Lutte contre le racisme: riez jaune!

NDLR. Merci au journal La Nation pour l’autorisation de reprise

 

La Commission fédérale contre le racisme (CFR), présidée par Mme Martine Brunschwig Graf, publie un bulletin «sur l’humour, la satire et l’ironie, des domaines où la liberté d’expression est parfois invoquée pour propager des idées ouvertement racistes de manière sournoise». Le communiqué de presse (nous nous sommes épargné la lecture de l’opuscule) pointe du doigt, sans les nommer, des humoristes qui, au cours de l’année écoulée, «se sont bornés à reproduire des stéréotypes sans les remettre en question, contribuant consciemment ou inconsciemment à ancrer dans la société majoritaire une certaine vision discriminatoire des minorités et un rapport de domination. L’humour a un rôle important dans la société et n’est jamais innocent. Il peut remettre en question les rapports de domination ou les entériner, démasquer les préjugés ou les propager.» Le texte cite encore un socio-anthropologue au nom imprononçable: «Pour que l’humour incite comme il se doit au changement et à la critique, il est impératif de veiller à sa pluralisation institutionnelle et à sa démocratisation et de s’assurer de sa nature critique envers le racisme.»

Vous aurez remarqué, disséminées dans cette logorrhée pateline, ces quelques expressions lourdes de sens: «comme il se doit» (l’humour doit inciter au changement); «il est impératif […] de s’assurer» (que l’humour critique le racisme); l’humour «n’est jamais innocent» (donc toujours coupable).

Voilà qui a le mérite d’être clair: les commissaires du peuple (ou plutôt des autres peuples) de la CFR nous laissent entrevoir la création prochaine d’un Office de surveillance de l’humour (Spaßüberwachungsamt). Il n’y a rien là de surprenant: tous les régimes autoritaires fondés sur une idéologie dont personne ne veut sont obligés, à un moment ou à un autre, de faire taire les gens qui rient d’eux. Aujourd’hui, on nous balance de doucereuses leçons de morale; mais cela ne suffira pas à faire taire les rieurs, qui vont continuer de plus belle à agacer le régime et à ridiculiser l’idéologie officielle. Tôt ou tard, il faudra envoyer les agents de l’Antiraspo, la police politique antiraciste, pour arrêter les humoristes subversifs, confisquer leurs moyens de diffusion, brûler leurs samizdats cachés dans des caves.

Au risque de surprendre quelques lecteurs, et bien que notre chronique soit certainement déjà dans le collimateur des commissaires fédéraux, nous souhaitons souligner que nous ne sommes pas en total désaccord avec les propos tenus par la CFR. Il est en effet tout-à-fait justifié de considérer comme dangereux les pseudo-humoristes qui s’attaquent aux fondements de la société idéale à laquelle nous aspirons. A ce titre, les petits malins qui, sous couvert de liberté d’expression, rient de l’armée, de la police, de la discipline, du patriotisme, de la morale, de la famille ou de la religion chrétienne – et ainsi propagent des préjugés et reproduisent des stéréotypes sans les remettre en question – sont des individus nuisibles qu’on ferait bien de mettre hors d’état de nuire.

Notre avis étant maintenant donné, nous allons remettre notre texte au Comité de censure de Mme Anastasie Brunschwig Graf, qui coupera les passages effrontés et ne conservera probablement que cette seule phrase: «Nous ne sommes pas en total désaccord avec les propos tenus par la CFR.»

(Le Coin du Ronchon, La Nation n° 2008, 26 décembre 2014)

 

 

 

 

6 commentaires

  1. Posté par Patrick le

    Hello Fredo ! On se calme…
    Le Coin du Ronchon, c’est du deuxième degré, au cas où !

  2. Posté par Fréderic Bastiat le

    “A ce titre, les petits malins qui, sous couvert de liberté d’expression, rient de l’armée, de la police, de la discipline, du patriotisme, de la morale, de la famille ou de la religion chrétienne – et ainsi propagent des préjugés et reproduisent des stéréotypes sans les remettre en question – sont des individus nuisibles qu’on ferait bien de mettre hors d’état de nuire”.

    En somme, entre l’auteur et les prétendus anti-racistes totalitaires qu’il critique, la seule différence s’il en est c’est sur quoi ou de quoi on aurait le droit de rire. A part cette différence sur le contenu qu’on est autorisé à tourner en ridicule ou celui sacré que l’on ne peut toucher, l’auteur montre exactement le même travers, intolérance excessive, besoin maladif de contrôler et d’interdire, bref le même totalitarisme que ceux qu’il critique.

    On dirait Franco qui se plaint de la dictature du Che.

    Le pire, c’est qu’il ne s’en rend probablement même pas compte. Il ne lui viendrait pas à l’esprit de se dire que c’est précisément parce que ceux d’en face fonctionnent de la même façon que lui qu’il est confronté au problème qu’il dénonce. On a là un exemple magnifique d’égocentrisme intellectuel.

    La position de l’auteur peut se résumer en une phrase: “Je dois avoir le droit de rire de tes valeurs, mais toi il t’est interdit de rire des miennes”.

  3. Posté par Ueli Davel le

    La satire est-elle la forme stalinienne de l’humour? Notre RTS est une grande protectrice de la satire et de ses auteurs, certaines de ses émissions nous sont imposées. J’ai recherché les émissions satiriques de la RDA, de l’ex URSS, je n’ai rien trouvé ! Bizard, mes connaissances du chinois et Nord-Coréen n’étant pas assez poussée pour rechercher dans ces pays communistes, mais j’ai l’impression que le mot satire ne peut être traduit. Je constate que nos satires, pardon que nos journaleux satiriques ou plutôt nos humoristes satiriques ou dessinateurs journalistes ou inversement nos journalistes dessinateurs n’utilisent leur art et leur esprit critique seulement pour des thèmes ou des personnages gauchistes réservent uniquement leurs vacheries au non gauchisme.
    Je définirais la satire comme une forme d’expression unidirectionelle corrosive et gauchiste.

  4. Posté par Pierre-Henri Reymond le

    Waouh! Un article de la Nation! Ca me fait plaisir de le lire deux fois! Si ces propos vous ont interpellé, le Ronchon signe un article de la même veine dans le numéro suivant, le 2009. Quelle belle et fine équipe que les plumes de la Nation! J’y suis abonné depuis dix ans et si je déménage à Bornéo je me l’y ferai livrer! Que d’articles bien écrits, d’arguments fondés, d’opinions pondérées et d’avis mesurés! Dans le numéro 2009 vous pourrez aussi lire l’article intitulé: « de l’inefficacité des tabous », de Olivier Delacétaz! Qui est complémentaire à celui que vous venez de lire.

  5. Posté par S. Dumont le

    Mettre des moyens pour lutter contre le racisme, c’est contourner les vrais problèmes et laisser aux bien-pensants de rester sourds, aveugles et muets!

Et vous, qu'en pensez vous ?

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