Michel Fugain abandonne Hollande qui ne le fait plus rêver pour Nouvelle Donne. Celui qui dans les années 1970 accompagnait avec talent la montée des illusions post-sixanthuitardes, des grands soirs, des lendemains qui chantent, et du changement pour le rêve et la fête, va retrouver les pense-creux de Charlie-hebdo et de canal+, ceux qui à coups de dérision et de vulgarité ont habitué les Français à penser le plus bas possible. J’aime beaucoup les chansons très libertaires qu’il écrivait jadis parce que précisément l’art, le petit comme le grand, n’est pas là pour dicter la conduite, ni inspirer des idées, mais pour donner du plaisir à notre sensibilité à mi-chemin de l’intelligence sèche et de la sensualité grossière. Que l’art fasse rêver est excellent, mais il est dangereux que des rêveurs guident les affaires humaines. Lorsque de Gaulle appela à la résistance, il s’appuya sur le bon sens, non sur l’imagination. Le show-bizz et ses paillettes, la sentimentalité superficielle des artistes, doivent être tenus à l’écart de la réflexion politique qui demande des connaissances et du réalisme. On ne fait pas de la bonne politique avec des chansonnettes.
Notre chanteur est donc déçu par le « fonctionnaire » Hollande. Il n’a pas vu qu’Hollande est tout le contraire. Ce n’est certes pas un aventurier. Ce n’est pas non plus un grand politique. Non, c’est à sa manière quelqu’un du spectacle, un illusionniste. Et les écolo-gauchistes attardés comme ce pauvre Fugain ne se rendent pas compte que pour faire face à un monde de plus en plus angoissant, le choix n’est pas entre les petits trucages du pouvoir et le déni halluciné du réel tel qu’il se déploie en ce moment même à l’extrême-gauche rouge et verte. L’exigence de l’heure est la lucidité et au pragmatisme. La victoire à la Pyrrhus de Syriza émoustille la gauche de la gauche, mais les Grecs vont découvrir un peu plus qu’on ne vit pas impunément à crédit au-dessus de ses moyens. Ils se croient une exception et se voient en victimes. Ils ne sont que le maillon faible de l’Europe.
En 1900, l’Europe domine le monde. Les troupes européennes auxquelles se joignent les Américains et les Japonais écrasent les Boxers chinois et libèrent les légations de Pékin assiégées. 115 ans plus tard, deux guerres mondiales d’abord européennes et une décolonisation ont remis l’isthme du continent asiatique à sa place. Petite par son étendue, très peuplée, mais moins que la Chine ou l’Inde, avec une population vieillissante, de plus en plus renouvelée par une immigration extra-européenne, l’Europe occidentale n’a maintenu pendant longtemps son niveau de vie enviable que par l’illusion de l’Etat-Providence, des déficits et de la dette. Les pays du nord qui n’avaient pas adopté l’Euro ont su s’adapter par le biais de la monnaie et des réformes. Le nord de la zone euro a su se réformer et a développé une économie et notamment une industrie fondée sur la qualité de ses produits. Le sud, en revanche, ayant perdu avec la possibilité de dévaluer les monnaies nationales sa variable d’ajustement, a subi la dégradation de son activité industrielle, le creusement de ses déficits, la montée de sa dette et surtout la hausse du chômage. La méditerranée qui devait devenir le carrefour de l’union euro-méditerranéenne est à nouveau le ventre mou du continent, ouvert à tous les trafics, et notamment à l’immigration illégale, exposé aux routes de la haine contre l’Occident, au fur et à mesure que la déstabilisation à laquelle les européens ont concouru gagnait ses rivages. La situation en Libye et en Syrie est chaotique et très préoccupante. La complémentarité évidente entre la vaste Russie et ses ressources, d’une part, et l’Europe d’autre part, ouvrait des perspectives que l’interventionnisme américain s’emploie avec succès à obturer.
Première puissance économique du monde, mais en recul, l’Europe ne doit surtout pas écouter le chant des sirènes de l’ultra-gauche. Des Etats croulant, dans l’enthousiasme et sur un air de fête, sous la dépense et l’emploi publics, en espérant les financer par une planche à billets continentale, mais incapables de redynamiser des économies insuffisamment compétitives, donneraient entièrement raison à ce que Marie-France Garaud faisait dire à Jacques Chirac dans le fameux « appel de Cochin » : « Français, ne l’écoutez pas. C’est l’engourdissement qui précède la mort ». L’exemple des pays qui n’ont pas adopté l’Euro, ou de la Suisse, montre que le choix n’est pas entre la construction européenne, que Tsipras ne veut pas abandonner, et la fin de l’Union, ou de l’Euro, si cette dernière solution était celle du retour à la facilité des Etats-Providence nationaux. Le véritable choix est entre le déclin, la mort et le redressement, la vie. Or cette dernière ne peut être sauvée que par ceux qui entreprennent, Europe, Euro, ou pas, les réformes nécessaires aussi bien pour réduire les dépenses publiques que pour rendre nos économies plus compétitives, aussi bien pour garantir nos frontières que pour sauvegarder nos identités culturelles, notre civilisation, aussi bien pour assurer notre sécurité que pour garantir nos indépendances.
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