Le frère de l’auteur de l’attentat du pont de Londres dit qu’il le surveillait

Saad Butt, frère de Khuram Butt, dit qu’il regrette de ne pas avoir contacté la police.

Article de Haroon Siddique 

Khuram Butt et ses deux complices ont tué huit personnes en fauchant des piétons avec leur camionnette, puis en agressant des passants au couteau, le 3 juin 2017.

Son frère a expliqué que s’il ne l’a pas dénoncé à la police c’est parce qu’il pensait pouvoir le surveiller lui-même, mais il a reconnu qu’il aurait dû.

Son frère aîné, Saad Butt, dans son témoignage lors des enquêtes, a expliqué qu’il pensait pouvoir surveiller son frère grâce à sa propre expérience en matière de contre-extrémisme. Il a dit devant le tribunal Old Bailey de Londres qu’en tant que membre du Young Muslims Advisory Group (Groupe consultatif sur les jeunes musulmans), il participait au programme Prevent, avait conseillé des policiers et même représenté le gouvernement britannique lors d’un voyage au Pakistan.

On lui a demandé pourquoi il n’avait pas dénoncé son frère après avoir découvert qu’il avait l’intention d’emmener sa famille en Turquie, apparemment pour passer la frontière avec la Syrie. Il a répondu : "Je me sentais capable de garder l’œil sur lui, de rester en contact et de faire de mon mieux pour m’assurer qu’il n’aille pas du tout dans cette direction. Je me sentais compétent pour le faire grâce à mon expérience."

Butt a dit qu’il voyait son frère chaque semaine, qu’ils dînaient en famille à tour de rôle chez l’un et chez l’autre, et qu’il contestait ses opinions. Il a dit que son frère réfléchissait et n’arrivait pas à contrer ses arguments.

Butt, éducateur  (youth worker), a d’abord affirmé que c’était la bonne décision de surveiller son frère lui-même. Toutefois, quand l’avocat des victimes lui a demandé s’il n’aurait pas mieux fait d’appeler la ligne directe antiterroriste, il a répondu : 

"A la réflexion... oui, absolument, mais sur le moment je pensais faire le mieux que je pouvais... Il avait des discussions plutôt positives avec moi pour chercher du travail."

M. Butt a dit aussi que lorsque la police antiterroriste a perquisitionné la maison de son frère en octobre 2016 dans le cadre d’une enquête pour escroquerie, il s’était senti soulagé de le savoir dans le radar de la police. C’est aussi pour cela qu’il n’avait pas dénoncé son frère, même après avoir appris qu’il avait exprimé des opinions anti-occidentales, qu’il avait été exclu d’une mosquée et qu’il avait partagé une image d’enfants décapités sur un groupe WhatsApp. (!!!)

Butt a dit qu’il avait réprimandé son frère mais a ajouté : "Je me sentais rassuré à l’époque... qu’il y ait la police derrière. Je n’avais pas la moindre idée de me dire que les indices s’accumulaient."(traduction sans garantie)

Son échec à stopper son frère est pour lui un "échec collectif" : "Après cette perquisition, je n’aurais rien pu ajouter d’utile."

Butt était même présent à une réunion chez son frère à la mi-mai 2017, la veille du jour où son complice Rachid Redouane a acheté les couteaux utilisés pour l’agression. Butt se souvient avoir été choqué quand "un de ceux qui faisaient un barbecue a enfoncé une broche dans la viande en disant : "C’est comme ça qu’on étripe un kouffar."

En larmes en se souvenant du moment où il a compris que son frère était impliqué dans l’attentat, Butt a raconté un rêve qu’il avait fait de lui à la mi-avril. "Il est arrivé le visage rasé avec une ceinture d’explosifs et les lèvres bleues et au moment où il était sur le point d’exploser, je l’ai embrassé pour les sauver, lui et les autres ", a-t-il dit à la cour.

Quand on lui a demandé pourquoi, à son avis, son frère avait commis cette atrocité, Butt a répondu : "Politique étrangère", ajoutant : "Nous venions du même ventre, mais nous étions des frères différents."

Il a lu une déclaration au nom de sa famille, exprimant leur chagrin "du fond du cœur" au sujet de ceux qui ont été tués ou mutilés ou qui ont perdu des êtres chers, et disant qu’ils pensaient à eux tous les jours.

"Si je pouvais revenir en arrière, j’échangerais ma place avec vous, même si je devais y laisser ma vie," a-t-il dit.

Khuram Butt, 27 ans, Redouane, 30 ans, et Youssef Zaghba, 22 ans, ont tué Chrissy Archibald, 30 ans, du Canada ; Sébastien Bélanger, 36 ans, chef cuisinier ; Kirsty Boden, 28 ans, infirmière australienne ; Ignacio Echeverría Miralles De Imperial, 39 ans ; James McMullan, 32 ans, le seul Britannique, originaire de Brent, au nord-ouest de Londres, Alexandre Pigeard, 26 ans, serveur français, Xavier Thomas, 45 ans, de nationalité française et Sara Zelenak, 21 ans, de nationalité australienne.

Les enquêtes se poursuivent.

Source : The Guardian, 7 juin 2019
Traduction Cenator

Rappels :
Une camionnette fonce dans la foule sur le London Bridge, plusieurs piétons fauchés
Londres: Le matin de l’attaque, les terroristes ont tenté de louer un camion de 7,5 tonnes
Attentat du 3 juin 2017 à Londres – Wikipédia