Tribune publiée dans le Nouvelliste 13.05.2014
Le must dans la presse romande, le fin du fin, c'est d'encenser Didier Burkhalter. La pensée dominante, dans les médias aujourd'hui, n'est pas du tout à gauche comme le répètent certains (elle pourrait l'être davantage, d'ailleurs), évidemment pas non plus dans la droite conservatrice, mais bel et bien dans la glorification d'un centre droit libéral, courtois, vêtu de propre, très «démocratie parlementaire», bref, Didier Burkhalter. Incroyable, quand même, que les radicaux, encore honnis de la presse dans les années 80, en soient aujourd'hui les chouchous. C'est la montée de l'UDC qui a voulu cela: l'opinion publique a déplacé sur la droite le curseur de ses haines. On vomit Blocher, mais on encense Couchepin. On se méfie de la démocratie directe, on veut la «corriger» (dixit l'ineffable François Cherix), mais on statufie l'institution parlementaire, en refusant de voir ce que cette dernière recèle de copinages et de compromissions.
Donc, Burkhalter. Le Président de la Confédération s'active pour trouver une solution à la crise ukrainienne. C'est bien, évidemment, ne le nions pas. Et tant mieux si la Suisse peut contribuer à une issue diplomatique. Mais enfin, gardons le sens des proportions. Nous avons affaire à une crise majeure, dans un immense pays dont les ferments de dispersion, entre attirance vers l'Europe et attachement à la Russie, sont séculaires. Cette crise met en jeu des géants. A partir de là, la manière dont les éditorialistes romands (dimanche encore) rivalisent de pâmoison face aux «succès» de M. Burkhalter laisse songeur. Car enfin, quels succès? L'homme se démène, rendons-lui cet hommage. Mais jusqu'à nouvel ordre, il n'a encore rien résolu. Et à l'échelle de la tourmente ukrainienne, la présidence de l'OSCE, rabâchée de façon hypertrophiée par la presse courtisane du conseiller fédéral neuchâtelois, sera-t-elle vraiment, devant l'Histoire, la clef d'une solution?
Au Bourget aussi, en 1938, on applaudissait frénétiquement Edouard Daladier. A Munich, il avait fait ce qu'il avait pu, mais on connaît aujourd'hui le résultat. Avant, donc, de hausser M. Burkhalter au sommet du piédestal, il serait peut-être sage d'attendre que parle l'Histoire. En sachant que cette dernière n'est ni propre, ni diplomatique. Mais toujours tragique.
Pascal Décaillet
Nouvelliste 13.05.2014
Je regrette de n’avoir pas pris de notes à propos de l’article, dithyrambique, consacré à Monsieur Burkhalter dans le Temps. « Enaurme! A croire qu’il avait lutté dans l’arène, triomphé de Goliath! Le « petit héros de Harlem » (si vous le connaissez) est un nain à côté. Cet article est à mes yeux symptomatique de l’état du rédacteur. Et, peut-être bien, de la société tout entière.
Tenez! En parlant d’état, je me souviens de la dégaine de Berslusconi quand, lors d’une guerre du Golfe, Bush lui posa la main sur l’épaule! Je voudrais que vous puissiez le voir! Comme un petit garçon en pâmoison devant le train électrique reçu à Noël. Comme, tenez-vous bien (j’ai les images), Angela Merkel aux côtés de Barak! Et comme je ne sais plus qui dans des circonstances analogues. L’approbation d’un puissant vaux mieux qu’un plat de lentilles….