Charles Beer, Conseiller d’Etat, dans la Tribune de Genève, Etienne Grisel, professeur honoraire de l’Université de Lausanne, dans le Temps.
Beer Tdg:
"Charles Beer, êtes-vous favorable à ce qu’un élève puisse arborer un signe religieux en classe?
Oui. Nous respectons le principe de liberté religieuse. Tout acte qui viserait à désigner une seule communauté comme devant être l’objet de restriction nierait et violerait gravement la Constitution. La seule loi qui pourrait être valable serait l’interdiction de tous les signes religieux.
[...] Mais quelle est votre position sur le port du voile?
Je ne suis pas favorable au port du voile ni de tout autre signe religieux ou politique. Mais j’estime que l’école doit accueillir tous les élèves. Je préfère les retrouver dans une école de la république, au contact de tous, afin qu’ils puissent voir les vertus de la tolérance et l’importance de cultiver son appartenance religieuse en privé plutôt que de l’afficher. Le meilleur endroit pour apprendre ces vertus, c’est l’école publique, ce n’est pas l’école coranique."
Grisel Le Temps:
"Sous l’angle du droit, une réponse nuancée s’impose, les principes applicables étant contradictoires. D’un côté se trouvent la liberté, la tolérance envers toutes les confessions et le respect des minorités. D’un autre côté, il y a la protection de la société contre des mœurs qui lui sont étrangères et la sauvegarde du droit des femmes contre l’oppression et les discriminations.
[...] Contrairement à une opinion répandue, le port du voile n’a que des rapports lointains avec la religion, si bien que la question ne doit pas être tranchée à la lumière de la liberté religieuse. Celle-ci ne protège pas n’importe quelle conviction. Lui rattacher une habitude vestimentaire relève même du sophisme. Certes, les juristes de culture chrétienne n’ont pas à interpréter le Coran. Mais aucun clergé ni aucun fidèle ne sauraient imposer une lecture de la Constitution. Cette dernière défend la liberté de conscience, mais non pas n’importe quel aspect de la vie humaine et sociale.
[...] Les femmes qui disent porter librement le voile ne peuvent pas prétendre que ce choix, certes personnel, ressort uniquement de la religion et ne concerne pas la société.
[...] Il est de plus en plus admis que, du moins sous certaines formes extrêmes, le voile islamique a quelque chose de choquant et, par suite, d’asocial. Mais son port a-t-il des aspects spécifiques qui justifieraient un traitement particulier? On entend souvent dire que, pour éviter toute disparité, il conviendrait de prohiber tous les signes extérieurs que portent les adeptes des diverses religions. Mais cette affirmation n’est pas exacte.
[...] Les partisans de la tolérance cherchent à mettre le régime libéral en contradiction avec lui-même et croient le placer devant ce dilemme: soit accepter des comportements contraires à nos valeurs morales et sociales, au nom des droits fondamentaux, soit refuser aux minorités ces droits, au mépris justement de nos valeurs libérales. Mais la contradiction n’est qu’apparente et le raisonnement relève ici aussi du sophisme car l’objection repose sur cette idée fausse que la liberté serait absolue."
Et vous, qu'en pensez vous ?