Votre serviteur n’a pas le monopole de la formule, le médiatique islamologue Gilles Kepel l’a utilisée le mardi 19 février dans l’édition du journal du soir sur C News. Elle est parlante…
Le drame algérien, vieux de bientôt six décennies, est encore présent dans les mémoires de beaucoup de nos contemporains. Ce que l’on appelait, pudiquement à l’époque, « les événements d’Afrique du Nord », englobait aussi les questions marocaine et tunisienne.
Le royaume chérifien et la régence de Tunis étant devenus des États totalement indépendants en 1956, restait pendante en AFN, la question algérienne. Sa gravité entraîna la chute de la IVe République et l’arrivée au Pouvoir en 1958 d’un Charles De Gaulle qui, à Colombey-les-deux-églises, rongeait son frein depuis l’échec de son RPF au lendemain de la Libération.
L’affaire des barricades signait, en 1960, les premiers heurts entre pieds-noirs et forces de l’ordre. Le putsch d’Alger, en avril 1961, allait suivre, épisode clos par la sinistre signature, le 19 mars 1962, des accords d’Évian.
La tuerie de civils, rue d’Isly, le 26 du même mois, s’ajoutait aux déchirures entre la métropole et sa province méridionale. Un mouvement de résistance française, l’OAS, par ses attentats et son action psychologique auprès de la population, allait sérieusement déstabiliser les autorités.
Toutes ces séquences tragiques ponctuaient notre histoire. Elles restent gravées d’une façon indélébile dans nos mémoires. Le général de Gaulle a, certes, rendu d’éminents services au pays, mais il a surtout renié sa parole, commettant une forfaiture, trahissant sa fonction de garant de l’intégrité territoriale de la République.
Même si, à terme, après un long et pacifique processus, l’Algérie aurait pu devenir un État séparé de la France, maintenant côte à côte toutes ses communautés.
Aux derniers moments des négociations avec le FLN, scandaleusement érigé en seul « interlocuteur valable », son fidèle et talentueux biographe de ministre, Alain Peyrefitte, avait écrit un ouvrage très documenté : Faut-il partager l’Algérie ?, édité chez Plon.
Dans ce livre, le futur académicien proposait divers scénarios pour un règlement raisonnable du conflit, permettant de garantir la permanence de la présence de la communauté européenne. En fait, le but principal de cette édition, était de faire pression sur le Front de Libération National, pour qu’il accepte les conditions, bien raisonnables d’ailleurs, des négociateurs français.
Ce qui intéressait de Gaulle, ce n’était pas le sort du million d’Européens qui vivaient là-bas depuis des générations, ni celui des musulmans fidèles à la France et qui avaient pris les armes avec nous, mais la possibilité de continuer les expériences atomiques au Sahara et d’importer le pétrole et le gaz pour la découverte desquels notre pays avait bien « transpiré ».
Avec, en prime pour le Général, l’aura du libérateur, lui permettant, rêvait-il, de prendre la tête des pays du Tiers-monde dans une croisade réfutant la division de la planète entre les deux blocs.
En privé, il ne manquait pas dire que le différentiel démographique aurait submergé la France, si l’Algérie était restée française, ironisant avec « Colombey-les-deux-mosquées » (ce qui reste à prouver, car la présence de nos instituteurs, médecins et administrateurs, aurait eu sans aucun doute, une influence sur l’évolution des mœurs et des comportements sociétaux des Algériens).
L’intransigeance des vainqueurs au drapeau vert et blanc fut telle que, massivement, dans des conditions parfois dramatiques, avec comme témoins nos soldats restant l’arme aux pieds sur ordres de chefs indignes, notamment à Oran, les civils durent fuir dans de scandaleuses conditions.
Aucune ONG financée par un Soros ou pays n’étaient là pour les recueillir, à l’exception de l’Espagne qui fit un geste pour ramener vers Alicante ceux des Européens qui étaient, mais pas seulement, d’origine espagnole. On sait aussi que des dizaines de milliers d’Algériens, les harkis et leurs familles, qui avaient cru en la parole de la France, terminèrent leur vie dans d’atroces conditions.
N’ayons pas la mémoire courte, mais exit « l’Algérie française », une belle et noble entreprise civilisationnelle qui s’est terminée en drame. Si je reviens sur cette histoire-là, à la fois sombre et glorieuse pour nos armes – jamais le FLN ne fut en mesure de contrôler une parcelle de territoire pour y installer son GPRA –, c’est que l’histoire semble se répéter, bégayer, et nous promettre de nouvelles épreuves mais, cette fois, sur le sol métropolitain même. La cause est entendue, soyons clairs, il y a longtemps que les nostalgiques de « l’Algérie française » dont l’auteur de ces lignes, ont intégré le fait que ce pays est un pays étranger et indépendant. Alors, pourquoi s’en préoccuper ?
Une nouvelle bombe qui chauffe à deux heures d’avion de Paris
J’ai déjà eu l’occasion, ici même, d’attirer l’attention du lecteur, sur la tragicomédie de la candidature du sieur Bouteflika à la présidence de la République algérienne, pour un cinquième mandat.
L’homme, âgé de 82 ans, est malade, gravement atteint par un AVC pour lequel il fut soigné au Val de Grâce, à Paris, et qui l’amène à aller passer de nouveaux examens en Suisse. Son image d’homme d’État est illisible, il ne se déplace plus qu’en fauteuil roulant qu’il ne peut mouvoir lui-même.
Quelle image donne-t-il ainsi de son pays, à l’étranger ? Personne n’est dupe. Qui commande réellement à Alger ? Ses frères, son clan, l’armée ? Le FLN ? Tout ce petit monde à la fois ?
Les jeunes Algériens et pas seulement, descendent dans les rues pour protester contre cette mascarade électorale envisagée par les hiérarques du parti au Pouvoir. Ils ont d’ailleurs manifesté ici même, à Paris, place de la République, sans que le pouvoir macronien n’y trouve rien à redire.
Quelle coupable tolérance, alors que les gilets jaunes, eux, ont droit au mieux, aux gaz lacrymo ! L’économie algérienne ne va pas bien, la mono production des hydrocarbures plombe ce pays, qui n’a pas su diversifier en 57 ans d’indépendance ses activités, contrairement à d’autres pays arabes plus prévoyants, plus « futés ». Incapable d’exploiter son potentiel touristique comme ses voisins maghrébins.
Il importe des céréales, alors qu’à l’époque française ce pays était autosuffisant, voire exportateur. En un mot comme en cent, les hommes du FLN ont été des parasites incapables, incapables d’assurer un emploi à leur jeunesse, incapables de maîtriser une démographie qui leur explose au visage et qui risque, disons-le, de balafrer le nôtre. Les Algériens étaient, en 1830, lors de la conquête, un million. Aujourd’hui ils sont quarante-deux millions surtout des jeunes, beaucoup de jeunes qui, sans emploi, passent leurs journées le dos appuyé aux murs…
Qu’arrivera-t-il demain si ce grand pays de la rive nord de l’Afrique, mais surtout notre grand voisin du sud… explose, comme cela s’est produit lors de la victoire électorale du Front Islamique du Salut ?
Le FIS, dont le succès fut vite confisqué par l’armée, l’ANP, dans les années quatre-vingt-dix, bascula dans la clandestinité, entraînant des dizaines de milliers de morts dans une longue guerre civile avec, comme victimes collatérales, les moines de Thibérine.
Déjà, des hiérarques du régime ont transféré des fonds en France en y « planquant » leurs familles. En gros, 14 à 15 millions d’Algériens seraient éligibles au fameux regroupement familial instauré par les calamiteux Giscard d’Estaing et Jacques Chirac.
Combien de parents, pères, mères, frères, sœurs, enfants, quitteront « El Djézaïr » dans le cas, nullement à écarter, où ce pays, à nouveau, basculerait dans un conflit interne ? Certes, l’armée a la réputation d’être intransigeante, voire féroce. Mais, combien d’islamistes se glisseraient parmi les familles demandant à la France le bénéfice du droit d’asile grâce à ce scandaleux dispositif, qu’est le regroupement familial ? Déjà, combien d’Algériens ou de binationaux originaires de ce pays vivent chez nous ?
Quand on sait que l’État français est incapable à 100 000 unités près, de savoir combien de personnes sont en Seine Saint-Denis, il y a de quoi s’inquiéter. Il parait, qu’en haut lieu, – comprenez l’Élysée –, on s’inquiète de ce phénomène bien plus que de l’évolution de celui des Gilets jaunes.
Acceptons-en l’augure car, sans cela, nous risquons de vivre dans la douleur les tristes épisodes du remarquable roman de Jean Raspail, sorti en 1972, « Le camp des Saints » !
Dernier livre publié par Jean-Claude Rolinat : La Bombe africaine et ses fragmentations, préface d’Alain Sanders, éditions Dualpha, collection « Vérités Pour L’Histoire », dirigée par Philippe Randa, 570 pages, 37 euros. Pour commander ce livre, cliquez ici.
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