Pierre Bessard publie ce mois une étude d’une brûlante actualité sur le site de l’Institut libéral dont il est le directeur.
Ce qui ne gâte rien, elle est précédée d'un avant-propos éblouissant de Pascal Salin.
En effet on parle beaucoup ces temps d'exil fiscal ou d'évasion fiscale...
Curieusement - c'est une façon de dire, parce que ce n'est si curieux que cela - on omet de parler à cette occasion des droits individuels, auxquels tout libéral ne peut qu'être attaché et qui sont piétinés allègrement par les Etats.
Dans son avant-propos, après avoir dit que « la mondialisation peut être décrite comme la concurrence au niveau mondial », Pascal Salin rappelle que « la concurrence ne signifie pas que les activités deviennent identiques dans le monde entier, mais tout à fait le contraire: elle encourage les producteurs à se différencier les uns des autres ».
Il conclut en ces termes cet avant-propos sur la concurrence fiscale, qui est une concurrence entre juridictions et qui est bénéfique, comme toutes les concurrences:
« La concurrence fiscale est un instrument puissant pour éviter des impôts excessifs. Au lieu de combattre « l'évasion fiscale », il n'est peut-être pas de tâche plus urgente à notre époque que de limiter l'oppression fiscale en renforçant la concurrence fiscale. »
Dans son introduction Pierre Bessard explique pourquoi certains gouvernements s'en prennent aux « paradis fiscaux », qui désignent en fait des « juridictions connaissant des impôts moins élevés et de meilleures règles de protection de la sphère privée financière » :
« Les Etats déjà fortement endettés et dotés d'une fiscalité élevée ont en effet recouru ces dernières années à des programmes de « relance », qui ont empiré leurs positions budgétaires et, à en juger des résultats de programmes similaires dans le passé, sont susceptibles d'avoir prolongé la crise et mené à une stagnation assortie d'un chômage élevé. »
Ces Etats ont un besoin pressant d'augmenter leurs ressources fiscales puisqu'ils ne veulent pas remettre en cause l'essentiel de leurs dépenses publiques, notamment de santé et d'éducation, ce qui, sinon, prétendent-ils, se traduirait par une baisse de niveau de vie, aussi bien dans les pays développés que dans les pays en développement...
Ces Etats, membres du G20, ont donc fait appel à l'OCDE, pour combattre la confidentialité bancaire afin de débusquer leurs évadés fiscaux.
Quand ces Etats sont membres de l'Union européenne (qui n'est rien d'autre qu'un cartel politique), ils ont, parallèlement, développé sous cette entité une politique similaire propre contre la confidentialité, tout comme l'ont fait de leur côté les Etats-Unis, ce de manière très hypocrite puisque certains Etats, comme le Nevada et le Delaware, sont les champions du monde de l'opacité.
Pierre Bessard, dans son étude, montre que l'argument de la baisse de niveau de vie en cas de baisse des dépenses publiques ne tient pas. Au contraire une étude montre que « plus l'Etat dépense, moins l'économie prospère »: la croissance du PIB réel des Etats est inversement proportionnelle à leurs dépenses publiques exprimées en % du PIB sur la période 1960-2005.
Cette corrélation négative résulte du fait que les coûts de la dépense publique sont plus élevés que ceux des solutions privées: conformité bureaucratique aux impôts, réglementation, politiques monétaires expansives, absence d'information sur les préférences des consommateurs sont autant de facteurs d'inefficacité par rapport au secteur privé, dont l'éviction par l'Etat, dans certains domaines, est, de plus, fort préjudiciable.
Pierre Bessard relève les incohérences de l'OCDE, dont le message politique est certes en ligne avec les attentes des grands Etats qui la financent, mais contredit sa propre recherche économique qui souligne les bienfaits de la concurrence fiscale...
Car la concurrence fiscale est un impératif économique:
« En limitant la capacité des Etats à relever indéfiniment la charge fiscale, la diversité des juridictions et des systèmes contribue incontestablement à une plus grande prospérité. »
Elle est une condition de la liberté et de la justice:
« Même dans ses versions relativement bénignes, avec une séparation et une limitation des pouvoirs par le droit, l'Etat tend naturellement à étendre les domaines où il intervient dans la société. La liberté de choix d'un individu, ses droits légitimes aux fruits de son travail et à sa propriété sont donc mieux protégés dans un monde où règne une forte concurrence fiscale. »
La confidentialité, d'une manière générale, est une question de dignité humaine:
« La distinction entre les sphères publique et privée et le respect de cette distinction sont des éléments de civilisation. »
En particulier, la confidentialité financière « s'assimile au secret professionnel du médecin ou de l'avocat »:
« Elle est destinée à protéger l'individu contre l'intrusion non désirée de tiers, y compris des agents de l'Etat. »
L'évasion fiscale ou l'évitement fiscal, c'est-à-dire le refus de se soumettre inconditionnellement à une imposition excessive, peut être légitime:
« Du point de vue de la justice, il n'existe [...] aucun droit naturel de l'Etat à une fiscalité excessive ou même à une fiscalité progressive, mais il existe un droit de chaque personne à sa propriété légitime, provenant d'une activité productive ou de l'échange, dont celui de sa force de travail. Ce n'est donc pas l'Etat qui accorde un droit à la confidentialité aux citoyens, mais c'est bien les citoyens qui cèdent (implicitement et dans une certaine mesure) à l'Etat le droit d'imposition. »
La Suisse cultive la liberté individuelle depuis sa fondation au XIIIe siècle et s'est dotée d'une constitution profondément libérale au XIXe:
« La concurrence interne entre les 26 Etats fédérés, les cantons, ainsi que la démocratie directe, avec des référendums réguliers, ont traditionnellement maintenu les impôts à des niveaux moins élevés et les administrations publiques moins inamicales qu'ailleurs. »
La confidentialité en Suisse? C'est « une valeur professionnelle qui va de soi »:
« De même le secret bancaire en Suisse n'a jamais été conçu comme « avantage compétitif » ou une stratégie d'affaires pour les banques, mais comme protection élémentaire et nécessaire des détenteurs de comptes à leur propriété et à leur sphère privée contre toutes sortes d'incursions, de la part de parties privées (y compris des membres de la famille) comme de l'Etat. »
En Suisse les rapports entre citoyens et Etat sont basés sur la confiance. C'est pourquoi existe cette « distinction importante entre « soustraction fiscale », qui peut être due à l'oubli de déclarer un revenu ou un capital et est considérée en droit suisse comme une faute administrative, et la « fraude fiscale », qui inclut la falsification de documents dans la tentative délibérée de contourner la législation fiscale et relève du droit pénal »:
« Cette distinction légale se base sur l'idée constitutive que l'Etat est là pour servir le citoyen, et non l'inverse. »
Certes le secret bancaire suisse est très écorné pour ce qui concerne les non-résidents, mais il sera bien difficile de faire de même pour ce qui concerne les résidents:
« Environ 70% refusent l'échange automatique d'informations tel qu'il est pratiqué dans l'Union européenne; seulement 27% l'accepteraient; la proportion des opposants est encore plus forte parmi les personnes entre 18 et 29 ans: 75% rejettent la politique européenne de l'échange automatique d'informations. »
Pierre Bessard conclut:
- « Il est nécessaire de reconnaître la confidentialité financière comme une extension légitime des droits de propriété individuels, auxquels la législation doit se soumettre. »
- « La concurrence fiscale, les juridictions à imposition moins élevée et les « paradis fiscaux », loin de représenter des menaces à une bonne gouvernance publique, jouent un rôle essentiel dans la préservation de la liberté individuelle et exercent un rôle préventif ou correctif d'arbitrage contre la fiscalité excessive. »
- « Il est dans l'intérêt de tous les pays de retrouver le chemin vertueux de l'Etat limité, de dépenses publiques modérées et d'impôts minimisés. »
Dans le contexte actuel, la Suisse doit « rester le modèle de l'idéal de la concurrence des systèmes »:
« La Suisse [...] peut au moins s'assurer de maintenir sa conception de la relation entre Etat et citoyen et de la sphère privée financière à l'intérieur de ses frontières, à défaut de pouvoir en faire reconnaître la validité au niveau international. »
La Suisse doit vraiment rester ce modèle. En espérant qu'il inspire un jour les autres pays quand ils auront atteint le fond...
Francis Richard
Repris de www.francisrichard.net
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