À l'heure des fake news et de l'information en continu, il est urgent de se replonger dans les écrits de l'un des plus grands penseurs de la société contemporaine, explique notre journaliste Mickaël Fonton.
On ne devrait jamais cesser de lire Raymond Aron. À une époque où la pensée se fait hasardeuse, approximative et partiale, à une époque où, pour reprendre la belle formule d’Alfred Sauvy, « il s’est créé entre les hommes et les choses un vide inquiétant », il faudrait même le relire de toute urgence. On ne saurait donc trop se réjouir de la publication, par les Éditions de l’Observatoire, de l’Abécédaire de Raymond Aron qui offre de se plonger à loisir dans les écrits de celui qui fit profession d’honnêteté, de lucidité, de clairvoyance.
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On pense aussi, évidemment, à l’auteur de l’Opium des intellectuels, qui, en 1955, scella le désamour entre Aron et son époque, cette époque qui pensait qu’il valait mieux avoir tort avec Sartre que raison avec lui - et qui, pour reprendre le clin d’œil malicieux de Jean-François Revel, changera tant de regard qu’elle finira par être flattée d’avoir tort avec Aron, quand il arrivera à celui-ci de se tromper ! Pour Aron, l’Opium des intellectuels fut plus qu’une déclaration de guerre à l’intelligentsia germanopratine, ce fut un cri de rage. [...]... au sortir d’un conflit planétaire atrocement meurtrier, tant d’hommes puissent succomber de nouveau aux sirènes des idéologies, car ils voulaient croire « qu’un totalitarisme était bon parce qu’il se réclamait d’une doctrine qui en elle-même est noble, généreuse, rationaliste, humanitaire ». [...]
Les observations de Raymond Aron sur le joli mois de mai allèrent, comme souvent, droit au but : une révolution où l’on renversait une Constitution parce que les étudiants avaient le désir de se distraire et de palabrer indéfiniment.
[...] Les observations de Raymond Aron sur le joli mois de mai allèrent, comme souvent, droit au but. « Une révolution où l’on renversait une Constitution parce que les étudiants avaient le désir de se distraire et de palabrer indéfiniment. »
Une désinvolture adolescente à laquelle s’ajoutait, là encore, une bonne dose d’hypocrisie. « Dans cette protestation contre la société de consommation, est-ce qu’il n’y avait pas aussi une révolte un peu puérile des enfants gâtés de la bourgeoisie qui possédaient déjà les biens, qui méprisaient les biens qu’ils possédaient, et qui oubliaient que la masse de la population en est encore à obtenir ces biens qui leur sont off erts avec tant de facilité ? » Tout était dit.
Tout était dit, surtout, de l’époque dont allait accoucher Mai 68, c’est-à-dire la nôtre. « Si la morale des Occidentaux est maintenant la morale du plaisir, du bonheur des individus et non pas la vertu du citoyen, alors la survie est en question », prophétisait Aron dans le Spectateur engagé (1981). Plus profondément encore, il constatait que « la liberté se défi nit dans nos sociétés par le refoulement du principe de réalité et la libération du principe de plaisir, la libération d’eros » . Le bon plaisir de l’individu roi, de son désir, contre toute réalité : des lignes qui semblent avoir été écrites pour commenter l’actualité sociétale, où PMA et GPA avancent doucement leurs pions. Aron n’employait pas le mot de « survie » à la légère : « La civilisation de jouissance se condamne elle-même à la mort lorsqu’elle se désintéresse de l’avenir », écrivait-il ainsi dans Plaidoyer pour l’Europe décadente, en 1977.
[...] « Une société vouée au changement ne se compare pas au passé, elle se mesure à ses ambitions », notait-il.
De notre époque, il avait aussi vu venir l’ingratitude, (« Notre passé grandiose nous sera à charge si nous cessons d’en être dignes »), l’inculture satisfaite, qu’il prenait très au sérieux. « J’ai eu tendance souvent à penser que l’ignorance et la bêtise sont des facteurs considérables de l’histoire » , commentait-il. [...]
« Une société vouée au changement ne se compare pas au passé, elle se mesure à ses ambitions, notait-il. Technique et futuriste, elle se condamne elle-même à l’insatisfaction. » Et aussi, plus pertinent encore : « Les triomphes de la science ont dépassé les prévisions les plus enthousiastes, mais ni la sagesse, ni la paix, ni la dignité n’en ont tiré profit. » Ah oui, il faut méditer Raymond Aron.
Que dire, encore ? Observateur-né, il eut, toute sa vie, la passion du journalisme.
« Journaliste au Collège de France et professeur au Figaro », grinçaient les jaloux. « Je devinais peu à peu mes deux tâches : comprendre ou connaître mon époque aussi honnêtement que possible sans jamais perdre conscience des limites de mon savoir », écrivait-il dans ses Mémoires, publiés en 1983, l’année de sa mort. [...]
L’Abécédaire de Raymond Aron, textes choisis par Dominique Schnapper et Fabrice Gardel, Éditions de l’Observatoire, 240 pages, 19 €.
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Si l’on reprend cet extrait :
“Les observations de Raymond Aron sur le joli mois de mai allèrent, comme souvent, droit au but. « Une révolution où l’on renversait une Constitution parce que les étudiants avaient le désir de se distraire et de PALABRER indéfiniment.”
Nous sommes bien obligés de constater que nombre de “palabreurs comme Mr Finkelkraut , Bernard Henry Lévy, Olivier Tood , André Gluksman etc…. acteurs de MAI 68 ont permis que soient organisés sur les ondes et les télévisions de nombreux débats, qui aujourd’hui ont muté en FAUX débats. Où seule la pensée et la parole de la bien pensance a le droit de s’exprimer et les pensées ou paroles “dissidentes” sont COUPEES A LA HACHE.
Cela n’a pas échappé au commun des mortels que l’on assiste dans tous les médias à UNE CASTRATION de la pensée dissidente. Et que la bien pensance la considère comme complotiste, fasciste, populiste, nationaliste, etc…..
Et comme par hasard ces ex acteurs palabreurs de MAI 68 sont en parfaite harmonie avec cette bien pensance castratrice.
Dans la palabre africaine, celle qui se pratique chez les gens simples, on peut constater qu’elle laisse la place (dans une longueur de temps qui serait fatigante pour l’occidental) à la parole de tous pour parvenir à un consensus. Ce n’est pas un parole politicienne. Mais une parole pour créer une entente dans le groupe sur des sujets vitaux pour la communauté.
Un petit stage de nos “PALABREURS” chez les Dogons du Mali pour goûter à une palabre chercheuse d’harmonie leur ferait du bien, beaucoup de bien. Et les ferait descendre de leur piédestal. Dommage que Frédérique LOPEZ n’emmène jamais de “palabreurs philosophes ou politiques dans son “rendez-vous en terre inconnue”. ON SERAIT PEUT-ETRE MIEUX GOUVERNES.
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