Violence contre les policiers: l’entrée dans la communication

Mireille Vallette
journaliste
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En Suisse, la violence contre les policiers n’atteint pas des sommets, comme chez nos voisins français, mais la tendance est la même. Les fonctionnaires tentent de renverser la vapeur.

Je suis tombée récemment en arrêt devant un poste de police lausannois qui avait placardé une grande affiche sur ses vastes vitres. Elle était intitulée: « Stop à la violence contre les policiers ».

Mon sang n’a fait qu’un tour… ou retour: dans les années 70, les enfants de 68 scandaient en chœur: « Non aux violences policières ! » Et ce sont des photos de manifestants tuméfiés qu’ils arboraient.

Nous avons changé d’ère.

Quels sont les tenants et les aboutissants de cette violence, les fruits de cette campagne et ses prochaines étapes? J’ai fait le point avec Jean-Marc Widmer, le très zen président de la Fédération suisse des fonctionnaires de police (FSFP) qui orchestre cette opération.

L’air du temps, depuis quelques décennies, est à armer le citoyen contre tous les abus potentiels de l’autorité. Côté judiciaire et social en général, l’écoute empathique et la volonté de réinsérer ont pris le pas sur l’autorité et la punition.

Mais le citoyen est ingrat: son respect de l’autorité est descendu en flèche. Tous les services de l’Etat font face à des violences verbales, parfois physiques. La police écope du record de ces mauvaises manières.

Côté criminalité, la culture de la compréhension, certains disent de l’excuse, n’a pas empêché l’augmentation de la délinquance et des crimes violents, parfois gratuits. Et l’alcool malgré toutes les campagnes de prévention, est devenu un acteur majeur de cette violence, suivi par la cocaïne.

Dynamique de terrain

L’agressivité croît. Insultes, crachats, multiplication des arrestations musclées. Le 24 octobre 2010, lors d’un concert punk, un policier plaquant un jeune homme au sol reçoit un coup de pied au visage envoyé par une jeune femme, et un de ses collègues est touché à la nuque par un pavé de 8 kilos. Bilan: trois policiers à l’hôpital.

On croyait la Suisse épargnée par les pièges tendus par des jeunes résolus à frapper, elle ne l’est pas. « Les policiers ont été confrontés à de véritables guet-apens à Soleure, Berne et Bâle », confirme Jean-Marc Widmer. A Trélex, un conducteur a foncé contre un policier à un barrage routier, « une tentative de meurtre », juge le président. La voyoucratie du Net est aussi à l’œuvre. Le nom et l’adresse d’inspecteurs en civil ont été publiés avec la mention « Nous vous aurons tous ! » Des policiers ont reçu des menaces à leur domicile pour une simple amende.

 

Carcan juridico-administratif

La police se trouve dans un carcan juridico-administratif qui neutralise une partie de sa capacité offensive. Elle ne peut plus par exemple avoir accès à la banque de données ISA qui permet d’identifier une personne grâce à sa photo. « Si une personne dit qu’elle a perdu son passeport ou si elle n’a pas de papier et donne un nom, on ne peut pas vérifier. Cet accès a été retiré à la police par crainte de problème. Mais paradoxalement, les garde-frontières l’ont. Et nous devons passer par eux pour nous renseigner. Nous avons un espoir de retour, mais il a fallu batailler ferme. »

Le nouveau code de procédure pénale entré en vigueur en 2011 complique le quotidien de la police: « Il engendre un travail plus lourd. Par exemple, les canevas à suivre sont plus rigides qu’avant, il est nécessaire de faire venir des interprètes pour les étrangers. »

La justice a la main leste

Les policiers se retrouvent vite sur le banc des accusés. « Avec la protection juridique, les gens ont recours à un avocat pour un oui ou pour un non. Les policiers sont beaucoup plus facilement poursuivis. » Les avocats se saisissent parfois spontanément d’une cause. L’une d’elles a ainsi déposé plainte contre trois agents qui ont utilisé leur arme en 2010 lors de l’attaque d’une banque à armes lourdes à Thônex. Mais son initiative a déclenché un tollé.

De son côté, le procureur genevois Olivier Jornot applique à la lettre le nouveau code de procédure pénale. «Lors d’un braquage à la Jonction, un policier a tiré, il est poursuivi.» Une dizaine de procédures sont en cours que l’on classait volontiers auparavant pour opportunité.

Inversement, « les peines infligées aux agresseurs de policiers sont souvent légères, alors que la législation actuelle permettrait déjà d’être plus ferme ». Sur le plan national, la FSFP réclame la réintroduction une peine de prison ferme minimale en cas d’agression contre leur corps et le doublement des peines pour les récidives. Ces revendications concernent la révision du code de procédure pénale, elle est entre les mains de la Commission juridique du Conseil national.

La hiérarchie à la traîne

« Lorsqu’un policier se fait agresser ou qu’il est traîné au tribunal, le soutien de sa hiérarchie ou du Conseil d’Etat lui manque souvent. » L’exemple inverse est celui de la ministre vaudoise Jacqueline de Quattro qui dénonce vivement les agressions contre les forces de l’ordre. Avant son départ de la police saint-galloise, Karin Keller-Sutter était aussi un appui de poids pour les policiers. A Genève, Pierre Maudet soulève de nouveaux espoirs.

Communication, en avant toutes

Campagne d’affiches, pins, slogans (« ça suffit ! », « des solutions SVP ! »), l’offensive est animée. Les policiers se sont initiés à la communication et ont le sens du timing. Une émission longuement préparée avec Temps présent a été diffusée une semaine avant le démarrage de la campagne le 24 novembre 2011. Ce jour-là, la pétition « Stop aux violences contre les policiers » a été remise avec conférence de presse et trois stands d’information et de distribution de flyers, une par région linguistique: Lausanne, Winterthur et Lugano.

D’autres moyens sont utilisés: « Chaque fois qu’un policier est agressé, comme lors du dernier carnaval de Bâle où 30 fêtards s’en sont pris à 3 des nôtres, nous envoyons un communiqué de presse et écrivons au procureur concerné pour le rendre attentif. »

Le lobbyisme politique est aussi à l’agenda: Jean-Marc Widmer ou Max Hoffmann, secrétaire général de la FSFP vont arpenter les travées à chaque session des Chambres.

Le citoyen un brin schizophrène

A l’heure où la délinquance explose, chacun voudrait avoir son policier à sa porte. Ils ne sont jamais assez nombreux, jamais assez efficaces. Mais lorsque les mêmes citoyens assistent à une arrestation musclée ou à la tentative de bloquer des vandales dans une manifestation, la foule prend systématiquement parti pour les délinquants. Pourquoi ? « C’est le manque général de respect de l’autorité. Les pompiers et les ambulanciers en sont aussi victimes. Et nous, policiers, ne faisons plus peur. Quand j’étais jeune, on savait que le fait d’agresser un policier impliquait une lourde peine. Aujourd’hui, qu’est-ce qu’on risque ? »

Manque d’effectifs au back office

La police manque de bras. En général, les autorités acceptent de créer de nouveaux postes, mais ils ont toutes les peines du monde à les pourvoir. L’image de cette police en proie au mépris et aux violences y est pour quelque chose. A moins de diminuer les exigences, le problème est difficile à résoudre. Il en est un cependant qui pourrait permettre aux policiers d’être davantage sur le terrain: la création de postes administratifs. « A New-York, j’ai eu l’occasion de suivre une procédure toute différente de la nôtre: les policiers placent des croix sur un formulaire, les administratifs reprennent et font l’audition. Ensuite, le policier contrôle. A Zurich, une expérience est en cours: les policiers ont un Ipad dans leur voiture, ils entrent les données, puis les administratifs reprennent. Genève tente une expérience similaire. »

Mystérieusement, ce simple remède, infiniment plus facile à mettre en œuvre, ne se concrétise pas.

Les fruits de la bataille

« Il existe une prise de conscience parmi les politiciens et je suis assez étonné –en bien- par les médias. Les contacts avec eux sont beaucoup plus faciles. L’émission de Temps présent et celle de 10 vor 10 en Suisse alémanique ont eu un heureux impact. » La population semble elle aussi davantage sensibilisée. Mais la route est longue et durant ce temps, la violence poursuit sa montée en puissance.

Mireille Vallette

3 commentaires

  1. Posté par Sancenay le

    pour info mon commentaire sur le thème évoqué par député français dans les Vérités

    Policiers assassinés / amnistie inadmissible : l’État en péril !
    7 mars 2013 par Jacques Myard dans La Une, Politique, Société avec 1 CommentaireCommuniqué de Jacques Myard

    député de la Nation, maire de Maisons-Laffitte, président du Cercle Nation et République

    le 1er mars 2013

    L’État est l’incarnation juridique de notre vouloir-vivre ensemble. Il est fondé sur le principe d’autorité que les services publics doivent mettre en œuvre pour garantir notamment notre sécurité. Si la première mission de l’État est d’assurer notre liberté, chaque citoyen en contre- partie doit être responsable de ses actes et être sanctionné en cas de transgression de la loi. Le vote d’une proposition de loi par le Sénat qui amnistie les infractions passibles de cinq ans d’emprisonnement, commises lors des mouvements sociaux entre le 1er janvier 2007 et le 1er février 2013, est une insulte au principe de responsabilité et ouvre la porte à toutes les dérives.

    Comment s’étonner alors que des malfrats assassinent des policiers qui, par définition agissent dans le cadre d’un service public et sont les défenseurs de notre liberté : le gouvernement socialiste joue une nouvelle fois les apprentis sorciers, il sape l’autorité de l’État, il favorise les comportements anti-sociaux, il conduit la France à la loi de la jungle.

    ..One Comment
    Sancenay8 mars 2013 à 11 h 44
    Monsieur le député de la Nation , si vous voulez réellement libérer notre Patrie de la violence qui s’est insinuée dans toutes le strates de notre société, de grâce commencez par convaincre vos amis partisans que cela commence par protéger les plus faibles d’entre nous : les enfants à naître d’abord, les mères en détresse,les enfants dans les écoles soumis à tant de violence gratuite et à celle, assurément moins gratuite, des manipulations destructrices (cf l’enseignement du gender, notamment) de Messieurs Chatel et Peillon, les jeunes bientôt abandonnés au « suicide assisté » de votre collègue Léonetti, les malades réputés incurables et les vieillards en fin de vie qui embouteillent l’hopital » ( citation extraite “du journal ” ).
    Si l’Etat assumait à cet égard cette authentique « première mission » de protection , l’effet s’en serait nécessairement fait sentir depuis longtemps sur le redressement de notre pays tant cyniquement invoqué.
    Sorti de là ne vous plaignez pas que vos compatriotes finissent par estimer que les « élites » et autres représentants auto proclamés à l’aide de sondages bidons, de propagande intensive et d’élections à huis clos, les prennent pour des billes.
    .

  2. Posté par Eddie Mabillard le

    Les policiers sont de plus en plus agressés, car s’ils emploient les moyens pour se défendre ils sont systématiquement condamnés par la justice, lynchés par les médias. Alors, pensez la prochaine fois, si vous glissez dans l’urne un bulletin pour la gauche ne venez surtout pas pleurer que la police ne nous défende pas.
    Les Valaisans ont l’occasion de passer à l’acte pour corriger le tir, pour l’instant les gitans sont prioritaires sur les autochtones sur sol valaisan !

  3. Posté par Jean-Baptiste Aegerter le

    On ne peut pas se faire les valets d’un système qui persécute les honnêtes gens pour laisser filer les vrais bandits et demander ensuite respect, amour et considération de la part de la population.

    Si les policiers ont une conscience politique, qu’il en fassent usage !

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