Jurisprudence : La CEDH conditionne désormais une expulsion à la garantie du retour possible du délinquant étranger en Europe.

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Le 12 novembre dernier, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) examinait le cas d’un Irakien condamné au Danemark – pour trafic de stupéfiants – à une expulsion temporaire du territoire pour six ans. Et la Cour en profitait pour élargir à nouveau sa jurisprudence.

Concrètement, l’intéressé, dénommé Zana Sharafane, contestait la décision d’expulsion prise par la Haute cour danoise en septembre 2022, en invoquant le respect de sa vie privée et familiale – alors même qu’il n’a ni femme ni enfant au Danemark. Mais la CEDH lui a donné raison, pour une raison tout à fait nouvelle.

Elle ne conteste pas l’expulsion en elle-même, puisque le Danemark a pris le soin de la limiter dans le temps comme l’exige la Cour depuis 2021. Mais c’est justement sur ce point qu’elle intervient : « Les perspectives du requérant d’être réadmis au Danemark après l’expiration de l’interdiction de retour de six ans restent purement théoriques », indique le jugement.

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En effet, si Zana Sharafane veut revenir au Danemark dans six ans, il devra prétendre à un titre de séjour comme n’importe quel autre étranger, qui pourra être refusé par le Danemark. Injuste, répond la Cour, car contrairement à d’autres, lui a déjà eu une « vie privée » au Danemark et ne devrait donc pas être traité comme les autres. Au risque, sinon, s’inquiète la CEDH, que « l’interdiction de retour de six ans [équivaille] de facto à une interdiction permanente ».

Une décision qui entre dans la jurisprudence

Alors qu’il remarquait cet arrêt, le chercheur associé à l’European Centre for Law (ECLJ), une organisation non-gouvernementale européenne, Nicolas Bauer craignait que la décision ne fasse jurisprudence et pèse donc sur la France, comme sur le reste des signataires de la Convention européenne des droits de l’Homme. En effet, la décision de condamnation du Danemark avait été prise à l’unanimité de la Cour, et classée en niveau d’importance 2, c’est-à-dire considérée comme une contribution nouvelle à la jurisprudence.

Et depuis, sa crainte s’est avérée. « Deux nouveaux jugements ont été rendus. Cette fois, la CEDH a validé les expulsions, mais après avoir vérifié que les délinquants étrangers pourraient bien revenir ! », s’insurge-t-il aujourd’hui. Et de prendre un exemple qui oppose à nouveau un Irakien, Hamza Azeem Thamer Al-Habeeb, au Danemark. Lui avait été condamné à une interdiction de territoire de 12 ans. Il invoquait devant la Cour sa vie privée et familiale au Danemark – notamment l’existence d’une femme et d’enfants – et plaidait également « que l’interdiction de retour qui le frappe s’analyse en fait en une interdiction permanente, car il estime purement théorique la perspective qu’il soit réadmis au Danemark. »

Le JDD

 

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