Gilets jaunes : l’heure des choix

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Nous l’avons dit dès novembre : cette révolte des Gilets jaunes est en fait une révolution, la révolution des classes moyennes déclassées, la révolution des Français de souche privés d’identité, la révolution des « invisibles », privés d’expression publique. L’existence de cette population, à présent majoritaire, avait été identifiée par les sociologues, les géographes, les politologues, de Zemmour à Guilluy, et d’Obertone à Buisson.

Mais la nouveauté, c’est la prise de conscience par ces « invisibles » du caractère majoritaire de leur révolte, et c’est la découverte qu’une colère collective, accompagnée de désordres, peut ébranler le pouvoir, générer des reculs (la taxe sur le diesel), une médiatisation (de parfaits inconnus projetés soudain dans la lumière des spots de télévision), et une inflexion annoncée des outils de gouvernance (référendum, proportionnelle, moins de députés).

Force est aussi de constater que la mobilisation s’érode un peu chaque jour, force est de constater que la protestation contre l’immigration et pour l’identité, très audible sur les ronds-points, s’entend moins, dans les manifestations, où CGT et black blocs tentent infiltration et récupération, réclamant le rétablissement de l’ISF (une fronde anti-taxe qui aboutirait à un impôt de plus !), une hausse du SMIC, etc. Pourquoi pas « l’échelle mobile des salaires », comme à l’âge d’or de la CGT, pendant qu’on y est ?

La foire aux réclamations, dont seraient peu à peu écartées toutes les questions qui fâchent au profit des seules revendications habituellement portées par les syndicats, constituerait la fin de la dimension révolutionnaire de cette révolte.

Sans parler de ces candidatures aux européennes : une liste, deux listes, trois listes, quatre listes, à présent ! Pour brouiller les messages, il n’y a rien de mieux. Porter une colère populaire, et proposer un projet politique global sont deux choses différentes.

Nous sommes aujourd’hui à un tournant de la révolte. Et les Gilets jaunes, s’ils en sont capables, doivent faire des choix :

— le choix de renoncer à faire de la politique traditionnelle et donc renoncer à des listes Gilets jaunes, du moins dans le cadre de ces élections européennes ;

— le choix de maîtriser les casseurs et les pilleurs infiltrés, et donc de collaborer avec les forces de l’ordre quand il s’agit de capturer prétendus « antifas », et vrais adeptes de Staline, et autres pilleurs de magasins ;

— le choix de l’humilité chez tous les porte-parole autoproclamés : ce serait le comble que le « grand débat » pipé de Macron fasse remonter davantage de paroles sincères de la « France d’en bas » que la voix collective et censée être libre des Gilets jaunes.

Si les Gilets jaunes réussissent à opérer les bons choix dans ces trois domaines, alors le mouvement amorcé peut déboucher sur le grand ébranlement nécessaire des certitudes de la pensée unique.

Dans le cas contraire, le mouvement poursuivra son délitement, ne survivant qu’au gré des provocations, des répressions sélectives et des manœuvres d’un ministère de l’Intérieur qui trouve son compte au désordre dans la rue, pour rallier à sa cause les tenants de l’ordre, quel que soit cet ordre.

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