Les journées médiatiques se suivent et se ressemblent : état de l’épidémie, avis de médecins, témoignages et paroles des auditeurs sur les antennes de radio. C’est justifié. Les chaînes télévisées d’information en continu donnent quant à elles la parole à des médecins et des journalistes spécialisés. Un rituel s’est instauré le soir, après la litanie effroyable des chiffres incomplets, avec toujours la même question au sujet de la chloroquine. Une différence notoire sur CNews : des éditorialistes sont invités pour donner un ton différent, ainsi Yvan Rioufol, Charlotte d’Ornellas ou Eric Zemmour. Il y a cependant un silence assourdissant depuis un mois : celui des oppositions politiques. Chacun pouvait le remarquer et se demander pourquoi. Une lettre ouverte adressée le 1er avril 2020 par Jordan Bardella, vice-président du Rassemblement national, à M. Roch-Olivier Maistre, président du Conseil supérieur de l’audiovisuel, au sujet de « l’expression démocratique pluraliste dans les médias français » donne des éléments de réponse.
Il y aurait une parole d’Etat officielle en France ?
Bardella rappelle que « dans cette période que vivent nos compatriotes, l’accès à l’information audiovisuelle est fondamental et ne saurait être remis en cause. L’unité nationale face à la crise sanitaire ne doit pas empêcher les échanges contradictoires, ne doit pas faire taire les critiques qui existent, et que partagent des millions de Français, à l’égard du gouvernement et de son action ». Il insiste : « Chaînes de télévision et radios indiquent majoritairement vouloir privilégier l’invitation de responsables politiques “aux manettes”, c’est-à-dire issus de la majorité présidentielle, ainsi que d’experts et de scientifiques. Et ce à l’exclusion de tous les autres. » Une ligne éditoriale confirmée à l’AFP par Thierry Thuillier, directeur de l’information du groupe TF1 : « Il n’y aura pas d’invités politiques car le temps est aux explications et aux éclaircissements. » Bardella ne nie pas la nécessité de l’expertise scientifique mais réfute l’exclusion de l’éclairage du politique, source finale de toute décision. A de très rares exceptions, nulle personnalité autre que LREM n’est interviewée. Et lors de son intervention, mardi 31 mars, depuis une usine de fabrication de masques du Maine-et-Loire, Macron, appelant pourtant à « la France unie » dans une peu convaincante réapparition de la figure de Mitterrand, après avoir tenté de réactiver celle du général de Gaulle, s’est montré agacé par les « critiques », confondant le débat avec le procès, la discussion avec l’accusation, le questionnement avec la mise en cause. Ce n’est pas la première fois, le président avait déjà ironisé sur son ministre de la Santé et les révélations de cette dernière au Monde. Le fait est là et il est révélateur : toute parole politique autre que celle répercutant les éléments de langage du pouvoir est rendue inaudible en France par des médias qui s’interrogent pourtant… sur la liberté de la presse en Hongrie. •
Cet article Coronavirus dans les médias : où sont passées les oppositions ? est apparu en premier sur Présent.
Extrait de: Source et auteur
Et vous, qu'en pensez vous ?