La gauche face à l’effondrement du castro-chavisme

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Par Fabio Rafael Fiallo.

« Qu’il est doux, quand les vents déchaînent les flots, de contempler depuis la terre ferme les graves périls d’autrui ». Ces vers du Rerum Natura du poète latin Lucrèce, connus par leurs premiers mots : Suave, mari magno, peuvent s’appliquer aujourd’hui à ceux qui contemplent, depuis le mirador de la lucidité, le désarroi de la gauche radicale devant l’effondrement du castro-chavisme.

Les leaders de cette gauche trempent dans la corruption ; les gouvernements qu’ils dirigent enregistrent des contre-performances économiques ; le harcèlement de l’opposition et de la presse indépendante, voire la répression tout court, font partie des méthodes utilisées pour garder le pouvoir. Et pourtant, les serfs du castro-chavisme – journaux, sites électroniques, intellectuels ou simples militants – ne sont pas près de remettre en question leurs certitudes malmenées par les faits. Persuadés que le marxisme est une science, et que le socialisme représente l’avenir de l’humanité, ils préfèrent s’embarquer dans de stériles exercices d’auto hypnose intellectuelle leur servant à déformer la réalité.

Le castro-chavisme, ce socialisme du XXIe siècle

Le « socialisme du XXIe », instauré par Hugo Chavez au Venezuela, s’écroule avec fracas, laissant derrière lui un taux de pauvreté supérieur à celui qu’il avait trouvé lors de son accession au pouvoir en 1998. Dans le pays ayant les plus larges réserves de pétrole, les pénuries touchent 83% des aliments et 95% des médicaments destinés à soigner des maladies chroniques. Une inflation à trois chiffres a détruit le pouvoir d’achat de la population. Les pillages d’articles de première nécessité se multiplient. Quatre Vénézuéliens sur 5 réclament le départ du Président Nicolas Maduro, l’héritier désigné de Chavez.

Devant pareil spectacle, comment la gauche pure et dure réagit-elle ? Eh bien, de même qu’autrefois elle s’évertuait, contre toute évidence, à nier les crimes de Staline et de Mao Tse Tung, ainsi ses actuels porte-étendards commencèrent par nier le désastre engendré par le « socialisme du XXIe siècle », prétendant que les informations à ce sujet étaient de vulgaires mensonges inventés par « l’opposition fasciste », « la bourgeoisie apatride » et, bien entendu « l’Empire génocide et criminel » (lisez : les États-Unis).

Ensuite, quand il est devenu inutile et ridicule de continuer à se voiler la face, un certain nombre de castro-chavistes ont fini par admettre la catastrophe, non sans arguer cependant que ce qui existe au Venezuela n’est pas le socialisme, mais un capitalisme basé sur la rente pétrolière.

Ce faisant, ils oublient ou font semblant d’oublier que ce fut le propre Hugo Chavez qui avait qualifié de « socialisme pétrolier » le modèle économique instauré par lui.

Le même rétropédalage est en cours à propos du Brésil. Après avoir porté aux nues Luis Inacio Lula, les adeptes de la gauche radicale affirment maintenant que le « lulisme » — discrédité par des scandales de corruption à répétition — n’a rien à voir avec le socialisme, qu’il faut le dépasser, c’est-à-dire aller, enfin, vers le socialisme.

Décidément, pour les gourous de la gauche radicale, rien n’est jamais la faute du socialisme, car celui-ci est immaculé par définition.

L’immaculé socialisme

Le cheval de bataille préféré de cette gauche, à savoir sa prétendue supériorité morale du fait d’être supposément du côté des pauvres et des démunis, est tombé à terre, blessé mortellement par l’ahurissante ampleur de la corruption développée, aux dépens précisément des pauvres et des démunis, dans les pays qui sont ou qui ont été gouvernés par la gauche immaculée, notamment l’Argentine, le Brésil et, surtout, le Venezuela.

Ne pouvant plus se présenter comme les porte-étendards de la probité en politique, les castro-chavistes n’ont rien trouvé de mieux que de mettre en question la lutte contre la corruption.

Pour preuve, la réaction des cercles de la gauche radicale aux révélations contenues dans les Panama Papers. Puisque ces révélations mettaient à nu d’innombrables transactions financières plus que douteuses réalisées par des coqueluches de cette gauche – des hauts dirigeants du chavisme et du régime cubain – certains défenseurs du socialisme ont tenté de créer un rideau de fumée, attribuant ces révélations à une manœuvre de « l’Empire » destinée à attirer des capitaux vers des institutions financières opérant sur son territoire, et concluant qu’il ne valait même pas la peine de s’intéresser à savoir qui sortaient incriminés par lesdites révélations.

D’autre part, le fameux Forum de Sao Paulo (qui rassemble périodiquement des dirigeants et des militants de la gauche radicale), réuni au Salvador en juin dernier, s’en est pris aux institutions internationales qui s’occupent et dénoncent la corruption, qualifiant celles-ci de « schémas politiques interventionnistes ». Autrement dit : laissez la gauche radicale voler tranquillement dans les pays où elle gouverne.

Toujours prêts à soutenir docilement n’importe quelle décision prise par les frères Castro, les bigots du socialisme ont entonné le nouveau verset du catéchisme castriste, à savoir : avec l’ouverture aux marchés, aux touristes et aux capitaux de « l’Empire » (décrétée par Raul Castro), Cuba s’embarque aujourd’hui dans la « construction d’un socialisme prospère et soutenable ».

Cette nouvelle cantilène nous ramène en fait à l’année 1986, époque des soi-disant « rectifications » décidées par Fidel Castro devant la prévisible fin de l’aide astronomique fournie jusqu’alors par une Union Soviétique en déliquescence. Car de la même façon qu’aujourd’hui l’appareil de propagande du régime parle de « construction d’un socialisme prospère et soutenable » pour vendre sa nouvelle politique économique face à la contraction progressive de l’aide accordée par un Venezuela à bout de souffle, ainsi la propagande castriste affirmait en 1986 : « C’est maintenant que l’on va construire le socialisme ».

L’implacable déroute du castrisme à Cuba

À en juger donc par le régime cubain, la déroute du castrisme dans le domaine économique ne saurait être imputée au socialisme, car celui-ci, en dépit de plus d’un demi-siècle de règne des frères Castro, reste toujours à construire à Cuba.

Par ailleurs, ce n’est pas seulement en Amérique latine que la gauche radicale voit ses espérances s’effriter. L’Europe aussi s’est transformée en théâtre du désarroi.

Il y eut d’abord la déconvenue éprouvée à l’égard d’Alexis Tsipras, leader de la gauche populiste grecque, lequel, une fois Premier Ministre, dut accepter le programme de réformes demandé par les créanciers institutionnels de la Grèce, celui-là même qu’il avait promis de refuser. Maintenant c’est le tour de Podemos, parti de la gauche populiste espagnole ayant des affinités et des liens avec le chavisme, de voir son élan coupé en plein vol.

En effet, contrairement à ce que les sondages prédisaient, la coalition Unidos Podemos (dont Podemos était la composante principale) ne réussit pas à atteindre la deuxième place dans les élections parlementaires de juin. Pis encore, cette coalition perdit plus d’un million de voix par rapport à celles obtenues lors des élections de décembre 2015.

Rien ne va donc plus pour la gauche extrême européenne. Et s’il est vrai qu’en France Jean-Luc Mélenchon – admirateur de longue date d’Hugo Chavez – talonne François Hollande dans les sondages (chacun virevoltant autour de 15%), cela en dit long, non pas de l’ascendant du premier, mais de la déception que le second a créée dans son propre camp.

En fait, la gauche radicale a même perdu la suprématie qu’elle détenait dans l’usage de la démagogie. Maintenant ce sont des mouvements d’extrême droite en Europe, et Donald Trump aux États-Unis – avec leurs condamnables prises de positions racistes et xénophobes et leurs solutions aussi simplistes qu’inefficaces – qui profitent le plus de cette manière irresponsable, et vouée à l’échec, de faire de la politique.

Incapables d’admettre s’être trompés sur toute la ligne, les tenants de la gauche radicale continueront à essayer de carrer le cercle. Nous les verrons prétendre que la construction du socialisme prend du temps. Nous les verrons également ignorer, comme s’il s’agissait de quantités négligeables, les millions de victimes du goulag soviétique, du laogaï de Mao, du génocide khmer rouge, les torturés du castrisme et du chavisme, ainsi que la tragédie quotidienne des Vénézuéliens à la recherche de nourriture et de médicaments. Nous les verrons, encore, arguer que les « progressistes » et les « révolutionnaires » pourront apprendre des « erreurs » — et non des « crimes » — commis lors des expériences passées. Bref, nous les verrons, emportés par l’ouragan de l’histoire, sombrer dans la mer vaste et déchaînée de la réalité.

Cet article La gauche face à l’effondrement du castro-chavisme est paru initialement sur Contrepoints - Journal libéral d'actualités en ligne

 

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