Les images de submersion de l’île de Lampedusa par les immigrés, c’est du passé, professe Sara Kelany, la “Madame immigration” de Fratelli d’Italia. Avocate spécialisée en droit administratif, députée de Lombardie depuis 2022, l’élégante Italienne a hérité dès 2023 de la charge de défendre ce sujet stratégique pour la droite, qu’elle instruit avec aisance, sans langue de bois. Et pour cause. Difficile pour la gauche de caricaturer cette femme de 47 ans elle-même “issue de l’immigration”, selon la formule consacrée. Elle est née d’un père égyptien musulman ayant traversé la Méditerranée et d’une Italienne catholique. « Notre ambition, résume-t-elle, est de stopper les flux irréguliers sans tarir l’immigration spécifique, celle des talents dont a besoin notre économie. »
En 2024, précise Sara Kelany pour couper court à la polémique entretenue par la gauche, qui accuse Meloni de « légaliser à tour de bras les clandestins, sous couvert des impératifs économiques, pour mieux masquer son échec à endiguer les débarquements clandestins », le nombre des permis de travail délivrés est demeuré stable. Environ 450 000, dont au minimum 40 % au bénéfice des femmes, car « elles sont plus fragiles, s’intègrent mieux et intéressent beaucoup de métiers en tension ».
Près de 700 000 postes ne sont pas pourvus dans les entreprises italiennes à cause de « l’hiver démographique » (l’expression est de Meloni) qui frappe le pays. Le marché du travail a perdu en vingt ans près de 2,2 millions d’actifs de moins de 35 ans, pendant que ceux de plus de 50 ans doublaient. S’ajoutent les 2 millions de jeunes ayant fui au cours des dix dernières années, faute de perspectives économiques.
Quant à la politique mise en œuvre pour stopper l’arrivée des clandestins, les chiffres officiels illustrent son efficacité. L’année dernière, les débarquements ont diminué de 60 %, pour s’établir à 65 000. C’était 105 000 en 2022 et 130 000 en 2023. Le gouvernement a activé quatre leviers : le renforcement de la protection du territoire national, la chasse aux trafiquants d’êtres humains, la négociation d’accords avec les pays de départ et d’origine, et la création d’un centre de rétention administrative en Albanie pour regrouper hors du territoire les cas litigieux, le temps d’instruire leurs dossiers. De l’autre côté de la Méditerranée, le message est bien passé : l’Italie n’est plus ouverte à tout vent.
La première mesure emblématique et efficace est le fameux “décret ONG” du gouvernement. Il oblige les bateaux se portant à la rencontre des clandestins, à la limite des eaux territoriales tunisiennes ou libyennes, à se coordonner avec les garde-côtes italiens, sous peine de très fortes amendes. L’objectif est de mettre fin aux “navettes rapides” avec Lampedusa, en contraignant les “humanitaires” à ventiler leurs passagers dans tous les ports du pays. De facto, cela entraîne l’inflation des délais et des coûts de leurs opérations. En parallèle, le Parlement a restreint les critères nationaux du droit d’asile. Les forces de l’ordre peuvent enfin réaliser des radiographies des poignets. Elles permettent de discriminer les majeurs parmi les clandestins se déclarant “mineurs isolés”, inexpulsables. Les magistrats sont en mesure de poursuivre des trafiquants pour des délits commis hors des eaux territoriales.
Des accords “donnant-donnant” avec les principaux pays de départ
Seul l’investissement de 650 millions sur cinq ans consenti par Rome dans son partenariat avec Tirana tarde encore à porter ses fruits. Aussitôt ouvert, le centre de transit pour les clandestins est vidé dans la foulée sous l’effet des procédures intentées par les avocats promigrants. L’issue, répond Sara Kelany, est l’aboutissement de la démarche politique initiée à Bruxelles pour établir une liste officielle de pays réputés “sûrs”, vers lesquels il deviendra possible de renvoyer les clandestins sans risque d’être débouté par la justice italienne ou européenne.
L’autre grand volet de la stratégie de lutte contre l’immigration illégale est la série d’accords signés avec les principaux pays de départ : la Tunisie, l’Égypte, l’Algérie, la Turquie ou encore le gouvernement de Tripoli en Libye. « Dans un rapport équilibré, donnant-donnant, plaide Sara Kelany, ces accords favorisent le droit de ne pas immigrer en échange de contreparties. » Depuis l’octroi de financements européens (avec le soutien de Bruxelles) et d’aides concrètes à la formation d’une flottille de garde-côtes ou à l’érection de systèmes de protection des frontières terrestres, jusqu’aux coopérations dans les domaines culturel, agricole ou énergétique. C’est le cas avec l’Algérie, partenaire stratégique depuis que son gaz a remplacé celui de la Russie.
L’un des hommes clés de ce bilan est celui qui défriche discrètement le terrain sur le continent : Marco Minniti, le président de la Fondation Med-Or, le think tank officieux de la diplomatie italienne sponsorisé par toutes les grandes entreprises du pays.
Le déploiement de ces accords s’inscrit dans le plan Mattei de codéveloppement de l’Afrique. Inauguré lors du sommet Italie-Afrique de janvier 2024, qui a réuni une cinquantaine de délégations, ce plan a déjà engendré une vingtaine de partenariats concrets. Nombre des signataires sont des pays de départ de l’immigration. L’un des hommes clés de ce bilan est celui qui défriche discrètement le terrain sur le continent : Marco Minniti, le président de la Fondation Med-Or, le think tank officieux de la diplomatie italienne. Créé en 2021, l’organisme est sponsorisé par toutes les grandes entreprises du pays.
« C’est la seule stratégie qui vaille », assure cette figure de la gauche. Ministre de l’Intérieur de 2016 à 2018, le Sicilien avait esquissé cette solution avec le gouvernement de Tripoli en Libye, à l’époque où il avait dû faire face aux vagues de réfugiés syriens. Rallié à Meloni, il confie : « À mesure que la France et l’Allemagne s’affaiblissent, l’Italie devient le point d’ancrage de l’Europe. » C’est encore au siège de sa fondation et sous ses auspices que l’ambassadeur de France en Italie et son homologue italien à Paris se sont réunis, le 12 juin, pour donner corps au premier séminaire bilatéral sur les enjeux de sécurité en Méditerranée.
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