Le Premier ministre sortant, Giuseppe Conte, a fait une dernière déclaration à la presse jeudi dans une ambiance quelque peu chaotique, cette conférence ayant été improvisée au dernier moment en extérieur, sur la Piazza Colonna, avec des microphones placés à la hâte sur une petite table et un attroupement de journalistes violant clairement les règles sanitaires mises en place par le même Conte.
En début de semaine, le président de la Chambre des députés Roberto Fico, du Mouvement 5 étoiles (M5S), avait informé le président Sergio Mattarella de son échec, après trois jours de consultations, à trouver une majorité suffisante au parlement pour un troisième gouvernement Conte. Le parti Italia Viva (IV) de Matteo Renzi a maintenu son rejet de Conte, et il ne s’est pas trouvé suffisamment de députés et de sénateurs au centre, parmi ceux que l’on appelait les « responsables » ou les « constructifs », pour compenser le départ des parlementaires d’IV.
Mercredi, le président Mattarella, de gauche et donc hostile à des élections anticipées que la droite aurait toutes les chances de gagner, a confié à Mario Draghi, l’ancien gouverneur de la Banque centrale européenne (de 2011 à 2019), la tâche de former un gouvernement. Ce choix a immédiatement plu aux places boursières et le différentiel de taux entre les bons du trésor italiens et allemands est même passé en dessous de la barre des 100 points de base (un point de pourcentage) pour la première fois depuis cinq ans. Draghi a tout pour plaire à la finance mondiale. Européiste convaincu, il est l’homme qui a sauvé l’euro, au moins momentanément, en activant la planche à billets de la BCE sous le nom rassurant d’« assouplissement quantitatif », faisant ainsi sauter les règles imposées par l’Allemagne au moment de la création de l’euro. Draghi est un économiste, il est aussi ancien gouverneur de la Banque d’Italie et a dirigé au cours de sa riche carrière plusieurs autres institutions financières prestigieuses.
Eviter des élections à tout prix
Le Parti démocrate qui soutenait jusqu’ici Giuseppe Conte est prêt à soutenir un gouvernement Draghi, du moment que cela permet d’éviter des élections. Matteo Renzi y est lui aussi favorable, du moment que Draghi n’est pas Conte et que cela permet d’éviter des élections dans lesquelles son parti a peu de chance de dépasser le seuil électoral. Quant au M5S, il est divisé, même s’il aimerait bien aussi éviter des élections qui s’annoncent catastrophiques pour lui.
Cependant, la droite est divisée, elle aussi. Sur sa frange gauche, Silvio Berlusconi et son parti Forza Italia (FI) soutiennent ouvertement la formation d’un gouvernement Draghi en se plaisant à souligner leur européisme. Sur sa frange droite, Giorgia Meloni et son parti Fratelli d’Italia (FdI) excluent tout soutien et exigent des élections. La proposition de Meloni pour que la droite s’abstienne lors d’un éventuel vote de la confiance à Draghi, afin de sauvegarder son unité, n’a pas été retenue et c’est divisés que les trois partis du « centre-droit », comme on dit en Italie, abordent les consultations entreprises par l’ancien président de la BCE. Matteo Salvini et la Ligue ne disent pas non, mais demandent à Draghi de choisir entre le M5S et la Ligue, tandis que Laura Boldrini, l’ancienne présidente de la Chambre des députés qui est au Parti démocrate, a déclaré à propos d’un gouvernement soutenu par la Ligue que « le PD ne peut pas gouverner avec la droite anti-européenne et souverainiste ».
Ce n’est donc pas gagné d’avance pour Draghi qui aurait par ailleurs mis un soutien de la Ligue comme condition à la formation d’un gouvernement sous sa tutelle. •
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