On aimerait que de vrais hommes de science s’expriment enfin sur la manière dont la science est traînée dans la boue par des dénonciateurs qui n’ont pas le courage d’assumer leur discours et qui s’abritent derrière une soi-disant scientificité pour salir ceux qu’il n’aiment pas. Il leur suffirait de signaler l’existence de la physique quantique. Hélas, Roger Deneys ne comprendrait pas. Candidat au Conseil d’Etat, sera-t-il élu ? Probablement puisqu’il ne dit rien tout en salissant.
Dire quelque chose, c’est dangereux. Toute proposition renvoie à quelqu’un qui parle et s’expose. Toute proposition fait exister celui qui parle. Tout énoncé oblige à sortir en pleine vue des autres. Gênant et même dangereux. Surtout quand on veut s’attaquer à quelqu’un ? Comment attaquer sans s’exposer ?
Y aurait-il une façon de parler permettant de ne pas s’exposer ? Pourrions-nous ouvrir la bouche sans jamais énoncer une proposition qui nous distingue des autres ? N’être personne, un homme sans qualités, comme disait l’écrivain Robert Musil, ne serait-ce pas beaucoup mieux ? Pas d’attaque personnelle, la tranquillité devant la TV, des voyages sans souci. Vivons cachés pour vivre heureux, telle était la formule attribuée autrefois aux banquiers genevois. Elle a eu beaucoup de succès. Aujourd’hui, il y a beaucoup d’individus qui vivent cachés et ne disent rien. Ce n’est pas très démocratique puisqu’un démocrate prend courageusement la parole en public, mais passons.
Nombreux sont ceux qui doivent tout de même parler, et parler en public. Nombreux sont ceux qui veulent s’attaquer à un adversaire, dire du mal de lui sans le dire. Et ils veulent en même temps rester cachés. Leur problème est donc de dire quelque chose tout en ne disant rien. Banquiers, hommes d’affaire, journalistes et surtout, politiciens, se lèvent tous les matins en sueur. Ils ont eu un cauchemar : ils se voyaient parler et prendre position. Surtout pas, grands dieux ! Prendre position, c’est courir le risque d’être accusé de partialité, d’être stigmatisé comme un sinistre lobbyiste des riches, des pauvres, des jeunes, des vieux, des immigrés ou des « souchiens ». Ce serait l’horreur. En démocratie, il faut parler au nom de tous et s’adresser à tous. Comment faire ? C’est qu’aujourd’hui, il n’y a plus de peuple à qui parler, mais une sibylline kyrielle d’avis, d’opinions ou de préjugés. Une telle kyrielle, comment l’entendre ou s’adresser à elle ? Toute l’habileté d’un politicien, aujourd’hui, consiste donc à ouvrir la bouche sans suggérer qu’il a une opinion ou position particulière et sans s’adresser à telle ou telle partie de la population. S’il le faisait, il serait accusé d’être réactionnaire, fasciste. Il doit parler pour ne vraiment plus rien dire et pour être considéré comme un vrai démocrate. Très difficile de rester démocrate. Il faut quotidiennement faire des exercices funambulesques pour se prouver, à soi et aux autres, qu’on ne dit rien. Ces exercices permettent de distinguer entre ceux qui sont doués et ceux qui ne le sont pas. Les plus doués sont ceux qui ne disent plus rien du tout, tout en jouant des mandibules. Eux sont élus.
La scientificité leur vient en aide. Elle est un paravent magique derrière lequel ils peuvent se dissimuler. Et surtout, elle leur permet d’attaquer leurs adversaires sans prendre eux-mêmes position, sans les attaquer, en les désignant à peine. Les critères scientifiques, rien de tel pour dégommer un opposant politique, un enseignant incorrect, un collègue gênant. Rien de tel que la scientificité pour lancer une campagne de purification idéologique tout en se présentant comme l’humble et effacé servant du progrès, du bien et de la tolérance universelle. Il faut éliminer un gêneur au nom du vivre ensemble préparé par tous dans le plus strict respect de critères scientifiques et de la paix universelle. Les petits soldats des lendemains qui chantent s’abritent donc derrière le drapeau de la scientificité. Comment en sont-ils arrivés là ?
C’est dû à la nature du « discours » scientifique qui n’est tel qu’à condition que celui qui le tient ne soit personne. Un scientifique est une entité sans subjectivité, un être sans attache particulière, un esprit universel. Si un savant disait qu’à son avis, l’équation de la chute des corps dans le vide est vraie, il provoquerait immédiatement un grand rire et serait exclu de la communauté scientifique. Ce n’est donc pas lui qui dit que telle ou telle proposition est vraie. Ce n’est pas lui qui parle. C’est seulement si ce n’est pas lui qui parle qu’il sera reconnu comme un expert sérieux, un vrai chercheur. Le discours scientifique ne provient de personne et ne s’adresse d’ailleurs à personne. En recourant à la scientificité, les bien-pensants, ne disent pas eux-mêmes que tel ou tel est politiquement incorrect, gênant, voire maléfique. Abrités derrière la plus stricte scientificité, ils peuvent attaquer sans s’exposer. Très pratique ! Les drapeaux de la scientificité se multiplient dans les imposantes manifestations du politiquement correct.
Les exemples de politiciens prétendant tenir un discours scientifique abondent. A Genève, nous en avons eu un admirable avec les accusations portées contre Uli Windisch. Un petit soldat du socialisme scientifique, Roger Deneys, élu au Grand conseil, a déclaré d’emblée devant le législatif de ce canton, que ce professeur d’Université avait « des prises de position publiques qui manquent singulièrement de références scientifiques ». Dès lors, selon cet élu, Uli Windisch n’est plus un « garant scientifique » de l'Académie qui l'emploie. Il va sans dire qu’aux yeux de ce petit soldat, Jean Ziegler, professeur de l’Université de Genève, est un vrai garant de la scientificité de l’Académie genevoise.
On aimerait que de vrais hommes de science s’expriment enfin sur la manière dont la science est traînée dans la boue par des dénonciateurs qui n’ont pas le courage d’assumer leur discours et qui s’abritent derrière une soi-disant scientificité pour salir ceux qu’il n’aiment pas. Il leur suffirait de signaler l’existence de la physique quantique. Hélas, Roger Deneys ne comprendrait pas. Candidat au Conseil d’Etat, sera-t-il élu ? Probablement puisqu’il ne dit rien tout en salissant.
Jan Marejko, 8 septembre 2013
Merci Monsieur Marejko! Le pamphlet agressif contre Monsieur Windisch est cousu de fil blanc. Il faut dire que j’ai été formé par l’école de ce vieux réactionnaire de grand papa. Mais, rassurons-nous! Deux victimes de la pédagogie scolaire au moins n’ont pas été formatées, et même leurs intelligences en ont été affermies.
Le garçon, par exemple, âgé de douze ans, identifie et décrit en quelques mots lapidaires, les relations incestueuses d’une famille. En dépit de la piteuse éducation sexuelle. Stupéfait je n’ai pas noté!
Mais le Candidat médisant est un pur produit de la tyrannie du bien! Le mal lui étant interdit il n’a que des expédients à disposition! Il lui est interdit, c’est engrammé en lui comme dans un chien de Pavlov, de dire: “je vous déteste”! Je vous hais. C’est d’autant plus interdit qu’il ne sait pas pourquoi il déteste Monsieur Windisch! Il ne peut avouer cette ignorance! Il convoque donc la Science! La science infuse donc, celle qui est de droit divin! Qu’il invoque donc la dernière édition du DSM!
Dans JE vous déteste, vous hais, vous méprise, il y a JE. Et si vous me demandez pourquoi, JE est mis en demeure de répondre. Donc de chercher! Au risque de ne rien trouver, si ce n’est des pacotilles. JE dois donc prendre le risque de me découvrir tel que je suis, rien qu’un homme! Ce qui est, convenons-en, déjà pas mal!