Face aux incivilités de toute sorte, à la mendicité et ses dérapages, à la délinquance et à la criminalité qui pourrissent la vie quotidienne, on n’entend pas vraiment une forte voix populaire pour dire «assez!»
En parlant naguère de «sentiment d’insécurité» à Genève, Isabel Rochat en avait fait bondir plus d’un. Dame! Dans la population un tel sentiment n’est pas né de rien, mais d’une réalité que traduisent aussi bien les statistiques de la police que les médias, quand ce n’est pas des mises en garde qui partent aux quatre coins du monde. Un sentiment qui, pour beaucoup malheureusement, citoyens ou entreprises, est devenu ou devient une réalité vécue, préjudices et traumatismes à la clé.
Face à un tel constat, le réflexe de base est de se tourner vers la police: au secours! Comme le 144 s’impose sur le lieu d’un accident et le 118 face aux flammes, le 117 est devenu la bouée de sauvetage que se disputent les Genevois lorsque se produit un bruit suspect dans la serrure ou du vacarme chez les voisins. Or force est de reconnaître que la meilleure, la plus nombreuse et la mieux dotée des polices n’est finalement, hormis ses activités de prévention bienvenues, qu’un… pompier. Un pompier censé dissuader toute une faune de nuire et l’appréhender lorsqu’elle a néanmoins pu commettre ses méfaits.
Identités
Il me semble qu’il manque à la réflexion un constat essentiel.
Dans son internationalisation aux multiples aspects bénéfiques sur les plans notamment économique et culturel, Genève compte aujourd’hui sur son territoire une énorme proportion d’ «immigrés». En écrivant cela, je ne fais évidemment pas allusion qu’aux malfrats et profiteurs de tout poil, mais à toutes les personnes, plus ou moins de passage ici, dont on ne saurait attendre qu’elles se soucient a priori de l’identité et de l’intégrité genevoises.
Des travailleurs frontaliers, des employés de sociétés multinationales ou d’organisations internationales en poste pour quelques mois voire quelques années peuvent ne pas être indifférents à tous les aspects de la vie locale. Mais, porteurs de leur propre fibre nationale et de leurs propres préoccupations, ils ne se sentent pas obligatoirement appelés, légitimés voire aptes à jouer ici un rôle actif. Il n’y a rien là que de très normal.
Ce qui est plus navrant est que, dans ce contexte, les Genevois de souche ou (et) de cœur, un peu minorisés, un peu découragés, ont tendance à baisser les bras, à subir ce qu’ils déplorent et, évidemment, à s’en plaindre. Il n’est que de lire les rubriques de courrier des lecteurs des médias pour le vérifier.
En amont
Dès lors, face aux incivilités de toute sorte, à la mendicité et ses dérapages, à la délinquance et à la criminalité qui pourrissent la vie quotidienne, on n’entend pas vraiment une forte voix populaire pour dire «assez!». Pour encourager les partis traditionnels, de gauche à droite, à faire de cette question une priorité, pour donner à la police les moyens nécessaires, pour exiger de la justice des peines exemplaires plus dissuasives, pour afficher systématiquement sa réprobation face à certains comportements…
Et aussi pour regarder les choses en face, même si ce n’est pas «politiquement correct». Si on ne veut pas voir s’installer une insécurité croissante et ingérable née d’une recrudescence des méfaits dus à tous ceux qui considèrent qu’il y a ici «du fric à prendre», il convient d’agir en amont. Car un pays, ses citoyens et ses hôtes de qualité ont le droit d’attendre de ceux qui arrivent qu’ils aient les mains pleines de leurs talents et non qu’ils repartent les poches pleines de leurs larcins. N’en déplaise aux bien-pensants pour qui «tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil».
Sans compter, un cran de réflexion plus haut, qu’on ne peut pas à la fois affaiblir notre économie – notamment en laissant attenter gravement au secteur financier – et entretenir, en liberté ou même en prison, les pires parasites sans mettre en péril notre volet social et notre tradition d’accueil de ceux qui méritent ce refuge.
Espoir?
Pierre Maudet et Guillaume Barrazone, nouveaux magistrats en charge de la sécurité au niveau cantonal et en Ville de Genève, savent que les attentes sont fortes. Les déclarations et les démarches déjà entreprises témoignent de leur conscience de l’ampleur du phénomène et de l’urgence de la tâche. En tant que patrons de la sécurité, mais aussi en tant que politiciens, ils doivent recevoir des signaux clairs afin de percevoir tout aussi clairement que les Genevois de tripes veulent retrouver une patrie où il fait bon vivre, différente de ce qu’on l’a laissé devenir en quelques lustres. Même si, à l’instar des nouveaux magistrats eux-mêmes, ils sont trop jeunes pour avoir vécu autre chose.
Car il n’est pas besoin d’avoir connu la sécurité, la propreté et l’harmonie pour en rêver et en réclamer le retour!
Didier Fleck
Président de l’Union genevoise des partenaires de la sécurité
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