Sur Internet la liberté d'expression se réduit comme peau de chagrin, mais tout n'est pas perdu.
Facebook, pris encore une fois dans un scandale de manipulation
La duplicité de Facebook a été dévoilée le 27 février par Project Veritas, un site spécialisé dans la traque de la corruption. Grâce à un lanceur d'alerte employé de Facebook, le site dévoile preuve à l'appui les mécanismes internes du géant de l'Internet pour filtrer les contenus politiquement déplaisants et les utilisateurs en relation.
Le lanceur d'alertes, amenant avec lui des preuves sous la forme de documentation et de photos d'écran, révèle que le réseau social géant a "pour habitude" de supprimer des pages politiquement connotées à droite. Le réseau social ne s'appuie ni sur un filtrage manuel ni sur des signalements d'utilisateurs mais sur un processus systématique, automatisé et appuyé par une batterie de programmes, notamment le logiciel d'intelligence artificielle "Sigma".
Sigma analyse les mots-clés associés par exemple à une vidéo et peut ensuite déclencher une "dégradation" de la publication, appelée ActionDeboostLiveDistribution. Équivalent à un coefficient de visibilité négatif, cette dégradation diminue la fréquence de présence de la vidéo dans les flux de nouvelles des autres utilisateurs, supprime les options de partage, et désactive les notifications interactives liées à sa présence.
Le lanceur d'alertes put citer de nombreuses personnalités conservatrices ciblées par Facebook, comme le comédien et commentateur de droite Steven Crowder, qui obtint en 2016 un accord financier extra-judiciaire avec Facebook après avoir dénoncé une limitation arbitraire de la visibilité de ses vidéos. Il ne put en revanche citer aucune personnalité de gauche ciblée par cette politique.
L'Intelligence artificielle Sigma, développée à l'origine pour détecter des publications invitant au suicide ou à l'automutilation, a semble-t-il trouvé bien d'autres sujets à traiter. L'outil s'inscrit dans la stratégie développée dans un document de Facebook écrit par deux ingénieurs, Seiji Yamamoto et Eduardo Arino de la Rubia, visant à combattre les "abus coordonnés" sur la plateforme. La définition de ces abus est de plus en plus élastique ; s'y rattachent désormais les publications "qui ne sont pas à proprement parler des discours de haine mais qui s'en rapprochent", c'est-à-dire, alors qu'aucune définition juridique n'existe pour un discours de haine, de choses "qui pourraient offenser quelqu'un". Vaste programme...
Qu'on se rassure, la définition d'une offense est politiquement orientée d'emblée grâce au vocabulaire employé. Ainsi, évoquer les Social Justice Warriors, surnom donné à ces militants engagés dans toutes les causes de la gauche, est un marqueur immédiat d'évaluation négative. Même chose pour ceux qui emploient le terme de pilule rouge: il est important, aux yeux des ingénieurs de Facebook, que nul utilisateur ne soit "amené à remettre en question sa représentation de la réalité" à travers la plateforme. On se croirait en pleine dystopie.
Les médias habituels sont évidemment muets sur le sujet: cela correspond tant à leur propre point de vue! Mais la liberté de penser trouve toujours un chemin...
Gab, la riposte
Né en 2016, Gab (via Gab.ai ou Gab.com) est un réseau social particulier car réduit à sa plus simple expression. Son intitulé de mission est limpide:
"Un réseau social qui promeut la liberté d'expression, la liberté individuelle et le libre flux d'information en ligne."
Pour lire un peu de prêt-à-penser sur Gab, rien de mieux qu'une visite sur Wikipédia:
Gab est un service de réseautage social en ligne basé à Austin, au Texas, créé pour servir d'alternative aux réseaux sociaux comme Facebook, Twitter et Reddit.
[Il] permet à ses utilisateurs de lire et d'écrire des messages comportant jusqu'à 300 caractères, appelé « gabs ». Le site propose également des fonctionnalités multimédia et s'est donné pour mission de servir ses « utilisateurs et la liberté de parole en premier ».
Il gagne en audience après la tuerie de la synagogue de Pittsburgh, le terroriste antisémite ayant un profil vérifié sur le site. Gab cible une audience marquée à l’extrême droite, comme les néo-nazis, les conservateurs (sic!), l'alt-right et les suprématistes blancs. Plusieurs figures de ces mouvements y sont par ailleurs actives, comme Richard B. Spencer, Mike Cernovich, ou Alex Jones.
On admirera la tournure... Typique de Wikipédia, dirons-nous, de la description du réseau social. L'utilisation de la tuerie de Pittsburgh contre Gab est particulièrement savoureuse: non seulement Gab désactiva le profil de l'utilisateur dès qu'il eut connaissance de son identité, mais si un tel argument était recevable pour détruire un réseau social, alors Facebook ou Twitter devaient être mis hors ligne séance tenante pour héberger des milliers de comptes liés à des terroristes, des tueurs en série ou des extrémistes musulmans (lire ici et ici pour quelques exemples).
Néanmoins, l'argument fut aussi facilement reçu que Gab était une menace - une menace contre l'approche corporatiste et contrôlée de la diffusion d'information sur les réseaux sociaux. Dire que Gab fut combattu est bien en-deçà de la vérité. D'importantes manœuvres eurent lieu pour lui couper l'accès à ses serveurs du jour au lendemain, pour couper son financement et pour empêcher ses utilisateurs de l'employer. Aujourd'hui encore l'application mobile Gab a été retirée tant de l'App Store que du Play Store - sans aucune explication ni d'Apple ni de Google.
Rien dans ce que fait ou propose Gab n'est contraire à la loi. Contrairement aux mensonges délibérément propagés, on ne peut pas dire n'importe quoi sur Gab. La société est basée au Texas et obéit donc à la législation américaine en matière de liberté d'expression. Celle-ci est vaste, c'est vrai, mais ni infinie, ni incontrôlée.
Des individus peu recommandables sont allés sur Gab après avoir été bannis d'autres réseaux sociaux, c'est incontestable. Mais d'autres individus parfaitement recommandables ont aussi été bannis des réseaux sociaux à cause de leurs opinions politiques, dans une chasse aux sorcières qui ne semble pas avoir de limite. De nombreux utilisateurs concernés comprennent donc que le contrôle des GAFA sur Internet prend une tournure de plus en plus inquiétante et qu'il devient nécessaire de s'inscrire sur Gab.
Gab rencontre donc un certain succès. Gab a désormais ses propres serveurs, son propre gestionnaire de domaine, son propre processus de paiement et résiste à des attaques de déni de service quotidiennes. Suivant l'adage du "ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort", il a surmonté tant de tentatives pour l'éteindre qu'on peut estimer qu'il devrait tenir debout encore longtemps.
Voire, de riposter.
Dissenter, le gant est jeté
Si les patrons de Facebook ou de Google détestaient Gab, ils ont désormais une bonne raison de le haïr: Gab Dissenter.
Gab Dissenter - ou simplement Dissenter - est un nouveau service récemment lancé par Gab. Il permet tout simplement de commenter n'importe quelle page Internet au sein de la communauté Gab.
Comment cela fonctionne-t-il? Rien de plus simple. Il suffit d'installer sur son navigateur le plug-in Dissenter et ensuite, depuis n'importe quelle page du web, de cliquer sur l'icône et d'écrire son commentaire ou de consulter ceux des autres utilisateurs. On peut aussi, naturellement, voter pour les commentaires d'autrui ou y répondre. D'autres fonctionnalités sont prévues comme de permettre d'intégrer directement les commentaires dans un site.
Du point de vue technique, c'est absolument imparable: l'identité unique d'une page est reconnue de la même façon par Dissenter qu'elle l'est par les robots des moteurs de recherche. Autrement dit, à moins de saboter sa visibilité pour ne plus apparaître sur Google, personne ne peut empêcher les utilisateurs de Dissenter de commenter la page.
Alors que le service n'est même pas vieux d'une semaine, les commentaires Dissenter apparaissent déjà sur des lieux normalement fermés aux commentaires - qu'il s'agisse de vidéos YouTube, de pages de Wikipédia ou d'articles de presse suscitant des réactions qui ne s'inscrivent pas dans la pensée officielle.
Dissenter n'a rien de révolutionnaire ; un service comme hypothes.is permet déjà le même genre d'annotation de site web. Même Google proposa un service équivalent appelé Sidewiki dix ans plus tôt, mais qui fut abandonné faute d'avoir décollé. Car ce n'est pas tout que de proposer un service, il faut que celui-ci atteigne son public ; et à l'heure actuelle, l'initiative de Dissenter tape dans le mille.
Il faudra peut-être un peu plus de temps pour que Dissenter perce en langue francophone mais cela viendra, ne serait-ce qu'à cause de la frustration accumulée par les Internautes face à des articles fermés aux commentaires sur 24Heures ou 20 Minutes, pour ne prendre que l'exemple de la presse romande.
Conclusion
Il y a plusieurs façons de contrôler l'information sur Internet, mais celle qui prévaut aujourd'hui sur la plupart des médias en ligne se résume en une phrase: "comme certains utilisateurs disent des choses déplaisantes, nous devons désactiver les commentaires pour tout le monde".
En suivant exactement la même logique, puisque Hitler buvait de l'eau, il faudrait interdire la consommation d'eau. On voit à quel point l'argument ne tient pas debout. Celui qui enfreint la loi doit être puni, il n'y a aucune raison de censurer l'opinion de tout le monde... À moins que l'idée ne soit justement de contrôler par la force les "opinions acceptables" qu'un média souhaite laisser afficher sur ses pages. Les rédactions choisissent l'option nucléaire dès que la discussion risque d'aller hors des sentiers balisés. Une alternative comme Dissenter pourrait leur faire perdre aussi cette bataille.
L'idée que la censure soit nécessaire pour "lutter contre l'extrême-droite", fantasme ou réalité, revient à dire que des gens réellement convaincus d'opinions racistes, extrémistes, xénophobes, antisémites, nazies ou autres ne pourraient se voir opposer des arguments solides dans le cadre de la liberté d'expression. L'argument est absurde: ces opinions ont précisément reculé à des époques où la liberté d'expression était bien plus répandue qu'aujourd'hui.
En revanche, on comprend bien mieux l'utilité de la censure lorsque l'anathème de l'extrême-droite n'est qu'un prétexte jeté au visage d'adversaires politiques pour mieux les réduire au silence.
Stéphane Montabert - Sur le Web et sur LesObservateurs.ch, le 3 mars 2019
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