Le 1er avril 1939, le général Franco, commandant en chef du camp national, signait en ces termes l’acte de fin d’une guerre civile qui avait éclaté près de trois ans plus tôt avec le soulèvement militaire lancé les 17 et 18 juillet 1936 : « En ce jour, l’Armée rouge étant captive et désarmée, les troupes nationales ont atteint leurs ultimes objectifs militaires. La guerre est terminée. »
Quatre-vingts ans après, le bilan des responsabilités et des crimes commis de part et d’autre continue de nourrir les polémiques en Espagne, tandis que la loi mémorielle adoptée sous le gouvernement Zapatero en 2007 et jamais abrogée par son successeur Mariano Rajoy malgré ses promesses électorales conduit à des absurdités là où gouverne une certaine gauche qui n’a toujours pas digéré la défaite du Front populaire et qui se réfère à une mythique république perdue que ce même Front populaire contribua pourtant grandement à détruire.
C’est ainsi qu’à l’automne dernier la « députation » (conseil général) de La Coruña, en Galice, décidait d’enlever à un lycée le nom de son patron, José Calvo Sotelo, en application de la loi de « mémoire historique » zapateriste. Pour les socialistes et d’autres groupes gauchistes et régionalistes, l’ancien chef du parti monarchiste Rénovation espagnole, dont les idées s’étaient inspirées de celles du Français Charles Maurras, serait « considéré comme un des responsables du soulèvement militaire du 18 juillet 1936 ». En réalité, c’est l’enlèvement du député Calvo Sotelo par un groupe de membres des milices socialistes accompagné d’un garde civil lui aussi socialiste, puis son assassinat par ce dernier dans la nuit du 12 au 13 juillet 1936, qui fut l’élément déclencheur d’un soulèvement militaire qui se préparait déjà depuis quelques mois, et que le président Azaña et le Premier ministre Casares voulaient laisser éclater afin de mieux l’écraser. Ceci devait donner au Front populaire une excuse pour en finir définitivement avec les droites espagnoles et avec l’alternance démocratique. Car ce Front populaire n’était pas constituéque de républicains de gauche. Il était surtout dominé par les révolutionnaires de type anarchistes libertaires, anarcho-communistes, socialistes marxistes-léninistes du PSOE et communistes inféodés à l’URSS de Staline, le tout soutenu par les séparatistes catalans et basques.
Une guerre entre dictateurs et démocrates ?
La guerre d’Espagne n’était donc pas vraiment la guerre entre nationalistes partisans de la dictature militaire et républicains démocrates que l’on nous présente généralement en France. Cette lecture de l’histoire est d’autant plus fausse que les mêmes partis qui constituèrent le Front populaire en février 1936 avaient tenté à l’automne 1934 de renverser, par les révoltes armées et les grèves, le gouvernement démocratique constitué par les droites, sous prétexte de l’entrée au gouvernement centriste du parti conservateur CEDA qualifié de « fasciste » par les gauchistes de l’époque. Comme quoi, la rhétorique n’a pas vraiment changé depuis, et la CEDA n’avait en réalité rien d’un parti fasciste, contrairement à la Phalange, alors marginale, et qui elle-même, si elle était la plus proche du fascisme de toutes les droites espagnoles de l’époque, adhérait en réalité à une idéologie plus autoritaire et national-catholique que fasciste – et donc totalitaire – au sens italien, et sans l’aspect raciste propre aux nationaux-socialistes allemands.
Quoi qu’il en soit, ce sont les exactions des milices gauchistes contre les catholiques et contre les droites, permises à partir de février 1936 par le gouvernement et encouragées à la tribune du Parlement par les députés du Front populaire, qui entraînèrent un affaiblissement de la CEDA légitimiste de même que du Parti radical centriste et républicain (et aussi maçonnique) en faveur de la Phalange plus radicale et ouvertement antirépublicaine. Gil-Robles, le leader de la CEDA et ministre de la Guerre en 1935, fut lui aussi ciblé par les miliciens qui assassinèrent Calvo Sotelo et il ne dut la vie sauve qu’au fait d’avoir été absent de chez lui ce jour-là.
Relectures
Plusieurs historiens, tels l’Américain Stanley Payne ou l’Espagnol Pío Moa, remettent aujourd’hui en cause la théorie selon laquelle la IIe République espagnole (1931-1936) aurait été démocratique jusqu’à la fin. Si cette vision d’une IIe République et d’un Front populaire démocratiques a su s’imposer pendant un temps, c’est parce que la gauche, qui avait perdu le combat militaire, a su ensuite remporter le combat culturel, notamment depuis la transition démocratique permise par Franco qui avait souhaité la restauration monarchique aprèssa mort. Francisco Franco était un catholique et un monarchiste, mais il était aussi légaliste, et c’est pourquoi il avait loyalement servi la IIe République de 1931 à 1936 et avait pendant cette période repoussé plusieurs appels au coup d’Etat militaire. Et s’il est vrai que le régime de Franco en place depuis 1939 était une dictature autoritaire (mais pas fasciste), la victoire du camp national a en revanche évité à l’Espagne un régime totalitaire modelé sur la dictature soviétique de l’époque. On a beaucoup reproché à Franco le soutien dont il avait bénéficié dans la conduite de la guerre de la part de l’Italie fasciste et de l’Allemagne nazie, mais ceux d’en face avaient eu droit à un soutien bien plus important encore de l’URSS stalinienne.
Dans le livre Los Mitos de la guerra civil (Les Mythes de la guerre civile), l’historien Pío Moa cite les propos tenus le 20 mars 1976, cinq mois après la mort de Francisco Franco mais avant la transition démocratique qui allait suivre sous l’impulsion du roi Juan Carlos (le Premier ministre franquiste Carlos Arias Navarro dirigeait toujours le gouvernement), par l’écrivain et dissident russe Alexandre Soljenitsyne, lors d’une interview à la télévision espagnole : « Vos progressistes appellent dictature le régime en vigueur en Espagne […]. Cela fait dix jours que je voyage en Espagne […] et j’ai été très étonné. Savez-vous ce qu’est une dictature ? […] Si nous avions la liberté dont vous jouissez ici, nous en resterions bouche bée […]. » Ces propos, ainsi que rapporte l’historien, suscitèrent la rage de l’opposition espagnole de l’époque. Juan Benet, un intellectuel antifranquiste, réagit alors ainsi dans une revue chrétienne progressiste marxisante : « Je crois fermement que tant qu’il existera des gens comme Alexandre Soljenitsyne, les camps de concentrations resteront en place et doivent le rester. Peut-être devraient-ils être mieux gardés pour que les gens comme Alexandre Soljenitsyne ne puissent pas en sortir avant d’y avoir acquis un peu d’éducation. »
Photo : Le mausolée des morts de la guerre d’Espagne de la « vallée de ceux qui sont tombés », d’où le gouvernement socialiste actuel voudrait retirer la sépulture de Franco.
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Extrait de: Source et auteur
Franco a été un grand catholique, un modèle pour les intégristes de tout bord ! Il fut également un grand criminel de guerre, vainqueur grâce à un puissant allier, aussi fan de démocratie que lui…un peu plus au Nord !