L’aménagement du territoire est pris entre deux feux : l’initiative sur le paysage d’une part et la révision législative qui lui sert de contre-projet indirect d’autre part. Dans les deux cas, les problèmes sont programmés. Une initiative aux conséquences lourdes et un contre-projet qui manque sa cible en s’attaquant au fédéralisme. Nous nous opposons aux compétences supplémentaires qui seraient ainsi accordées à la Berne fédérale dans la gestion du territoire.
L’initiative « pour le paysage » pose une revendication sans nuance : un moratoire de 20 ans sur la zone à bâtir en Suisse. Ce serait l’impasse totale pour une région à forte croissance économique et démographique, mais ne disposant pas de zones constructibles en suffisance. Cette initiative est excessive.
Craignant qu’elle ne soit acceptée par le peuple, le Parlement a toutefois approuvé une révision de la Loi sur l’aménagement du territoire (LAT). Cette révision fait malheureusement peser de nouveaux risques, mais sur d’autres régions, à savoir celles qui disposent de terrains constructibles en suffisance, pour plus de 15 ans. Ces régions devraient redimensionner ces zones, en indemnisant les propriétaires. La mise en œuvre est entachée de nombreuses inconnues, l’Office fédéral de l’aménagement territorial n’étant pas en mesure de dire quelles zones devraient être déclassées.
Initiative et révision doivent donc être rejetées. Mais attention, le combat contre la LAT n’est pas un combat contre le paysage ! Le sol est une ressource limitée. Chacun souhaite sauvegarder le paysage et préserver les terres cultivables. Le sol a-t-il été gaspillé par le passé dans certaines communes ? C’est probable. Mais il faut prendre acte qu’aujourd’hui les collectivités ne tolèrent plus la dispersion de l'habitat et le bétonnage sans limite. Les résultats de cette nouvelle politique, bien que réels, ne sont malheureusement pas suffisamment perceptibles.
Les défenseurs de la LAT et de l’initiative n’ont de cesse de rappeler que 0,86 m2 de surface agricole disparaît chaque seconde sous de nouvelles constructions. Voilà qui est vrai. Mais on omet de signaler que la forêt gagne chaque seconde 0,5 m2. Au total, et contrairement à ce que bien des gens pensent, les bâtiments et les infrastructures (y compris parcs et jardins) représentent moins de 7% de l’ensemble du territoire suisse. La part des terres agricoles s’élève à 37%, celle des forêts à 31% et les surfaces improductives (lacs, rivières, surfaces sans végétation…) à un bon quart.
Tout à Berne ?
Faut-il dès lors confier de nouvelles compétences à la Confédération dans l’aménagement du territoire ? La réponse est non : les problèmes de Genève appellent d’autres réponses que ceux de Vaud, de Fribourg ou du Valais, de Saint-Gall ou d’Appenzell. Il convient de tenir compte des besoins différents d’un canton à l’autre et d’y répondre avec flexibilité, dans l’esprit du fédéralisme. Les débats sur la LAT l’ont bien montré : les cantons ont déjà toutes les cartes en main. Certains connaissent déjà la taxe sur la plus-value, d’autres gèrent leur territoire en tenant compte scrupuleusement des besoins, d’autres enfin ont institutionnalisé des discussions constructives avec les communes.
Le paysage évolue à l’image de notre société, de notre économie et de notre population. La densification des constructions est indispensable dans une Suisse qui compte désormais 8 millions d’habitants. Et est en marche. La mise sous tutelle des cantons n’aiderait pas à améliorer les choses, car une solution fédérale ne serait pas conforme à la diversité des besoins.
Cristina Gaggini
Références statistiques :
http://www.bfs.admin.ch/bfs/portal/fr/index/themen/02/01/pan.Document.140529.pdf
http://www.bfs.admin.ch/bfs/portal/fr/index/news/publikationen.Document.136654.pdf
http://www.bfs.admin.ch/bfs/portal/fr/index/themen/02/03/blank/key/
bodennutzungswandel_pro_sekunde.html
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