ALGER/BAMAKO : UNE DIAGONALE D’ESPOIR…

Richard Labévière
Journaliste, Rédacteur en chef  du magazine en ligne : prochetmoyen-orient.ch

 

L’accord de paix et de réconciliation signé le 1er mars dernier à Alger par le gouvernement de Bamako et certains groupes du nord du Mali est, certes modeste mais il esquisse une méthode qui pourrait valoir pour l’ensemble de la bande sahélo-saharienne, y compris pour le sud de la Libye.

Sans reconnaître un statut particulier pour l’autonomie du nord du Mali (l’Azawad), l’un de ses mécanismes prévoit la création d’Assemblées régionales élues au suffrage universel direct dans un délai de dix-huit mois, ainsi qu’une « plus grande représentation des populations du Nord au sein des institutions nationales ». Une refonte de l’armée malienne doit aussi être mise en œuvre afin d’intégrer des combattants des mouvements armés du Nord. Cette méthode a reçu l’appui de la Mission des Nations unies au Mali (Minusma). Depuis juillet dernier, Alger a organisé plusieurs rencontres avec une équipe de médiation élargie composée de représentants de la Minusma, de l’Union africaine, de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest, de l’Organisation de la coopération islamique, de l’Union européenne, de la Mauritanie, du Niger et du Tchad. « Cet accord a la valeur d’une boussole crédible et efficace vers la paix. », commente Ramtane Lamamra, le ministre algérien des affaires étrangères de l’Algérie.

Même si la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), qui regroupe six factions en faveur de l’autonomie du nord du Mali, n’a pas encore signé, il y a de grandes chances que toutes les parties finissent par se rallier à ce texte qui a aussi pour fonction de reconnaître, sinon d’officialiser chacun des acteurs. Parmi les « signataires en suspens », le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), reste la composante majeure pour toute forme de solution. D’autres groupuscules constitués sur des bases ethniques, comme le Mouvement arabe de l’Azawad (MAA) - dont une partie est du côté loyaliste -, ou encore le Haut Conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA) - avec des jihadistes d’Ansar Dine, ralliés à Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), pourraient aussi finir par admettre l’accord d’Alger…

Cette dynamique est plus vitale que jamais dans une région territorialement et politiquement fragmentée, mise en coupe réglée par des groupes jihadistes, des trafiquants de cocaïne, d’armes, de voitures et d’êtres humains… A terme, « la diagonale d’espoir Alger/Bamako pourrait s’étendre à deux autres foyers de polarisation terroriste : le sud de la Libye abritant une quinzaine de camps jihadistes et la nébuleuse Boko-Haram en train de déborder du nord du Nigéria, vers le Niger, le Tchad et le Cameroun », explique le responsable des services spéciaux d’un Etat de la zone en ajoutant qu’il « s’agit aussi d’enrayer le phénomène d’auto-allégeance de tous ces groupes à l’idéologie de l’« Etat islamique » (Dae’ch) dont la fuite en avant criminelle fascine littéralement les prédicateurs et agents recruteurs de la région ».

Cet effet de contagion trouve dans l’ensemble de la bande sahélo-saharienne « un terrain d’autant plus favorable », conclut la même source « qu’il s’appuie sur l’héritage, la mémoire et les méthodes des GIA, les Groupes islamique armés algériens, responsables de plusieurs dizaines de milliers de morts durant la décennie 1988/98. A l’époque, sans pouvoir les filmer et les diffuser sur Internet, les GIA mutilaient, égorgeaient et brûlaient leurs victimes. Plusieurs de leurs chefs avaient déjà proclamé un Califat en Algérie dont ils affirmaient vouloir imposer la suprématie à l’ensemble de l’Afrique du nord et du Sahel… »

En butte aux revers subis dans le cadre des opérations de contre-terrorisme menées par l’armée algérienne durant les années nonante, n’oublions pas, en effet, que les GIA donnèrent alors naissance au GSPC (Groupe salafiste pour la prédication et le combat) dont sont issus AQMI et ses filiales : Ansar Dine, le MUJAO (le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest), etc. « La mémoire de ces filiations morbides est nécessaire et fondamentale », explique Abderrahmane Moussaoui[1], « si l’on veut comprendre donc transformer efficacement les segments de violence qui fragmentent aujourd’hui l’ensemble de la bande sahélo-saharienne ».   

 

Richard Labévière, 15 mars 2015, Rédacteur en chef de prochetmoyen-orient.ch      

[1] Abderrahmane Moussaoui : De la violence en Algérie - Les lois du chaos. Editions Actes Sud, 2006.

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