Face à l’Affaire Maudet, le PLR genevois choisit le suicide

Stéphane Montabert
Suisse naturalisé, Conseiller communal UDC, Renens

La grande explication a finalement eu lieu mardi soir. Au grand auditoire d'Uni Dufour, plus de 700 membres du PLR genevois se réunirent pour discuter de l'affaire Maudet. La couverture live de l'événement fut assurée par plusieurs médias, dont 20 Minutes.

Presse, radios, télévisions et sites web firent leurs choux gras de ce grand déballage quasi public, chacun choisissant ses répliques préférées et alimentant de nombreux articles ce mercredi.

Je me suis déjà exprimé sur l'affaire Maudet en septembre dernier. Depuis, celle-ci n'a cessé de prendre de l'ampleur, si bien que l'on pourrait parler de la tentaculaire affaire Maudet. Soupçons d'octroi d'avantage, de passe-droit, de fraude fiscale, mais le politicien n'a toujours pas été condamné. La justice est plus lente que les tempêtes médiatiques que ses enquêtes suscitent. Dans les arcanes du droit, il n'est même pas certain qu'il soit reconnu coupable de quoi que ce soit.

Pourtant, les appels à la présomption d'innocence sonnent creux. Le terme ne fut d'ailleurs rapporté qu'une seule fois pendant les plus de trois heures de débat d'hier soir, lors d'une présentation par Christian Lüscher du contexte de cette assemblée générale extraordinaire. C'est fort logique: la présomption d'innocence concerne avant tout la justice, pas la politique. L'opinion publique fait ses choix et rend des jugements différents. Le non-respect de la parole donnée, les manipulations et les mensonges ne sont peut-être pas pénalement répréhensibles, mais pour une population qui avait confiance dans ses élus c'est une sentence sans appel.

genève,pierre maudet,corruption,plrLes belles déclarations sur les principes de bénéfice du doute et de présomption d'innocence ne pèsent pas lourd dans le secret de l'isoloir.

Pierre Maudet est politiquement fichu, même s'il est blanchi par la justice. Qu'il soit coupable ou non importe moins qu'il a menti, effrontément et à d'innombrables reprises. Il a menti aux médias, à ses confrères de l'administration publique, à ses collègues de parti, au fisc, au peuple genevois. S'il a au moins la moitié de l'intelligence qu'on lui prête, il sait parfaitement quelle est sa situation. La stratégie du politicien semble plus n'être que de payer de belles paroles et, à la tête d'un dicastère fantôme, de tenir jusqu'à toucher une rente à vie. Je ne croirai le contraire que lorsqu'il se sera engagé par écrit à y renoncer.

Il poursuit cette stratégie coûte que coûte, dusse-t-elle détruire tout ce qui reste du PLR genevois.

La seule question qui restait pour le PLR aurait donc dû être le choix de la meilleure stratégie pour se débarrasser d'un Pierre Maudet devenu boulet, étant donné qu'il paraît impensable qu'il poursuive une carrière politique à l'issue de son mandat. Et poser une telle question, c'est y répondre.

À la place, le PLR choisit la voie d'un cafouillage monumental, qui confine au suicide politique.

Le pire est sorti de cette assemblée. Le pire.

Sur les 709 délégués votant, 341 ont soutenu le Conseiller d'Etat, 312 l'ont désavoué et 56 ont choisi de s'abstenir. Pierre Maudet a donc "sauvé sa peau" en emportant une majorité relative de 48%, même pas la majorité absolue. Les guillemets sont de rigueur parce que le politicien laissa comme d'habitude planer l'ambiguïté sur ce qu'il ferait si le PLR ne lui avait pas renouvelé sa confiance, déclarant qu'il "tiendrait compte" du vote, "prendrait la mesure du message" et "en tirerait les conclusions..." Des phrases qui ne veulent rien dire, toujours...

Ce soir-là, quelques Genevois firent preuve d'honneur, à commencer par Alexandre de Senarclens, président du PLR genevois, qui invitait à refuser la confiance à Maudet. Il avait annoncé en termes limpides qu'il quitterait son poste s'il était désavoué par les délégués - un joli contraste avec la langue de bois permanente de Pierre Maudet. La direction du parti vient donc de donner sa démission, et on peut être sûr que ceux qui les remplaceront seront des partisans de celui par qui le scandale arrive, ce qui contribuera certainement à rendre le PLR sympathique aux yeux de la population genevoise. Quasiment la moitié des délégués PLR ne veulent plus de Maudet, imagine-t-on ce que cela signifie au niveau des sympathisants, des électeurs?

Le PLR Genevois se retrouve en porte-à-faux vis-à-vis du PLR suisse, dont la Présidente Petra Gösdi rappela peu après le vote plusieurs évidences, à savoir que Maudet "avait bafoué les valeurs du parti" et "nui au PLR genevois". Heureusement pour ce dernier, l'exclusion de la section cantonale du parti national ne semble pas à l'ordre du jour. Pourtant, le PLR suisse est immanquablement maculé par le dégât d'image. Pierre Maudet avait été le candidats-alibi romand lors de la succession de Didier Burkhalter ; à cette occasion, il se fit largement connaître en Suisse alémanique, une notoriété bien embarrassante aujourd'hui.

Ce mardi, le PLR genevois ne s'est pas simplement tiré une balle dans le pied, il vient de se jeter dans le lac avec une pierre au cou. D'une courte majorité, il choisit de rester solidaire d'un politicien que les Genevois méprisent désormais au plus haut point (il suffit de lire les commentaires des lecteurs lorsqu'ils ne sont pas désactivés) et subiront donc probablement une cuisante descente aux enfers politique. La droite genevoise peut dire adieu à sa majorité au Conseil d'État aux prochaines élections, et à un bon score lors des fédérales de la fin de l'année.

Je ne jette pas la pierre aux délégués PLR qui mirent le mauvais bulletin dans l'urne à l'Uni Dufour le 15 janvier, saisis par l'émotion du moment et la persistance irrationnelle d'une confiance dans un politicien félon dans lequel ils avaient tant crus. J'ai été dans de tels assemblées, l'ambiance s'échauffe, les répliques fusent, les sacs se vident et collectivement, la foule prend de mauvaises décisions. Ce ne sont que des êtres humains après tout.

Mais il est aussi important qu'ils apprennent de leurs erreurs, et comptons sur les Genevois pour le leur faire comprendre.

Stéphane Montabert - Sur le Web et sur LesObservateurs.ch, le 16 janvier 2018

7 commentaires

  1. Posté par Jandur le

    Enfin! Le PLR genevois se révèle aujourd’hui, divisé, au pied du mur.
    Mettez donc fin à cette combinaison machiavélique d’un type qui n’a jamais bossé de sa vie: ce Maudet d’intelligence soit-disant exceptionnelle, a eu besoin de mensonges pour briller. N’a jamais bossé dans le privé et se fiche de toute déontologie, éthique, sens de l’honneur, respect de principes, bien au contraire.
    Ce Maudet s’organise grâce à vous, PLR, pour perdurer quelques mois dans son poste à ne rien faire, jusqu’au jour prochain qui lui donnera droit de toucher une rente à vie.
    Ce laisser-faire du PLR suivi de soutien à Maudet en toute impunité de ses actes, coûte aux contribuables, discrédite l’ensemble des élus genevois, va nous coûter en Suisse Romande plus que ce que le PLR et sa descente aux enfers ne se le représentent.

    A croire que le PLR de GE veut faire venir des pro-islamistes au pouvoir – Poggia est en stand-by.

  2. Posté par FLORENCE KRAFT le

    Cette vision apocalyptique de notre beau parti venant d’un vaudois peut faire sourire. “Genevois, quand j’te vois, je vois le Diable devant moi!” chantait E. Jaques Dalcroze. Il était originaire de Sainte-Croix.. La vérité de cette assemblée, c’est qu’elle était extraordinaire ne serait-ce que par le nombre de ses participants. Elle a révélé une autre facette du parti, habituellement récessive, à savoir le militantisme et le coeur. C’est un nouveau visage qui s’est manifesté à cette occasion. La plupart des interventions étaient moins consacrés à des parades de la langue qu’à la défense d’ un homme. Lequel, à l’instar de tant d’autres dans la salle, érigés en donneurs de leçons, a une fois, une seule, a commis une erreur. La différence d’avec ses prédécesseurs aux mêmes ou à d’autres fonctions semblables – présents dans la salle auxquels on aurait pu faire le même procès – c’est que, il l’a reconnu. Plus encore, il a présenté ses excuses et il l’a regretté.
    Des politiciens qui commettent des erreurs, il y a en a partout, des politiciens qui les reconnaissent, il y en peu et des politiciens qui les regrettent, il n’y en a quasi pas. C’est ce geste de conscience que nous avons salué, et ne serait-ce que pour celui-ci, méritait de nous toucher.
    Combien n’avons-nous pas entendu dire qu’un parti doit défendre des idées et non des personnes. Mais que seraient les idées sans les personnes? Je rappellerai alors ici cette citation d’un genevois qui a marqué notre histoire “Tuer un homme ce n’est pas défendre une idée, c’est tuer un homme” . Certains s’en sont inspirés l’autre soir. Il se peut qu’elle n’ait pas traversé la Versoix….

  3. Posté par Gub le

    Maudet dit Pierrot les mains sales a joué et a perdu. Malheureusement il est pas le seul à Genève… Hodger parle d’arangements avec les lobbys, et à la ville il y a Barazzone même chose que Maudet. Pour Maudet les accusations sont très graves. Rappelez vous les bulletins d’électeurs remplis sur son bureau avant dépouillement (ce qui est très grave) et les histoires à la Chancellerie avant les élections etc… ça beaucoup. J’espère que le PLR va en prendre un coup très sérieux. Parti pro frontaliers, pro migrants, fabrique industrielle de prestataires (qu’ils détestent). En tout cas pour Genève. Si au niveau cantonal c’est pourrit comme ça… comment c’est à Berne?
    Comme l’a dit Sergio, je fais partie des masses laborieuses et je suis dégoûté de payer des impôts et surtout des retraites à ces gens malhonnêtes qui sont au dessus des lois parce que il sont le système et je ne les écoute plus. Ils me fatiguent avec leur air arrogant et hautain qui se prennent pour des gens de la haute alors que certains ne valent pas plus qu’un dealer le cocaïne.
    Je dis des fois à mon fils de 12 ans… ceux dont tu dois le plus te méfier dans vie, sont ceux qui devraient te protéger… sauf tes parents qui EUX seront toujours là pour toi…
    Les politiques ne sont plus là pour nous mais pour leur compte en banque bien garnis et se gavent encore avec des retraites honteuses. Celle qu’atte Pierrot les mains sales. Il parait qu’il n’a jamais travaillé pour un patron. Seulement en politique. À vomir… et pour couronner le tout il est contre les armes bèèèè qu’il tombe ds les oubliettes pour de bon.
    Patriotiques salutations

  4. Posté par leone le

    Pierre Maudet est bi-national et peut-être est-il influencé par les méthodes de François Mitterrand, une des plus grandes fripouilles que la politique française aie connue.

  5. Posté par Sergio le

    Les politiques avaient déjà si peu de crédit auprès des masses laborieuses…Il n’est pas étonnant qu’en fin de compte, il n’y en ait aucun pour racheter l’autre. Tous, sans exception, complètement pourris.

  6. Posté par Heradote le

    L’acharnement de la classe médiatique contre Maudet ressemble furieusement à la destruction médiatique et judiciaire de François Fillon. Même méthode, journalistique et judiciaire, dossier préparé bien à l’avance, etc. Pas étonnant que des simples citoyens réagissent à ce déluge en votent Maudet, par simple réaction. A ce jour, il n’y a que des mensonges dans la balance. Comment un politicien expérimenté comme Maudet a pu se laisser entraîner dans le cercle infernal du mensonge ? Telle est la vraie question.

  7. Posté par Maurice le

    A vrai dire, Maudet s’en tirera très bien, et l’assemblée du P.L.R. d’hier soir le prouve, parce que la petite majorité qui a voté pour lui se tient bien les coudes et doit faire partie du même type de personnes que lui. Je pense qu’il y a pas mal de doubles-nationaux là-dedans, qui n’ont pas du tout la rigueur qu’essaye d’atteindre la politique suisse, mais qui trouvent tout à fait normal qu’un politicien fasse profiter les copains de sa belle position. Ils le soutiendront car il en va de leurs intérêts, sans compter qu’il connaît beaucoup de choses sur ces gens-là et qu’il est possible qu’il les tienne par son silence sur eux.
    Quant au peuple, il n’a déjà rien vu avant et l’a plébiscité en masse, alors il suffira de quelques paroles de communication bien placées pour qu’il recommence à voter pour lui s’il se représente. Il deviendra peut-être même Conseiller fédéral, parce que son but ultime c’est quand même de devenir un député européen, avec tous les avantages liés. Ce n’est pas pour rien qu’il milite étroitement pour que la Suisse entre dans l’Union européenne et qu’il affiche le drapeau de l’Union européenne derrière son bureau à Genève.

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