Trump : la tentation d’un coup de force

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De notre correspondant permanent aux Etats-Unis. – Combien sont-ils, parmi les 75 millions d’Américains qui ont voté pour le président Donald Trump le 3 novembre dernier, à se sentir prêts à participer à une action spectaculaire destinée à le maintenir au pouvoir malgré ses échecs devant les tribunaux ? A combien se chiffrent les partisans de Trump décidés à défendre, en payant de leur personne, la légalité face à la corruption ? A quel niveau quantitatif se situent ceux qui, depuis les élections, caressent des yeux leur fusil lorsqu’on leur dit que le socialo-démocrate Joe Biden les a remportées ? L’hypothèse de 1 % n’est pas absurde. Cela représente 750 000 personnes sous les armes car, si elles vibrent pour Trump, elles vibrent également pour le deuxième amendement constitutionnel qui leur permet d’accompagner leurs convictions d’arguments en général hautement persuasifs. Une armée. Trump dispose d’une armée de civils. En d’autres temps et en d’autres lieux, ils deviendraient une pièce maîtresse sur l’échiquier politique.

Seulement voilà : l’Amérique n’est pas (encore) une république bananière. Les coups de force nés de perdants injustement traités se trouvent totalement absents de son histoire nationale. Les Américains ont pris très tôt l’habitude d’obéir aux lois qu’ils se sont eux-mêmes imposées. Pas question d’en inventer de nouvelles à la lumière d’explosions et dans la fumée des fusillades. On a fait le coup de feu pour chasser l’Anglais il y a plus de deux siècles. Depuis, la poudre est consacrée à l’autodéfense. Mais, justement, épauler un chef qui cherche à faire valoir ses droits, n’est-ce pas une sorte d’autodéfense ? Les légistes puis les historiens trancheront. Plus tard. Pour l’instant, à chaud, une seule chose compte : la légalité, pour Trump, s’assimile à un champ de ruines. Il a frappé à toutes les portes ; on les lui a toutes claquées au nez. Pour avoir gain de cause, il a appelé au secours le sommet de l’édifice judiciaire. En vain. Il y fut même humilié, car on lui fit savoir que son cas était irrecevable par manque de substance. Un comble !

Et ces sacs bourrés de bulletins de vote au nom de Biden ? Et ces machines à voter programmées pour cliquer à chaque fois en faveur du démocrate ? Et ces dépouillements laissés sans autre surveillance que celle de gauchistes mobilisés ? Manque de substance ! A Trump écœuré, certains ont conseillé de montrer ses muscles en exploitant le fameux Insurrection Act de 1807. Un marteau présidentiel en cas de désordres. Les élections truquées en sont un. Et de belle taille. Une déclaration cinglante, l’armée dans les six Etats contestés, les grands électeurs républicains seuls acceptés dans le décompte – et Trump vainqueur par KO. Impeccable scénario de crise.

Le problème est que Trump a l’audace, le style et le tempérament d’un putschiste sans en avoir forcément l’âme. On lui prête l’intention d’attendre sagement l’intervention des élus républicains protestataires le 6 janvier. Ce jour-là, le Congrès, dans ses ors solennels, a pour mission de compter les grands électeurs attribués à chaque rival, et donc de désigner pour de bon le vainqueur. La surprise viendra-t-elle de l’extérieur, de ces 1 % qui trépignent dans l’ombre, prêts à laver l’affront ? •

 

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