelle date d'ailleurs. Je suis prêt à parier quelque argent là-dessus contre M. Müller, s'il lit ces lignes. Avant de prôner des objectifs pompeux, il faudrait encore voir l'adéquation entre les valeurs fondamentales du parti - inintelligible depuis le mariage catastrophique entre les frères ennemis radicaux et libéraux - et son programme, entre le message et les attentes de la population.
Les dirigeants successifs du PLR sont tous de brillants stratèges, paraît-il. Visiblement, ils ne sont pas jugés sur leurs résultats.
Stéphane Montabert
Article intéressant et assez pertinent, sauf sur un point lorsque son auteur parle du “mariage catastrophique entre les frères ennemis radicaux et libéraux”. En effet, ce mariage est une réussite et on peut regretter qu’il n’ait pas été célébré plus tôt, car il a permis de redresser la barre dans plusieurs élections communales et cantonales. Parler des frères ennemis radicaux et libéraux, c’est ressasser un passé décidément bien révolu. C’est d’ailleurs aussi déplacé que de rappeler qu’avant la consécration politique d’un Christoph Blocher, les élus UDC romands votaient avec le centre gauche et n’avaient pour seule ambition politique que de sauver des exploitations paysannes destinées économiquement à disparaître…