Les enfants perdus de la République, de Sonya Zadig

Francis Richard
Resp. Ressources humaines

Sonya Zadig donne ici la parole, et c'est déjà un acte éthique, à des personnes qui souffrent de n'avoir trouvé aucune écoute possible dans leur espace identitaire, celui de l'islam où elles sont nées et ont grandi. Leur souffrance est telle qu'elles ont décidé d'en sortir, de rejeter explicitement leur islam d'origine.

Daniel Sibony

 

Ainsi commence le préfacier de ce livre consacré aux Apostats de l'islam par Sonya Zadig, psychologue, psychanalyste, linguiste et auteure, qui a grandi dans une culture arabo-musulmane, mais qui n'a jamais eu de pratique religieuse ni cru en Dieu.

 

Elle s'est intéressée à ces Enfants perdus de la République parce qu'elle-même, en tant que femme, a été incontestablement marquée, voire dévastée par la culture musulmane: il n'est pas nécessaire d'avoir la foi en l'islam pour être musulman.

 

Après avoir, au détour d'une conversation, appris l'existence du Cercle des Apostats par une amie, elle a rencontré, l'un de ses fondateurs, Momo, et réalisé un entretien avec lui sur sa chaîne YouTube, à l'issue duquel elle a décidé d'écrire un livre sur eux.

 

La tâche s'est révélée plus difficile qu'elle ne l'imaginait: L'herméticité du Cercle n'est pas d'exclusion mais de survie: les Apostats sont menacés de mort, ostracisés, doxés1Certains cachent leur apostasie à leur famille voire à leur conjoint; d'autres ont dû être "exfiltrés" comme ils aiment à le dire, c'est-à-dire relogés dans des endroits tenus secrets.

 

Dans ce livre, qui lui a demandé deux années de travail, l'auteure aura donné la parole à des femmes pour qui l'apostasie a été un acte de liberté, à des hommes pour qui elle a été une quête de sens. Au total, elle se sera entretenu avec 243 personnes, 90 femmes et 153 hommes.

 

En tant que thérapeute, ce sont les lourds dégâts psychiques qui l'ont interpellée:

  • Les femmes ont souvent des plaintes somatiques.
  • Les hommes éprouvent un fort sentiment de culpabilité, principalement envers leurs parents, surtout s'ils sont âgés.

 

Mais il y a, au-delà des violences réelles, que les unes et les autres ont subies, la terreur implantée dès l'enfance, imputable aux histoires d'horreur à propos du châtiment de Dieu et qui résulte de l'obligation d'apprendre les textes de la religion sans les comprendre.

 

Pourquoi alors ont-ils apostasié?

  • Quand ils ont appris l'âge d'Aïcha, l'épouse préférée du Prophète de l'islam: elle avait 9 ans quand il a eu des rapports sexuels avec elle.
  • Quand ils se sont rendu compte que le Coran comportait des erreurs scientifiques et qu'il était une création humaine.
  • Quand ils ont pris conscience de l'injustice et de la disparité du traitement des filles et des garçons dans leur famille d'origine.
  • Quand ils ont découvert que la traite arabo-musulmane s'est étendue sur treize siècles...

 

Comment sont-ils sortis de l'islam? En plusieurs étapes:

  • Ils ont connu le zèle religieux.
  • Les traumas qu'ils ont subis ont suscité chez eux questionnements et doutes.
  • Ils se sont bricolé un islam à eux, un self-islam 2: soit ils se disent coranistes et rejettent les autres sources, soit ils se contentent de ne plus en observer les rites.
  • Ils apostasient de manière personnelle, sans hâte.

 

Pourquoi souffrent-ils? Parce qu'ils sont réellement menacés de mort et qu'ils ne trouvent pas de soutien concret de la part d'une France qui ne cesse de les renvoyer à leur origine...

 

L'auteure pense que l'abandon de l'islam est certes un acte d'affranchissement, mais la route est encore longue avant de s'affranchir du moi pour advenir en tant que Je.

 

Elle ajoute in fine: L'apostasie [...] n'est pas une identité, elle est un passage. J'ose espérer que le Cercle des Apostats ne deviendra pas une tunique de Nessus 3.

 

Francis Richard

 

1 - Dénoncés publiquement sur le Net.

2 - Expression empruntée à Abdennour Bidar.

3 - Expression tirée de la mythologie grecque et qui signifie cadeau empoisonné.

 

Les enfants perdus de la République, Sonya Zadig, 256 pages, Fayard

 

Publication commune LesObservateurs.ch et Le blog de Francis Richard

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