Retombées des obus à gaz en Syrie
De notre correspondant permanent aux Etats-Unis. Le président Donald Trump a refusé d’imposer de nouvelles sanctions à la Russie bien que le président Vladimir Poutine n’ait pu ignorer les préparatifs et la réalisation de ce que l’on appelle officiellement ici et en Europe un « bombardement par obus à gaz asphyxiant » qui aurait été perpétré par les forces gouvernementales syriennes sur un faubourg de Damas le 7 avril dernier. Ce bombardement, dont on attend toujours la version irréfutable, a tué plus de cinquante civils et provoqué une semaine plus tard la riposte américano-franco-anglaise – une centaine de missiles Tomahawks sur une banlieue de Damas et la ville de Homs. Le cœur du programme syrien d’armes chimiques aurait été anéanti.
Trump avait assuré au lendemain du 7 avril : « Le prix à payer sera très lourd. » Bachar el-Assad a payé, mais sans que ses reconquêtes militaires sur le terrain aient été menacées. Pour l’Iran, c’est également le statu quo. Quant à la Russie, autre protecteur d’Assad, elle échappe à toute punition dans cette affaire. Elle a pourtant souffert récemment pour son intervention en Ukraine, son annexion de la Crimée, son intérêt pour l’élection présidentielle américaine, l’intoxication en Angleterre de l’un de ses anciens espions. Cette fois-ci, rien.
Comment interpréter ce « rien » ? Au niveau zéro de la politique, c’est-à-dire des querelles partisanes nourries par un perpétuel dénigrement de l’homme-qui-a-battu-Hillary-Clinton, cette mansuétude présidentielle ne peut s’expliquer que par une faiblesse de jugement, un dérèglement cérébral annonçant une inaptitude totale à gouverner le pays. Plus haut dans l’échelle du sérieux se situe la réelle volonté de Trump de forger une relation chaleureuse avec Poutine, qu’il a toujours personnellement ménagé à chaque tension entre les deux pays. Trump voit-il plus loin dans cette affaire que les analystes qui le harcèlent ? Possible. L’iconoclaste n’a pas fini de surprendre.
Au début de la série de réunions ultra-secrètes qui ont abouti au pilonnage de vendredi, Trump passa pour un « dur ». Il avait presque choisi l’option maximale : la destruction des défenses anti-aériennes russes en Syrie. Le chef du Pentagone, le général Jim Mattis, et le conseiller pour la Sécurité nationale, John Bolton, l’en ont dissuadé. Raison évoquée : ne pas provoquer inutilement Poutine. On s’en prit finalement à l’arsenal d’Assad. Option « diplomatique » qui ménage l’avenir.
Trois retombées
Première retombée de cette (fausse) démonstration de force : on ménage l’avenir, c’est-à-dire que l’on ne casse rien des relations avec Poutine, on ne redistribue aucune carte sur le terrain et on renvoie à plus tard le retrait des 2 000 soldats américains qui campent actuellement en Syrie. Le célèbre wait and see (attendons pour voir) n’est pas seulement britannique.
Deuxième retombée : la petite cellule de crise a parfaitement fonctionné, contrairement à ce que racontent les médias. En tant que patron de la force d’intervention, le général Mattis a imposé sa vision de la situation et son ascendant sur Trump a compté dans les discussions. Autre aspect positif : le nouveau venu, Bolton, ancien ambassadeur mais surtout faucon tous azimuts, s’est bien intégré à l’équipe en apportant son soutien à Mattis contre un possible et dangereux aventurisme.
Enfin, troisième retombée et non des moindres. Kim Jong-un, le dictateur nord-coréen, a forcément suivi avec attention le déroulement de l’opération Tomahawk. Il a dû en conclure que ces diables d’Américains pouvaient, techniquement, frapper n’importe quelle cible. Et pourquoi pas Pyongyang ? Un détail qui comptera sans doute lors de la prochaine rencontre entre Kim et Trump.
Photo : Donald Trump et le général Mattis, patron de la force d’intervention.
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