L’envers des cartes. NUCLEAIRE IRANIEN : AVANCEE HISTORIQUE!

Richard Labévière
Journaliste, Rédacteur en chef  du magazine en ligne : prochetmoyen-orient.ch

Une page nouvelle s’ouvre au Proche-Orient. Barack Obama rassure Israël et convoque les dirigeants du Golfe à Camp David. Iraniens et Américains scellent une entente « historique ». L’accord-cadre conclu à Lausanne - reconnaissance de l’Iran comme puissance nucléaire régionale et légalisation de son programme, certes, accompagné de contraintes techniques et de mesures de surveillance pour une période de 10 ans - constitue, en définitive, une victoire certaine pour la diplomatie iranienne. L’objectif initial des 5+1 (membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU et l’Allemagne) était de le démanteler…

 

Les négociations de Lausanne ont permis de tourner la page de l’un des plus grands contentieux politico-économico-sécuritaires, attisé par l’Occident et ses alliés régionaux dans le Golfe et en Israël pendant douze ans. Les Iraniens ont regagné la confiance de la communauté internationale quant au caractère pacifique de leur programme nucléaire. Evoquant aussi un accord « historique », le quotidien libanais As-Safir du 3 avril dernier souligne qu’ « au bout de 16 rounds et de 18 mois, les deux parties ont fait des concessions techniques et politiques douloureuses ». Iraniens et Américains y ont joué un rôle-clé, tandis que les autres puissances intervenaient, chacune à leurs façons mais à la marge et au service de la stratégie américaine, sinon israélienne (…) Les Américains ont mis à profit les manœuvres françaises cherchant à mettre des bâtons dans les roues et à imposer des conditions rédhibitoires ». Ils ont également profité des nouvelles « conditions qui venaient s’ajouter aux précédentes à chaque fois qu’une lueur de compromis se profilait, pour arracher encore plus de concessions aux négociateurs iraniens. Toutefois, poursuit As Safir, « si le temps s’était écoulé sans qu’un accord-cadre ne soit conclu, les conséquences auraient été désastreuses pour tout le monde. D’autant plus que les dernières conditions mises en avant par Paris, comme le rétablissement automatique des sanctions sans vote du Conseil de sécurité au cas où l’Iran renierait ses engagements, semblaient bien maladroites, et du jamais-vu dans l’histoire des accords internationaux ».

 

Le Nahar du 3 avril note, pour sa part : « l’Iran sera reconnue comme une puissance nucléaire « à des fins pacifiques », sans embargo ni sanctions ». Et de poursuivre : « L’Iran a « gagné » la levée des sanctions européennes et internationales dès la signature de l’accord fin juin prochain. On lui a également promis une nouvelle résolution du Conseil de sécurité qui annulerait toutes les résolutions internationales parues entre 2006 et 2010, notamment la 1929, qui était la plus douloureuse pour l’économie iranienne (…) Dès début juillet, l’Iran pourra donc revenir sur la scène internationale en tant que puissance économique dotée de tous ses moyens et forte de 9% des réserves mondiales de pétrole. Elle pourra ouvrir ses portes aux centaines d’entreprises qui attendent l’accord avec impatience pour signer des contrats avec Téhéran… »

 

« Un nouveau monde : l’Occident fléchit », titre Al-Akhbar du même jour. A travers l’histoire des conflits dans le monde, écrit-il, il y a toujours eu un vainqueur et un vaincu. Seuls ceux qui avancent les yeux fermés qualifient les fins de « compromis ». Ce qui a eu lieu hier à Lausanne est le résultat d’une confrontation, rude et continue, depuis la chute du bloc soviétique et de l’emprise de l’Occident, les Etats-Unis en tête, sur les affaires du monde. Le résultat de la confrontation est tout simple : l’Occident a fléchi. Nombreux sont ceux, dans le monde, qui tenteront de trouver des tournures pour présenter l’Iran en perdant. A ceux-là il suffit d’écouter la justification, simple et concise, donnée par Obama pour expliquer l’accord : « Nous avons tout essayé avec l’Iran. Il nous restait deux options, la guerre ou l’accord. Nous avons choisi l’accord ! »

 

En marge des discussions, Israël a misé sur la France pour bloquer l’accord-cadre. Avant la reprise des négociations jeudi à Lausanne, le ministre israélien des Affaires stratégiques Youval Steinitz, accompagné de Yossi Cohen, conseiller à la sécurité nationale, a rencontré lundi Jacques Audibert, conseiller diplomatique de François Hollande, et l’équipe de négociateurs français menée par Nicolas de Rivière. Yossi Cohen s’était déjà rendu à Paris le 13 mars avec un groupe d’experts pour des entretiens sur le même sujet. « Les autorités françaises restent très discrètes sur ces contacts à répétition, révélateurs de la proximité franco-israélienne sur le dossier nucléaire iranien », souligne le quotidien La Croix ; « ces consultations « s’inscrivent dans le cadre des contacts réguliers que la France entretient avec son partenaire israélien », a commenté le porte-parole du Quai d’Orsay.

 

Du côté israélien, en revanche, Yuval Steinitz, n’a pas hésité à qualifier sa visite parisienne de « dernière occasion d’influencer les négociations avant qu’un mémorandum d’entente soit signé ». « Avec la France », a ajouté le ministre israélien, « nous voyons les choses de la même façon. Nous avons les mêmes soupçons sur l’Iran, ses intentions au Moyen-Orient et la possibilité qu’il ne respecte pas l’accord. »

 

« C’est naturel que Benyamin Netanyahou fasse appel à la France », a expliqué, pour sa part, Shimon Stein, ancien ambassadeur israélien en Allemagne, « la France est le maillon faible au sein du groupe ». Depuis le début de la reprise des discussions, le premier ministre israélien a, manifestement compté sur Paris pour, au minimum, durcir les termes de l’accord sur plusieurs points: les limites à la recherche et au développement de nouvelles centrifugeuses plus performantes, la durée de l’accord (au moins quinze ans pour la France alors que les États-Unis parlent de dix ans) et la levée des sanctions onusiennes réclamées par Téhéran, en plus de la levée des sanctions américaines et européennes.

Sur cette dernière question, Laurent Fabius a sommé ses négociateurs, la semaine dernière à Lausanne, de ne pas faire de concession: pas question de lever - même progressivement, comme le proposaient les Etats-Unis - les sanctions votées par l’ONU, sans un feu vert de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), ce qui aurait pris plusieurs années… Par ailleurs, Israël a démenti, mardi 24 mars, avoir espionné les négociations entre l’Iran, les États-Unis et les cinq grandes puissances dans le but de saper les possibilités d’un accord, vient de rapporter le Wall Street Journal.

Plus que par l’espionnage, la Maison-Blanche est irritée par le fait qu’Israël a partagé ces informations confidentielles avec des élus républicains du Congrès, hostiles à l’accord. Signe des tensions entre les États-Unis et Israël, la Maison-Blanche avait appelé lundi à mettre fin à une « occupation de la Cisjordanie, « qui dure depuis près de 50 ans », martelant son attachement pour une solution à deux États, israélien et palestinien, dénonçant une nouvelle fois les propos de Benyamin Netanyahou sur la question.

Richard Labévière, Rédacteur en chef de prochetmoyen-orient.ch, 6 avril 2015

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

3 commentaires

  1. Posté par François le

    Ainsi “Le résultat de la confrontation est tout simple : l’Occident a fléchi. Nombreux sont ceux, dans le monde, qui tenteront de trouver des tournures pour présenter l’Iran en perdant.”
    Cela signifie que compte tenu des duperies des iraniens, ces derniers auront bientôt leur bombe atomique !

  2. Posté par Vautrin le

    “Peace for our time” : 1938. Attendons dans deux ou trois ans… Ces idiots n’ont toujours pas compris que les mollahs étaient des nazis (ou des staliniens) ?

  3. Posté par Djamar le

    « Nous avons tout essayé avec l’Iran. Il nous restait deux options, la guerre ou l’accord. Nous avons choisi l’accord ! »
    Cela me rappelle tristement Chamberlain après la conférence de Munich,..

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