Oui à l’initiative pour l’imposition à la source des travailleurs frontaliers.

Dominique Baettig
Dominique Baettig
Médecin, Ancien Conseiller national

Le « trépassage de frontières » opportuniste doit être mieux compensé pour protéger l’économie locale et les travailleurs résidents.

Le travail transfrontalier, dans les deux directions, a toujours existé. Mais il faut bien reconnaître que depuis la libre circulation des personnes entre la Suisse et l’Union européenne, de plus en plus de travailleurs en provenance de toutes les régions de France s’installent dans les départements du Jura et du Doubs pour venir travailler chez nous dans des conditions très attractives.

La pompe aspirante

Depuis 2009 (Bilan, 15.04.2015) le nombre de frontaliers « jurassiens » a augmenté de 36%. Le taux de chômage aussi, passant de 2,8% en 2008 à 4,3% en février 20015. Ces frontaliers sont employés dans l’industrie manufacturière (57%), le commerce de gros et de détail (13%), la santé et l’action sociale (seulement 7% ! alors que la classe politique pleurniche sur le risque de fermeture des hôpitaux régionaux qui viendra d’autres contraintes !), l’hôtellerie et restauration 6%.

Les conséquences sont clairement visibles et ressenties : impact sur les seniors indigènes ou locaux fragilisés, coûteux,  auxquels les employeurs préféreront engager de jeunes frontaliers, gonflés à bloc par leur entrée dans un Eldorado économique et social. Engorgement du trafic routier, bouchons, conduite pressée, nuisances écologiques .A propos où en sont les Verts jurassiens sur cette question ? Ils devraient prendre un peu de grain à moudre de leur excellent collègue tessinois Savoia qui a écrit un livre remarquable et pertinent, « Le Grand mensonge » sur les effets destructeurs de la libre circulation sur son canton frontalier et désormais lourdement sinistré. L’irritation et la grogne s’expriment de plus en plus haut, malgré la tentative de la gauche des valeurs moralistes de culpabiliser les pensées « xénophobes ou racistes » des laissés pour compte de ce système de concurrence sauvage dont on n’ose pas se protéger. Comme également l’attitude dédaigneuse de la droite économique qui cherche pour une croissance sans limites une main d’œuvre mobile, taillable et corvéable plus facilement en se soustrayant à ses responsabilités locales.

Les chaises musicales

Les entreprises qui se concentrent sur les régions proches de la frontière deviennent des pompes aspirantes de la main-d’œuvre qualifiée française qui prive leur région de sa compétence. Créant un vide dans lequel s’engouffre une main-d’œuvre venant d’encore plus loin. En contrepartie, les jurassiens pendulaires se déplacent vers d’autres régions et le « Swiss made » devient une coquille vide, un label qui ne correspond plus à une qualité et une mentalité qui a fait le succès du modèle entrepreneurial de ce pays. Plus on se rapproche de la frontière, plus le salaire baisse, le dépeuplement s’aggrave suite au phénomène toxique des chaises musicales induit par la globalisation/mondialisation de l’économie et la libre circulation. Une nouvelle culture d’entreprise avec des réseaux qui privilégient l’embauche de collègues frontaliers s’organise et tisse sa toile et impose sa domination. La forte appréciation du franc suisse a envenimé les choses car elle a accru le pouvoir d’achat de ces opportunistes qui bénéficient de hauts salaires par rapport aux conditions françaises. La différence de niveau de vie (seuil de pauvreté à 2500 frs en Suisse,  environ 1000 euros en France) explique bien sûr  l’attractivité de notre région. On peut comprendre cette logique dont nous subissons par contre les effets. Mais les citoyens peuvent et doivent s’en protéger.

Rétablir l’équité

Le vrai débat politique aujourd’hui n’est pas entre l’étatisme et le libéralisme, il est entre les mondialistes libre-circulateurs et les patriotes enracinés et » localistes » de l’économie de proximité, à dimension humaine et sociale. Comme le dit fort bien Thierry Baudet (Indispensables frontières), les frontières sont les garants de la démocratie et garantissent une liberté réelle et une compétition loyale, entre égaux.

Le statut fiscal des frontaliers français, selon l’accord inique et dépassé de 1983 prévoit une compensation financière équivalente à 4,5% du salaire brut au canton du lieu de travail. Ce taux doit impérativement être renégocié pour compenser les nuisances massives induites par cette libre circulation insuffisamment bien régulée. Une imposition à la source, selon le modèle genevois est attractive et permettra au Canton du Jura d’engranger des recettes fiscales qui compenseront mieux les inconvénients de la déferlante non régulée de forces de travail transfrontalières. Mais la classe politique jurassienne se perd dans des calculs de boutiquiers cramponnée à une calculette idéologique politiquement correcte, produit des statistiques et des chiffres  (les chiffres sont comme les rêves en psychanalyse, interprétés selon les désirs du rêveur ou du thérapeute) justifiant son inertie, la peur de renégocier avec nos « amis français » et européens qui imposent leur déséquilibré droit à la libre circulation. Prenons exemple sur le Tessin qui demande une clause de sauvegarde régionale face à la pression migratoire.

Eloge de la protection  et de la souveraineté

L’avenir est au protectionnisme et au redéploiement local et démocratique de l’économie. Le patriotisme économique (renoncer au tourisme d’achat, pratiquer la préférence locale et nationale à l’emploi, l’achat de produits de qualité locale pour le consommateur, la protection vigilante contre le rachat des entreprises locales par des capitaux étrangers) est la première réponse civique et individuelle. Dénoncer l’accord de 1983, reprendre le contrôle de l’imposition, mettre des digues, des freins, des encoubles, des mesures d’accompagnement, des contrôles, des mesures de protection de l’environnement, du protectionnisme à l’emploi local est indispensable et juste. L’immigration doit être régulée dans l’intérêt de l’économie locale et Bruxelles doit être affronté debout, sans s’excuser et se mettre à genoux devant le « Grand Marché » européen adulé par la droite économique ou le grand « Autre » étranger sans lequel nous ne serions rien, des  bisounours  « bobos » de gauche.

Oui à l’initiative souverainiste « Pour l’imposition à la source des travailleurs frontaliers » le 14 juin 2015.

Dominique Baettig , médecin et  ancien conseiller national UDC Jura

Un commentaire

  1. Posté par Le pragmatique le

    Bravo M Baettig. Encore un produit sous-jacent de cette saleté de libre circulation que vous évoquez et dont on ne parle pas assez : le Swiss Made qui va se transformer en modèle de gestion “camemberisé” puisque en s’emparant de postes clés dans les entreprises le flux de fronstacs n’est pas prêt de se tarir.

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