Le film événement de Clint Eastwood, American Sniper (6 nominations aux oscars) sort en France le mercredi 18 février, un portrait de Chris Kyle ce tireur d’élite, chargé de la protection des Marines en Irak. Au cours des quatre campagnes qu’il y mena, il tua selon le Pentagone 160 « ennemis de l’Amérique ». Ses amis -qui l’ont surnommé « la légende »- et ses ennemis -qui voyaient en lui « le diable »- en dénombrent davantage encore.
Parue pour la première fois en 2012, son autobiographie éponyme a été 37 semaines dans la liste des livres les plus vendus du New York Times. Publiée dans la foulée aux éditions Nimrod, la version française vient d’être réactualisée. Le récit est âpre, écrit au scalpel. Il donne la mesure de l’extrême violence et de l’horreur de l’opération « Iraqi Freedom ». Le tireur y raconte la guérilla urbaine au travers du viseur de son arme. La peur et la mort omniprésentes, le courage aussi, mais également, martèle-t-il, « le plaisir ».
D’ailleurs, certains passages ont fait polémique Outre Atlantique, notamment ceux où il évoque ses ennemis, qu’il appelle « insurgés », « sauvages » ou « salopards ». Une mise à distance qui lui a été sûrement salvatrice. Malgré ses dénégations, du type « Putain, ça va être le pied, songeai-je. Nous allons tuer un maximum de salopards et je vais être au cœur des combats ».
L’aristocratie de l’armée américaine
Ainsi, en près de 350 pages défile une vie peu commune, commencée dans l’enfance comme chasseur de cerfs, poursuivie dans la post adolescence comme cow-boy dans un ranch, et continuée dans les Navy Seal, cette aristocratie de l’armée américaine, qu’il a choisie de rejoindre après le choc du 11 septembre. On le voit assoiffé de vengeance, prêt à donner sa vie, toujours aux avants postes, coiffé non pas d’un casque, qu’il juge trop lourd, mais d’une casquette de baseball aux armes d’une des casernes de pompiers décimée après les attentats du World Trade Center.
Ainsi, est-il devenu le héros de l’Amérique profonde, notamment celle de la Bible Belt, touchée au plus profond par le dévouement de ce soldat dont la femme dit qu’il « plaçait le pays avant la famille ». Dans la fournaise de l’Irak et les combats de rue, il fait revivre le mythe du cow-boy solitaire, justicier bienveillant et courageux. Il raconte aussi de l’intérieur et avec force détails une page de notre Histoire récente.
Une mort absurde
En 2013, le destin de ce père de famille prend davantage d’épaisseur encore. A 39 ans, alors qu’il vient de quitter l’armée, après dix années de service, il est abattu, par accident, dans un stand de tir au Texas par un vétéran venu soigner ses traumatismes de guerre. Dans la nouvelle édition française parue en janvier, sa veuve Taya, -dont le témoignage innerve l’ensemble du livre-, évoque en quelques pages émouvantes une vie hors norme et une mort absurde.
Ecrit dans un style très américain – efficace, direct, souvent dopé aux effets stylistiques faciles-, l’autobiographie avait tous les ingrédients du best-seller. Et sous la direction de Clint Eastwood et les traits de Bradley Cooper d’un blockbuster Hollywoodien. Morceaux choisis.
L’ivresse de la gâchette
« Après le premier tir au but, les autres suivent facilement. Je n’avais pas besoin de me préparer mentalement ou de faire quoi que ce soit – je regardais dans ma lunette, ajustais ma cible dans mon réticule et tuais l’ennemi avant qu’il ne tue l’un de mes camarades ».
Le patriotisme
« En ma qualité de SEAL, j’avais un travail à accomplir. Je tuais l’ennemi – un ennemi que je pouvais voir, jour après jour, comploter pour tuer mes frères américains. Je suis aujourd’hui encore hanté par les succès qu’ils remportaient dans cette entreprise. Ils étaient rares, mais une vie américaine perdue c’était encore une de trop ».
L’ engagement
« Nous nous étions baptisés ‘les Punishers’. Pour ceux qui ne seraient pas familiers avec ce personnage, rappelons que le Punisher est apparu dans une bande dessinée Marvel au cours des années 1990. C’est un dur à cuire, un redresseur de torts, qui rétablit la justice. (…). Nous pensions tous que ce que faisait le Punisher était cool : il réparait les injustices. Il tuait les salopards. Il terrifiait les crapules ».
L’épouvante
« Encore un corps, un autre Marine. Je me penchai sur lui et me forçai à le regarder. Pas lui. Mais désormais, avec chaque corps que nous arrachions de cette fosse – et ils étaient nombreux – j’étais de plus en plus convaincu que j’allais découvrir mon frère. Mon estomac se contracta. Je continuai à creuser. J’avais envie de vomir ».
Les récompenses
« Au final, je terminerai ma carrière de SEAL avec deux Silver Stars et cinq Bronze Stars, toutes pour bravoure au combat. Je suis fier de mes états de service, mais je n’ai jamais rien fait dans l’optique de gagner une médaille. Elles ne font pas de moi quelqu’un de meilleur ou de pire qu’un autre soldat. Les médailles ne révèlent jamais toute l’histoire. (…) C’est pour toutes ces raisons que je n’expose pas mes médailles chez moi, ni à mon bureau ».
La mission en Irak
« Je n’ai pas risqué ma vie pour apporter la démocratie en Irak. J’ai risqué ma vie pour mes camarades, pour protéger mes amis et mes concitoyens. Je suis parti en guerre pour mon pays, pas pour l’Irak. Mon pays m’a envoyé là-bas afin que toute cette fange ne vienne pas échouer sur nos rives ».
Les armes chimiques stockées
« Tout le monde évoque la non-existence d’armes de destruction massive enIrak, mais on semble se référer aux armes nucléaires en état de fonctionner, non pas aux innombrables armes chimiques létales ou à leurs précurseurs que Saddam avait stockés. La raison vient peut-être de ce que les inscriptions sur les barils montraient que ces produits chimiques provenaient de France ou d’Allemagne, nos prétendus alliés occidentaux ».
Les ennemis de Falloujah
« De nombreuses personnes qui ont écrit sur Falloujah expliquent à quel point les insurgés étaient fanatiques. Ils étaient fanatiques, mais ce n’était pas seulement la religion qui les poussait. Bon nombre d’entre eux tenaient grâce à la drogue. Un peu plus tard au cours de notre progression, nous investîmes un hôpital qu’ils avaient utilisé dans les faubourgs de la ville. Nous y trouvâmes des cuillères noircies, des seringues et d’autres indices de la manière dont ils se préparaient pour les batailles.
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