Anne Coffinier : « La passion égalitariste et la peur de discriminer ont conduit à mettre à mal l’école »

 

Le taux de réussite au Baccalauréat 2025 est de 91,8 %, une hausse de 0,4 % selon le ministère de l’Éducation nationale. Cependant, divers experts et commentateurs ont déploré un « examen dévalorisé » et « donné à tout le monde ».

Anne Coffinier (ci-contre) est fondatrice de la Fondation Kairos pour l’innovation éducative-Institut de France et présidente de Créer son école. Le rejet de la méritocratie a entraîné une dévalorisation de l’examen passé chaque année par environ 700.000 candidats, explique-t-elle dans un entretien avec l'Epoch Times.

— Quelle est votre analyse sur le baccalauréat d’aujourd’hui ?

Anne Coffinier.Aujourd’hui, le baccalauréat n’a plus sa fonction historique. Le niveau a tellement baissé qu’il ne sélectionne plus les élèves et ainsi ne permet plus d’organiser l’entrée à l’université.

Par ailleurs, l’introduction de 40 % de contrôle continu n’a rien arrangé. Ce dernier a conduit les jeunes à la négociation permanente avec les professeurs pour avoir des bonnes notes tout au long de l’année. Les notes de contrôle continu ont une valeur qui change du tout au tout selon l’établissement scolaire d’origine, ce que savent les recruteurs du supérieur. C’est le caractère national du diplôme qui est ainsi remis en cause.

En réalité, le baccalauréat repose désormais sur un mensonge social : chaque année, élèves et parents expriment leur joie et leur satisfaction lors de la publication des résultats alors que l’examen n’a plus de valeur.

Maintenant, il y a deux solutions face à ce désastre : soit on supprime totalement l’examen – d’autant qu’il coûte 1,5 milliard par an -,soit on le refonde totalement en le revalorisant par le retour de la sélection des élèves et la fin du contrôle continu, en revenant vers un taux de réussite au bac inférieur à 70 %.

Mais cela demande du courage. La revalorisation du bac ne sera pas populaire dans l’opinion.

Pourriez- vous revenir en détails sur l’impact du contrôle continu dans la dévalorisation du bac ?

Il fait perdre de la valeur à cet examen parce que les notes ne peuvent être harmonisées sur l’ensemble du territoire. On sait très bien qu’un 14 / 20 n’a pas la même valeur dans un lycée public de REP+ [en gros les quartiers dits « populaires », c'est-à-dire immigrés] qu’à Louis-le-Grand.

Par conséquent, les universités, lorsqu’elles examinent les candidatures, ne regardent plus les résultats des élèves, mais leur établissement d’origine. C’est-à-dire que quand vous êtes un élève moyen scolarisé dans un lycée prestigieux, vous avez plus de chance d’être admis dans un établissement supérieur qu’un jeune brillant en provenance d’un lycée provincial quelconque sans renommée particulière. Ce qui est grave en termes de justice sociale et de renouvellement des élites.

Je vis cette problématique de manière assez personnelle parce que j’ai passé mon baccalauréat dans un lycée public provincial à Manosque dans les Alpes et si j’ai été admise à Louis-le-Grand, c’est bien parce que les notes valaient encore quelque chose. Autrement, je serais restée invisible et n’aurais pu effectuer mon parcours d’excellence républicain intégralement public : ENS [École normale supérieure] puis ENA.

C’est la raison pour laquelle je me suis battue pour soutenir et financer la création du test de mathématiques avancées TeSciA, en 2022, qui permet d’évaluer objectivement le niveau des élèves de terminale dans cette discipline. C’est un outil méritocratique digne d’intérêt.

Il faut redonner à la méritocratie toute sa place, et cela passe par une sélection assumée.

À partir de quand la méritocratie a-t-elle été mal vue ?

Dès 1985, notamment quand Jean-Pierre Chevènement, alors ministre de l’Éducation nationale, avait fixé l’objectif d’amener 80 % des jeunes « au niveau du bac ». Puis, la loi d’orientation sur l’éducation de 1989 portée par Lionel Jospin a enfoncé le clou.

À chaque réforme, ceux qui nous dirigent se demandent ce qui avantage le plus les jeunes bourgeois et ce qui défavorise le plus les jeunes issus de l’immigration. Et à partir de là, au nom d’un égalitarisme pathologique, ils ont supprimé les éléments « discriminants » comme la culture classique ou les règles d’orthographe.

Cette passion égalitariste et cette peur de discriminer ont conduit à mettre à mal l’école, pourtant autrefois voie d’ascension sociale pour les jeunes.

Vous dénoncez depuis plusieurs années la dévalorisation des examens et la baisse du niveau scolaire. Que vous disent les enseignants que vous rencontrez ? Sont-ils réceptifs à votre discours ?

Les enseignants sont réceptifs depuis longtemps. Ils ont conscience de travailler dans des conditions absurdes.

Maintenant, il y a cette idée chez la plupart des professeurs qu’il vaut mieux faire confiance à l’école publique qu’à une autre solution. Ils considèrent que l’État est toujours plus efficace que n’importe quelle autre solution non-étatique. Nous sommes en plein dans l’idéologie. Aujourd’hui, l’école publique est tellement dégradée qu’elle défait la République, dans la plupart du territoire français.

Les enseignants n’osent pas faire remonter leurs observations au ministère de l’Éducation nationale ?

Ils savent que leurs démarches seront vaines et se sont résignés. Ils n’ont plus du tout de capacité d’indignation. Les plus passionnés font de leur mieux localement, discrètement, et ont renoncé à peser sur la justice et l’efficacité d’ensemble.

Pour ma part, je constate qu’il y a une grande souffrance psychologique chez les enseignants parce que leur intelligence leur fait voir cruellement tout ce qui dysfonctionne dans l’Éducation nationale, mais qu’ils sont en même temps pris dans une sorte de collaboration anesthésiante avec ce système inefficient.

Dans la mesure où ils sont en première ligne de ce désastre, je pense qu’ils devraient être davantage écoutés. Les solutions éducatives solides ne peuvent venir que du terrain, c’est-à-dire des salles de classe.

C’est la raison pour laquelle la solution passe, à mon sens, par la subsidiarité. Redonner aux établissements scolaires la capacité d’agir : recruter leurs enseignants, les gérer, avoir la main sur les admissions, les départs, les éventuels redoublements ou programmes de renforcement académique des élèves. C’est essentiel si nous voulons mettre fin à l’expérience quotidienne de l’impuissance.

 

Extrait de: Source et auteur

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Un commentaire

  1. Posté par antoine le

    ”Le rejet de la méritocratie a entraîné une dévalorisation de l’examen passé chaque année …”
    ”Aujourd’hui, le baccalauréat n’a plus sa fonction historique. Le niveau a tellement baissé qu’il ne sélectionne plus les élèves et ainsi ne permet plus d’organiser l’entrée à l’université.”
    Obtenir de nos jours le bac n’est plus du tout une question de niveau intellectuel !
    Le système mis en place pas la gôche et ses ministres incompétents a démontré que :
    – le niveau baisse au moins depuis 40 ans !
    – pour conserver le niveau il faut maintenant un Bac++++++++++ … !
    – la sélection basée sur les résultats du Bac ne sont pas du tout fiables
    – Cela complique l’accès pour la suite des études
    – De toute façon la SÉLECTION doit être opérée tôt ou tard, n’est déplaise à la gôche qui voulait que tout le monde réussisse … quelle illusion.
    Le plus grave, c’est que les gouvernements successifs permissifs n’ont pas réagi, quel gâchis !

Et vous, qu'en pensez vous ?

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