La guerre est terminée. Et l’Arménie l’a perdue. Nul ne peut vraiment dire s’il s’agit d’une guerre ou d’une bataille, dans la mesure où les combats entre la minuscule mais valeureuse Arménie et ses gigantesques et dangereux voisins musulmans sont intermittents depuis la chute de Constantinople.
Le conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan date de la fin de l’URSS et a pour objet le contrôle du Haut-Karabagh, c’est-à-dire un massif montagneux peuplé d’Arméniens à 95 %, mais rattaché à l’oblast de l’Azerbaïdjan en 1921, par un Staline soucieux de diviser entre elles les jeunes Républiques communistes qui formaient le glacis de la grande dictature communiste. Même mort, le communisme empoisonne. Le sujet avait été évoqué dans un précédent numéro de Présent.
Mais contrairement au conflit de 1994, l’Arménie cette fois n’a pas été capable de gagner militairement et de repousser les Azéris dans les plaines. A l’époque, les combats se faisaient encore avec des chars et de l’artillerie, quelques hélicoptères, et c’est tout. Dans ce paradigme, les Arméniens avaient leurs chances, dans la mesure où ils se battaient sur leur terrain : non seulement ils avaient une connaissance intime des chemins et des reliefs, mais en plus leurs chaînes logistiques étaient plus courtes. Mais la donne a changé. L’Azerbaïdjan, gavé aux pétrodollars, s’est payé une armée excellemment équipée, individuellement et collectivement. Ses soldats bénéficient d’armes et de protections individuelles de qualité, et d’un service de secours efficace. Les forces spéciales de l’Azerbaïdjan ont un très bon niveau tactique. Et surtout, l’Azerbaïdjan a acheté en masse des drones, à la Turquie et Israël. Ces armes marquent une rupture technologique majeure. Sans matériel électronique coûteux, impossible de faire dévier les drones explosifs : dès lors, installer une position d’artillerie est un suicide pour le personnel qui la sert. Et sans artillerie, il est extrêmement difficile de se battre : pas de tirs de saturation contre l’infanterie, d’obus éclairants, de contrebatterie, de tirs de barrage. L’agonie pouvait commencer pour des Arméniens valeureux mais nus. Et comme nous l’avions évoqué ces dernières semaines, en plus de ces armes technologiques redoutables, la Turquie importait des mercenaires djihadistes embarqués des poches des résidus de l’Etat islamique pour servir de chair à canon devant les lignes azéries.
Cette guerre de six semaines qui se termine par une capitulation déguisée des Arméniens est porteuse de deux enseignements. Le premier est que Vladimir Poutine défend la chrétienté quand ça l’arrange. Quoi que puissent en penser certains dans notre famille politique, la Russie ne sauve que ses intérêts. Il ne s’agit pas de le lui reprocher, il s’agit d’en avoir conscience et de ne pas rêver.
Et le grand enseignement, c’est l’impéritie coupable de l’OTAN. Cette organisation avait précisément été créée pour pouvoir tenir le communisme dans ses frontières. Pour ce faire, les Américains ont érigé un glacis islamique, la fameuse « ceinture verte ». Mais cette ceinture commence à se retourner contre l’Europe. L’islam, comme système civilisationnel politico-religieux, faisait rire tout le monde au début du XXe siècle. Désormais, il fait peur. La politique étrangère de la division menée par le pays qui dirige l’OTAN comme sa milice doit impérativement être remise en question, ainsi que notre place dans cet organisme. Donald Trump avait marqué un tournant en étant le premier président des Etats-Unis à ne pas déclencher de guerre. Mais, s’il n’est pas réélu, Joe Biden reprendra le train habituel.
Que ce soit clair : c’est la Turquie qui a attaqué l’Arménie. Elle fournit l’Azerbaïdjan en armes, en mercenaires, entraîne ses soldats, et la coordonne tactiquement. Preuve, le corridor négocié entre la Turquie et l’Azerbaïdjan, dit « corridor du Nakhichevan », crée de facto une autoroute entre la mer Noire et la mer Caspienne. Une ceinture turque pour asphyxier lentement l’Arménie. Or, la Turquie est membre de l’OTAN, et notre allié. Il est odieux de constater que notre ennemi civilisationnel islamique est juridiquement notre allié. Le jour de la parution de ce journal, Recep Tayyip Erdogan se rendra à Chypre, autre terre volée par son pays aux chrétiens. La Grèce est le prochain pays de conquête de la Turquie. Or la Grèce fait également partie de l’OTAN. Cette guerre sera peut-être celle de trop pour ce simulacre d’alliance qui n’a plus le moindre sens. •
Benoît Busonier
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