26 avril 1986 L’explosion du réacteur 4 de la centrale de Tchernobyl
Une excellente série très bien documentée sur les principaux faits réels, en 5 épisodes, expose comment cette explosion est arrivée. Une erreur de conception fondamentale de ce type de réacteur en est la cause. Les autres réacteurs atomiques du même type RBMK ont été modernisés depuis afin d’éliminer cette grossière erreur de conception (la sécurité destinée à stopper « l’emballement » d’un réacteur ne faisait qu’accentuer l’emballement lorsqu’elle était mise en œuvre et alors rien ne pouvait arrêter le réacteur jusqu’à ce qu’il finisse par exploser comme une bombe atomique… c’est exactement ce qui s’est passé à Tchernobyl).
Cette série est visible jusqu’au 22 mars seulement (ensuite, il faudra l’acheter pour pouvoir la visionner).
Pour comprendre l’essence de cette catastrophe, il suffit de regarder le 5ème épisode ci-après, la partie du procès des responsables de la centrale au moment de l’explosion (depuis la 38ème minute et jusqu’à la fin).
1er épisode
01:23:45
« Le professeur Legasov (un grand ponte du nucléaire soviétique) enregistre ses mémoires sur des cassettes puis se donne la mort deux ans après la catastrophe de Tchernobyl. Le 26 avril 1986, un test de sécurité mené sur le réacteur 4 de la centrale de Tchernobyl conduit à l'explosion du cœur du réacteur RBMK. Mais Anatoly Dyatlov qui dirige alors l'équipe chargée de mener à bien le test refuse de voir la vérité en face et prétend qu'il s'agit seulement de l'explosion d'un réservoir de refroidissement. »
https://www.rts.ch/play/tv/chernobyl/video/012345-vfvo-episode-15---saison-mini-serie?id=11103820
2ème épisode
Veuillez garder votre calme
« Ulana Khomyuk, une physicienne nucléaire, détecte une radioactivité importante à Minsk et décide de mener une enquête discrète. Le professeur Legasov et Boris Shcherbina assistent à une réunion présidée par Gorbatchev. Legasov explique que le cœur a forcément explosé puisqu'on a trouvé des morceaux de graphite autour de la centrale. Gorbatchev décide de l'envoyer sur place en compagnie de Shcherbina. Là, ils découvrent ensemble l'ampleur de la catastrophe... »
3ème épisode
Que la terre s’ouvre !
« Lyudmilla arrive à voir son mari à l'hôpital. On lui accorde une demi-heure avec lui, avec interdiction de le toucher. Bien sûr, elle y passe beaucoup plus de temps et touche son mari. Le professeur Legasov se rapproche du vice-président Tcherbina et ils travaillent ensemble à la résolution de l'après-accident. L'eau du réacteur est asséchée, mais la dalle de béton va s'effondrer dans les semaines qui viennent, il faut trouver une solution. »
4ème épisode
Le bonheur de toute l'humanité
« Quatre mois après l'explosion, l'évacuation de la région de Tchernobyl bat son plein. Des gens ont été réquisitionnés pour s'occuper de la liquidation, abattre les chiens, inhumer la terre contaminée. Tout le monde vit dans des camps de fortune et porte des protections de fortune. L'enquête avance. De toute évidence, il y avait un défaut dans le déclenchement de l'arrêt manuel du réacteur, mais qui était au courant ? Comment se fait-il qu'on n'ait pas dit aux opérateurs que la procédure normale était dangereuse ? »
5ème épisode
Vechnaya Pamyat
« Au procès des responsables de la catastrophe, Shcherbina, Khomyuk et Legasov viennent tour à tour expliquer le fonctionnement d’une centrale nucléaire et les raisons qui ont conduit à l’explosion du réacteur 4 de la centrale de Tchernobyl… »
***
Ci-après, la retranscription de la partie centrale du procès qui s’est tenu pour juger les responsables de l’explosion du réacteur nucléaire de Tchernobyl puis du dialogue qui s’est déroulé dans la cellule de détention entre Alexei Legasov (AL) et un grand ponte du Parti (ou du KGB ?) dont les interventions figurent sous ’PC’.
Après que AL a expliqué à toute l’audience du tribunal pour quelles raisons le réacteur de Tchernobyl était dangereux par nature, il lui est demandé pour quelles raisons on a tout de même construit de tels réacteurs en URSS.
AL : Pourquoi ?
Pour la même raison que nos réacteurs n’ont pas d’enceinte de confinement comme à l’Ouest.
Pour les mêmes raisons que nous n’utilisons pas un combustible correctement enrichi.
Pour la même raison que nous sommes les seuls à fabriquer des réacteurs refroidis à l’eau et modérés au graphite avec un coefficient de vide positif.
C’est moins cher.
La première chose à entrer dans le cœur sont les extrémités en graphite, ainsi la réactivité qui ne faisait déjà qu’augmenter atteint des sommets.
Les dernières molécules d’eau à l’état liquide se transforment en vapeur instantanément. Elles se dilatent et font éclater des tubes de force. Les barres de contrôle au sein de ces tubes ne peuvent plus bouger. Les extrémités en graphite sont bloquées et accélèrent indéfiniment la réaction. Le réacteur 4 de Tchernobyl est maintenant une bombe nucléaire. […] Le réacteur de Tchernobyl conçu pour fonctionner à 3200 mégawatts est monté à plus de 33'000.
La pression dans le cœur ne peut plus être retenue. Nous voici enfin arrivé à 1 h 23 et 45 secondes. C’est l’explosion.
[…] Aucune des personnes présentes ne savait que le bouton d’arrêt d’urgence se transformait en détonateur. Ils l’ignoraient car on le leur avait caché.
Le Président : Camarade Legasov, vous êtes en contradiction avec votre propre témoignage à Vienne.
AL : Le témoignage à Vienne était un mensonge. J’ai menti au monde entier. Je ne suis pas le seul à avoir gardé ce secret. Nous suivons les ordres du KGB, du Comité Central… et en ce moment il y a 16 réacteurs en URSS qui ont exactement le même défaut. Trois d’entre eux sont toujours en marche à moins de 20 kilomètres d’ici, à Tchernobyl.
Le Président : Professeur Legasov, si vous suggérez que l’État est responsable de ce qui s’est passé, alors je vous avertis, vous êtes en terrain dangereux…
AL : Je suis déjà en terrain dangereux. Nous sommes tous en terrain dangereux à cause de nos secrets et de nos mensonges. Ce sont eux qui nous définissent. Lorsque la vérité nous gêne, nous mentons jusqu’à l’occulter complètement mais elle reste toujours là. Chaque mensonge que nous proférons accroît notre dette envers elle. Tôt ou tard, cette dette sera payée. Voilà ce qui a fait exploser le cœur d’un réacteur RBMK. Les mensonges.
AL est alors immédiatement conduit en cellule. Il y est rapidement rejoint par un membre influent du Parti communiste (PC) qui le nargue et veut le démolir complètement.
[…]
PC : Alexei Legasov, à l’institut Kurchatov vous étiez le secrétaire du parti communiste, vous avez freiné les promotions des scientifiques juifs ?
AL : Oui.
PC : Pour vous attirer les faveurs des responsables du Kremlin.
Vous êtes l’un des nôtres, Legasov.
Je peux faire de vous ce que je veux. Mais ce que je désire le plus, c’est que vous sachiez que je sais que vous n’êtes pas courageux. Vous n’êtes pas héroïque, vous êtes un homme mourant (il a été gravement irradié à Tchernobyl) qui s’est perdu en chemin.
AL : Je sais qui je suis, et ce que j’ai fait. Dans un monde normal, on m’aurait tué pour mes mensonges, pas pour avoir dit la vérité.
PC : Les scientifiques et votre stupide obsession de vouloir tout comprendre !
Quand une balle entre dans votre crâne, ça change quoi de savoir pourquoi ?
Personne ne va être exécuté, Legasov. Le monde entier vous a vu à Vienne, ce serait embarrassant de vous tuer. Et pourquoi ?
L’État réfutera votre témoignage d’aujourd’hui, qui ne sera pas repris dans la presse. Comme si ce n’était jamais arrivé. Non, vous allez vivre le temps qui vous reste, mais pas en tant que scientifique. Plus maintenant. Vous garderez votre titre et votre bureau, mais sans aucune prérogative, aucun pouvoir, aucun ami. Personne ne vous parlera, personne ne vous écoutera. D’autres hommes moins brillants se verront attribuer les mérites pour ce que vous avez accompli. Votre héritage leur appartient désormais. Vous vivrez assez longtemps pour le voir.
PC : Quel rôle a joué Shcherbina dans tout cela ?
AL : Aucun. Il ignorait ce que j’allais dire.
PC : Quel rôle a joué Khomyuk dans tout cela ?
AL : Aucun. Elle aussi l’ignorait.
PC : Après tout ce que vous avez dit et fait aujourd’hui, il serait vraiment curieux que vous choisissiez ce moment pour mentir.
AL : J’imagine qu’un homme de votre expérience reconnaît un mensonge quand il en entend un.
PC : Vous n’aurez plus jamais aucun contact avec l’un ou l’autre. Vous ne parlerez plus jamais de Tchernobyl à personne. Vous allez devenir si invisible au monde que lorsque vous finirez par mourir, il sera difficile d’affirmer que vous aurez jamais vécu.
AL : Et si je refuse ?
PC : Pourquoi s’inquiéter de quelque chose qui n’a aucune chance d’arriver ?
AL : Pourquoi s’inquiéter de quelque chose qui n’a aucune chance d’arriver ?
Ah, c’est parfait. Ils devraient écrire cela sur nos billets de banque.
PC quitte la cellule du prisonnier sans rien dire et AL est emmené sous escorte policière dans une voiture qui s’en va.
***
Le film se poursuit en montrant diverses images et en affichant en surimpression diverses sentences :
« Être scientifique c’est être naïf. Nous sommes tellement concentrés sur notre recherche de la vérité que nous ne voyons pas que bien peu de gens veulent réellement que nous la trouvions. Pourtant, elle est toujours là, quelque part, que nous la voyions ou non. Que nous choisissions de la dire ou non. La vérité se moque de nos besoins, de nos désirs, elle se moque de nos gouvernements, de nos idéologies, de nos religions. Elle reste là à attendre pour l’éternité. Et ceci est le cadeau que nous a offert Tchernobyl.
Il fut un temps où je craignais d’avoir à payer le prix pour la vérité.
Aujourd’hui, je demande seulement : Combien coûteront nos mensonges ? »
« Legasov se suicida à l’âge de 51 ans, le 26 avril 1988, deux ans jour pour jour après l’explosion de Tchernobyl. »
« À la suite de sa mort, les responsables soviétiques finirent par reconnaître les défauts de conception des réacteurs nucléaires RBMK. »
« Les régions contaminées d’Ukraine et de Biélorussie, connues sous le nom de Zones d’Exclusion, s’étendent sur une superficie totale de 2600 kilomètres carrés. »
« On ne connaîtra jamais le véritable coût humain de Tchernobyl. La plupart des estimations se situent entre 4'000 et 93'000 morts.
Le nombre officiel de victimes reconnu par l’Union Soviétique et inchangé depuis 1987… est de 31. »
Gorbatchev écrivit en 2006 : « La catastrophe de Tchernobyl… fut peut-être la véritable raison de l’effondrement de l’Union Soviétique »
Page de l’émission : https://www.rts.ch/play/tv/emission/chernobyl?id=10895499
Notre commentaire : jamais on n’a vu le communisme aussi bien résumé.
***
P.S. Une autre manière de courir à la catastrophe avec un réacteur nucléaire :
11 mars 2011, explosion du réacteur de Fukushima.
En fait, un audit externe portant sur la sécurité du réacteur nucléaire de Fukushima avait signalé la vulnérabilité de ce réacteur à un tsunami… mais les responsables japonais ayant demandé l’audit n’en avaient pas tenu compte.
***
Résumé, transcription et commentaires : Cenator
Les Humains ne respectent rien, même pas la Nature !
Sans Elle, pas d’Humains !
Soyons humbles et reconnaissons notre petitesse …
Tant que le monde et dirigé par des $$$$, on ira dans le mur !
Tchernobyl Fukushima – “Quelles leçons en retenir” : ne sommes-nous pas au-delà du point ou les enseignements à retenir face à ces catastrophes et à la présence de bientôt 500 centrales nucléaire (et leur gigantesques dépôts de déchets radioactifs) se trouvent dépassés par les conséquences ineffaçables qu’elles induisent sur toute notre Planète ? Une source de vertige à la mesure de la situation démographique – huit milliards de procréateurs-consommateurs enthousiastes. D’autres ne gasrdent plus que le silence, et parfois un intervalle d’expression bienfaisant, grâce à ce site-ci…
Durant le procès, l’audience est suspendue pour 30 minutes et BC, gravement irradié par l’explosion du réacteur de Tchernobyl, s’entretient, seul à seul, avec Alexei Legasov (AL). Voici, après un mot de présentation concernant les deux intervenants, le dialogue qu’ils ont tenu :
– Boris Evdokimovitch Chtcherbina (BC), vice-Premier ministre et chef du Bureau des combustibles et de l’énergie.
– Alexei Legasov (AL) professeur spécialisé en énergie nucléaire civile.
BC explique qu’à Tchernobyl, avant la construction de la centrale nucléaire, il y a eu des Juifs, liquidés lors de pogroms, des Polonais, liquidés par les nazis, puis de nouveaux arrivants ayant participé à la création de la centrale nucléaire.
BC (énonçant une vérité que la vie lui a apprise): Les gens pensent tous qu’ils y échapperont.
Et nous y voilà dit BC en montrant son mouchoir taché du sang qu’il crache régulièrement du fait de son cancer.
AL : Combien de temps ?
BC : Peut-être un an… Ils appellent ça une longue maladie. Je ne trouve pas ça très long, moi.
Vous me l’aviez dit mais je ne vous avais pas cru. Mais le temps a passé et j’ai cru… que j’aurais de la chance. Je l’ai gâché. Je l’ai gâché pour rien.
AL : Pour rien ?
BC : Vous vous souvenez du matin où je vous ai appelé ?
À quel point j’étais indifférent ?
Je ne fais pas beaucoup confiance au Kremlin mais ils m’ont nommé responsable du nettoyage. Ils ont dit que ce n’était rien et je les ai cru. Vous savez pourquoi ?
AL : Parce qu’ils vous avaient nommé responsable.
BC : Je suis un homme sans importance. Je l’ai toujours été. J’espérais devenir important mais ce n’est pas arrivé. Je me suis contenté d’accompagner des gens qui l’étaient.
AL : Il y a d’autres scientifiques comme moi. N’importe lequel aurait pu faire tout ça. Mais vous. Tout ce que nous avons demandé, tout ce dont nous avons eu besoin… les hommes, le matériel, les astromobiles…
Qui d’autre aurait pu nous l’obtenir ?
BC : On m’entendait mais c’est vous qu’on écoutait.
AL : De tous les ministres, de tous les vice présidents, de toute cette congrégations d’imbéciles obéissants, ils ont envoyé par erreur le seul homme bien. Bon sang Boris ! C’est vous qui avez fait la différence.
(fin de ce dialogue suivi de la reprise de l’audience)