Réintroduisons la morale par le biais de la responsabilité

Bruno Bertez
Bruno Bertez
Analyste financier anc. propriétaire Agefi France

Il n'existe pas de liberté sans responsabilité. Le Libéralisme est en régression. Attaqué de l'extérieur par les socialistes et les sociaux-démocrates, miné de l'intérieur par l'affaissement de l'exigence individuelle de responsabilité. Nos sociétés se « défilent ». La disjonction se propage, gagne toute la société, on prend ce que l'on juge bon, on rejette ce qui est perçu comme mauvais.

Les capitalistes ont « oublié » leur responsabilité d'apporter la prospérité et de fournir des emplois! Les hindous nous apprennent qu'un arbre a toujours deux branches, une bonne et une mauvaise, mais nous, nous prétendons qu'ils n'en ont qu'une, la bonne évidemment. Nos sociétés de disjonction généralisée tentent, voire imposent, l'artifice du rejet du négatif ailleurs.  Nos sociétés se caractérisent par un déficit grandissant de responsabilité. Le collectif a bon dos qui exonère toutes les lâchetés, tous les reniements et même, maintenant, les crimes. Nous soutenons que le couple liberté/responsabilité ne devrait jamais être dissocié, ce sont deux faces d'une même médaille.

La référence morale est de moins en moins évoquée, elle disparaît même de la sphère politique. Pourtant, nous soutenons que c'est de la régression de la responsabilité en politique que se développe l'irresponsabilité chez les citoyens. Il y a tache d'huile ou contagion d'exemplarité.

La notion de responsabilité appliquée aux dirigeants politiques est complexe. Il ne faut pas confondre la responsabilité morale avec la responsabilité juridique. Bien souvent le peuple porte un jugement sur la culpabilité morale, sur l’éthique d’un comportement et d’une décision du juge  et il est scandalisé.

Bien souvent aussi, le personnel politique présenté devant les tribunaux est exonéré et le peuple ne comprend pas. De plus en plus souvent, le cynisme est tel que les notions de responsabilité politiques ou administratives sont carrément escamotées, la catégorie est nulle et non avenue derrière le rideau de fumée de l'intérêt soi-disant national. Et puis, il ne faut pas oublier l'extension, l'envahissement par ce fameux pragmatisme qui caractérise les sociétés anglo-saxonnes.

L'irresponsabilité du personnel politique est socialement organisée, par le jeu des élections. Un clou chasse l'autre, dit-on, et en politique, il est de bon ton de considérer que parce que l'on n'est pas réélu, cela suffit, c'est une sanction aux fautes, aux erreurs, voire aux crimes. L'éponge passe, le compte est bon, il y a équilibre et solde de tous comptes.

 

Devant les tribunaux, l'irresponsabilité est la norme. Cela tient à plusieurs éléments:

-la responsabilité juridique ne recouvre pas la responsabilité morale

-la disparition des contre-pouvoirs et relais de la démocratie, neutralisés par l'argent

-la justice est humaine, faible, faillible, intéressée, il y des fautes et des erreurs
-le ministère public est partial, non indépendant, politisé
-le carriérisme est une donnée que l’on ne peut nier, il est présent dans les prises de décision
-le juge n’a pas la capacité d’auto-saisine
-la généralisation du deux poids deux mesures.

Nous insistons sur ce dernier point tout en précisant que la liste n’est pas limitative.

On ne le dit pas assez, nous sommes en situation de crise et de guerre. Les Pouvoirs ont plus d’informations que les citoyens et ils le savent. La doctrine des Pouvoirs est que le Pouvoir d’Etat se définit essentiellement par le droit de prendre des mesures d’exception dans les cas de guerre ou de menace extrêmes. C’est la doctrine de Carl Schmitt, juriste préféré d’Hitler, qu’implicitement les Etats ont tous adoptée. La forme la plus perverse étant l’invocation à tout bout de champ, de la fameuse Raison d’Etat ou de son avatar, le Secret Défense/Sécurité Nationale.
En vertu de cette doctrine, on peut tout faire, du moment que l’on invoque un intérêt supérieur de la nation. A noter que l’on peut même l’invoquer, quand on a pour objectif de liquider la Nation,  comme le veulent les Français Hollande et Valls, auquel cas on remplace la Nation par n’importe quel « isme », n'importe quelle  idéologie à la mode dans la société civile manipulée. Le « Droit de l'Hommisme » confère de nombreux et nouveaux droits.

Ce dernier point, les pleins pouvoirs justifiés par la doctrine de Carl Schmitt nous semble le plus important en terme de civilisation; il justifie la recette de la tyrannie qui est : « la fin justifie les moyens ». Et il exonère de toute responsabilité le monde politique, puis administratif, puis militaire, puis policier, etc. En chaîne, cela gangrène toute la société. Malgré les Constitutions, on glisse vers des situations où la question de la Constitutionnalité n'est même plus posée. Celui qui parle de la Constitution est pointé comme « ringard ».
Ce qui frappe, c’est la généralisation de la morale à deux vitesses des socialistes, des sociaux-démocrates! Ils sont humanistes et posent des principes tombés du ciel comme l’égalité, mais ils récusent d’autres principes bien plus avérés et utiles en société, comme les principes éthiques. En fait, en développant l’idée que les Pouvoir ont tous les droits, ces gouvernements s’octroient le droit de bafouer des principes millénaires fondateurs, ou des acquis de la civilisation. Ils adoptent une attitude survivaliste, c’est à dire, ils se rallient… à la loi du plus fort, au « œil pour œil, dent pour dent » qui sont pourtant aux antipodes de leurs crédos fondateurs. On le voit avec l’ex-pacifiste Hollande, lequel avait glorifié les poilus rebelles de la Grande Guerre et qui est  devenu un va-t’en guerre sur 5 fronts différents. Hollande qui sème la guerre là bas et qui s'étonne de récolter le terrorisme chez lui.

Ce que nous affirmons au niveau de la politique intérieure se retrouve au niveau de la politique étrangère, la puissance dominante piétine quotidiennement aussi bien les Grands Principes des relations internationales, que les Grands Principes de la Démocratie et impose un ordre fondé sur la seule défense de ses intérêts, sorte de super Réal Politik. Le viol des individus et des consentements est devenu réalité quotidienne.

Dans l’exercice du Pouvoir concret, tous ces gens se renient, se contredisent, et c’est pour cela qu’en termes humains, moraux, civilisés, ils sont illégitimes. Ils sont illégitimes et en profondeur ils sont perçus comme tels. Si les Grands Principes ne s'imposent plus à tous, alors, il n'y a plus de référence extérieure aux collectivités  humaines et seule dans les conflits, la violence peut les départager. La violence, le terrorisme, surgissent et s'imposent quand les Grands Principes sont bafoués par ceux qui devraient donner l'exemple de leur respect absolu. Il y a  des lois supérieures aux lois humaines et supérieures à la loi du plus fort. La survie des sociétés repose sur la préservation de ce qui est commun et ce qui est commun, ce sont les Grands Principe. Détruire les Principes au nom des nécessités de la survie est une erreur historique, on le voit avec l’évolution des conflits au Moyen Orient déclenchés par les Etats-Unis. Le cynisme a créé une situation inextricable.

 

La responsabilité se situe à l’intersection du collectif et de l’individuel, elle est au centre de la vie en société, mais aussi au centre de la constitution du sujet individuel, et c'est ce qui est bien souvent oublié. Nos sociétés se détruisent, de l'action conjointe de l'extérieur et  de l'intérieur.

Bruno Bertez, 21 février 2015

Un commentaire

  1. Posté par KANDEL le

    F. Bastiat: la responsabilité, c’est l’enchaînement naturel qui existe, relativement à l’être agissant, entre l’acte et ses conséquences; c’est un système complet de peines et de récompenses fatales, qu’aucun homme n’a inventé, qui agit avec toute la régularité des grandes lois naturelles…Elle a évidemment pour objet de restreindre le nombre des actions funestes, de multiplier celui des actions utiles. Il faut donc laisser la “loi naturelle de responsabilité” agir sans interférer avec elle car toute tentative de la détourner de son cours naturel est une attaque contre la justice, la liberté, l’ordre, la civilisation et le progrès.

    La responsabilité ! Mais c’est tout pour l’homme: c’est son moteur, son professeur, son rémunérateur (par un gain si l’action était juste) et son vengeur (par une perte si l’action était fausse). Sans elle, l’homme n’a plus de libre arbitre, il n’est plus perfectible, il n’est plus un être moral, il n’apprend rien, il n’est rien. Il tombe dans l’inertie, et ne compte plus que comme une unité dans un troupeau. Frédéric Bastiat

    Pourtant, nous oublions une chose essentielle : la responsabilité et la liberté sont indissociables. L’une est la condition de l’autre. A chaque fois que vous voulez échapper à vos responsabilités dans un domaine précis, vous perdez votre liberté d’action dans ce même domaine. A chaque fois que l’on transfère une compétence à l’Etat, on s’exonère du poids de la responsabilité…mais on perd dans le même temps sa liberté. Jean-Louis Caccomo

    Turgot (1727-1781) Le vrai rôle de l’État: éliminer les obstacles à la liberté et assurer le respect du Droit.

    Alain Laurent: L’éthique de la responsabilité individuelle bien entendue a donc d’abord une dimension attractive et récompensante. Elle implique l’heureuse rétribution de celui qui a fait ce qu’il faut et mérite d’en recevoir le juste bénéfice – qui lui revient personnellement à la mesure de ses talents et efforts bien dirigés. Elle génère la juste estime de soi.

    Les peuples corrompus préfèrent le bien-être de l’esclavage aux rudes efforts de la liberté. John Milton

    Somerset Maugham: Si un pays accorde à quelque chose davantage de valeur qu’à la liberté, il perdra la liberté; et l’ironie des choses fait que si ce qu’il valorise davantage est le confort et l’argent, il perdra l’un et l’autre aussi.

    CQFD

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